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Journée de la Mémoire des Victimes de l’Holocauste : discours du maire de Chalon-sur-Saône

Par Karim BOUAKLINE-VENEGAS AL GHARNATI

Publié le 31 Janvier 2023 à 23h51

Journée de la Mémoire des Victimes de l’Holocauste : discours du maire de Chalon-sur-Saône

À l’occasion de la Journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de l'Holocauste et de la prévention des crimes contre l'Humanité, dimanche 29 janvier, une cérémonie était organisée à Chalon-sur-Saône sur le site du monument des déportés et résistants de l'arrondissement. Plus de détails avec Info Chalon.

Deux discours y ont été tenus sur l'esplanade du monument des déportés et résistants de l'arrondissement.

Le premier émanant de Serge Rosinoff, président de la communauté juive de Chalon-sur-Saône, et le deuxième, du maire de notre ville, Gilles Platret.

Retrouvez ci-dessous l'intégralité du discours de ce dernier :

«C’est une grande douleur que de réveiller de grands deuils.

En ouvrant les portes du camp d’Auschwitz le 27 janvier 1945, l’Humanité, qui l’avait cherché de légendes en mythes depuis des millénaires, découvrait subitement sur terre l’une des entrées de l’Enfer. Mais ce n’était pas l’Enfer de Dante, celui où les damnés expient leurs crimes, c’était le pire des enfers, celui où les justes souffrent le martyre…

Il y a dans la constitution des camps d’extermination un renversement absolu, fondamental, de toutes les valeurs humaines. L’innocent doit payer pour que le coupable jouisse du forfait qu’il lui inflige.

Telle était l’essence même du système nazi.

Des millions de vies humaines broyées par une philosophie antiphilosophique, au gré d’une pensée qui nie la pensée, pour des raisons qui piétinent la raison. Des familles terrassées, effacées, retranchées de la terre des vivants et dispersées au vent, comme si elles n’avaient jamais existé.

Elles ont pourtant existé. Ces enfants ont ri, ces parents ont espéré, ces vieillards se sont souvenus. Ces millions de vies étaient le sel de l’humanité. Elles vibraient et faisaient vibrer la terre. Elles participaient à la ronde des humains, capricieuse et bâtisseuse, triste et joyeuse, bonne ou mauvaise. Elles étaient nous et méritaient de le demeurer toujours.

Alors, que leur est-il arrivé ? Par quel sombre mystère leurs visages ont-ils été gommés, leurs existences niées ? Quel maléfice les a-t-il ôtés de notre vue ? Quel sortilège a-t-il prétendu les arracher à nos souvenirs-mêmes ?

Dans la stupeur de leur découverte, dans l’horreur de leurs premiers constats, ces questions ont immédiatement assailli les libérateurs du camp d’Auschwitz. Or, 78 ans après ce jour funeste, il nous est demandé, en cet instant de commémoration, de nous mettre à la place de ceux qui ont poussé ces funestes portes, de ressentir en nous leur haut-le-cœur, leur indescriptible stupeur, leur refus d’accepter ce que leurs yeux dictaient pourtant à leur conscience.

Alors, que leur est-il arrivé ?

Ces femmes, ces enfants, ces hommes ont été victimes du nazisme, de l’hitlérisme. Mais aussi, hélas, cent fois hélas, de la perte de conscience face au danger, de la cécité volontaire face à l’innommable, du manque de courage face à la peur.

Il ne s’agit pas ici de donner des leçons, mais de comprendre par quel mécanique fatale la haine des juifs, ce fléau hélas ancien, a trouvé dans les circonstances de l’époque les moyens de son accomplissement ultime, les outils de l’anéantissement de millions de vie condamnées par un racisme érigé en système de gouvernement.

Refuser, à la lumière de ce nous savons aujourd’hui, de juger l’aveuglement collectif face à la montée du nazisme ne doit pourtant pas nous détourner de ces auteurs clairvoyants, qui, ayant lu Mein Kampf et suivi l’ascension d’Hitler et ses premières mesures, alertaient leurs contemporains sur ce qui allait inexorablement se passer. Jamais peut-être des plans tracés depuis des décennies n’ont-ils reçu d’accomplissement plus studieux…

Alors - et je le dis aux jeunes lycéens qui travaillent en ce moment sur ces sujets-, nous qui vivons en 2023, loin des horreurs de la Shoah, comprenons bien que le 27 janvier 1945 est notre date à tous, un appel à la clairvoyance, un appel à la vigilance, un appel au combat contre tous les systèmes qui s’érigent dans l’élimination de l’autre.

Le nazisme n’est pas mort comme référence délétère dans quelques groupuscules qui le cultivent comme une ode à un passé que leur folie glorifie. Mais l’antisémitisme a des aspects bien plus contemporains, il se renouvelle sans cesse. Et la multiplication de ses manifestations en France, comme dans le reste du monde, nous alerte sur son renouveau au sein de groupes islamistes en pleine expansion, qui se servent de cette lèpre de la pensée comme ciment unificateur de leurs bataillons lancés à l’assaut de nos libertés.

Voilà la clairvoyance dont -bien plus que nos devanciers qui avaient du moins l’excuse de pouvoir ne pas comprendre- nous devons faire preuve face au regain de la haine des juifs.

Plus que jamais, dans les temps sombres que nous abordons, la leçon de l’Histoire doit être retenue. Soyons à notre tour libérateurs du camp d’Auschwitz !

Vive la République ! Vive Chalon ! Vive la France !»


Karim Bouakline-Venegas Al Gharnati