Faits divers

5 mois en prison pour avoir volé une trottinette

5 mois en prison pour avoir volé une trottinette

Deux jeunes hommes ont volé deux trottinettes électriques ce mardi 25 avril. La police les a arrêtés. Ils sortent de garde à vue pour être jugés ce jeudi 27 avril selon la procédure de comparution immédiate.

Les deux engins étaient garés vers Carrefour sur la zone commerciale de Chalon sud. Des images de vidéosurveillance permettent d’établir des descriptions précises des deux hommes, que des policiers passant vers la gare repèrent et arrêtent. Les garçons s’apprêtaient à monter dans un TER pour Lyon, avec l’une des trottinettes. Ils avaient laissé l’autre, dotée d’un nouvel antivol, sur le terrain de l’IUT.  L’un d’eux déclare vivre chez un ami à Mâcon, l’autre parle de Villefranche et de Tassin-la-Demi-Lune, on ne sait pas trop. Les deux sont en situation administrative irrégulière en France.

La démerde 

L’un est né en 1999 à Tripoli, en Libye. Il est arrivé en France en 2021, il décrit l’enfer qu’est la vie d’un « sans papier » lorsqu’il est comme lui, majeur, dans la force de l’âge mais seul. Il parle de ses démarches pour faire régulariser sa situation, il parle de la Cimade, de la Croix-Rouge, dit que les chiens dorment à la maison « mais personne ne veut de moi ». Il est sous le coup d’une interdiction du territoire français de 5 ans, prononcée par le tribunal de Montpellier en avril 2022.

L’autre est né à Batna, en Algérie en 1997. Il a été condamné à 4 mois de prison, à Paris, en son absence, pour des menaces de mort, rébellion, outrage, sur personne chargée de mission de service public. Ces 4 mois n’ont pas été exécutés, ils pourraient bien l’être maintenant. Il gagne sa croûte sur des chantiers, au black, et comme livreur pour Uber Eats. Il dit s’être marié, et que son épouse est enceinte. 

« Il n’a de droits nulle part » 

Il est choquant que le vol d’une trottinette retrouvée le jour même en bon état et rendue à son propriétaire puisse être sanctionné de 5 mois de prison avec mandat de dépôt (comme il est requis), mais, maître Diry rejoint dans ses propos par maître Andali, le plaide : il ne fait jamais bon être coincé au carrefour du droit pénal et du droit administratif, dit « des étrangers ». L’avocat intervient pour le jeune homme libyen. « Il a été capable de nommer les organismes auxquels il a affaire : il ne se fiche pas du tout de ce qui l’entoure. Il s’est décrit comme apatride, il n’a de droits nulle part. » 

« Une plaidoirie humaine davantage que pénale »

Le sort français réservé aux personnes venant d’autres pays et qui n’obtiennent ni l’asile ni un titre de séjour est cruel, « c’est le risque français d’alimenter la précarité et le risque d’infraction », dit Benoît Diry qui entend faire « une plaidoirie humaine davantage que pénale ». Mais l’heure dans notre pays est à l’hyper-rationalisation et à la gestion de tout (que ça soit pour le malheur de tous n’y change rien, ndla), donc exit l’humanité, au profit de la technique.

« Pas suffisamment de garanties de présentation et d’insertion »

Le tribunal suit les réquisitions du ministère public, dit les jeunes hommes coupables et les envoie en prison immédiatement, pour 5 mois chacun. La présidente motive ces décisions. En ce qui concerne le jeune libyen, « le tribunal a estimé qu’il ne présentait pas suffisamment de garanties de présentation et d’insertion ». Et pour cause. C’est le cas des SDF, également. Pour le jeune algérien le tribunal a pris en compte la condamnation de 4 mois puis une autre, petite elle aussi, qui apparaît sur Cassiopée*. Voilà comment en France on peut être incarcéré pour les vols de deux trottinettes électriques, retrouvées le jour même (la seconde sur indication du jeune libyen lui-même) et rendues à leurs propriétaires. 

FSA 

* https://www.cnil.fr/fr/cassiopee-chaine-applicative-supportant-le-systeme-dinformation-oriente-procedure-penale-et-enfants   

L’un des deux propriétaires a demandé des indemnités, obtient 22 euros pour le rachat d’un antivol, et 50 euros pour son préjudice moral. L’autre n’a pas jugé nécessaire de se constituer partie civile.