Opinion de droite

"Le désemparement des maires ne se résume pas à un problème d’argent !" pour Alain Joyandet, Sénateur de Haute-Saône

"Le désemparement des maires ne se résume pas à un problème d’argent !" pour Alain Joyandet, Sénateur de Haute-Saône

Pour donner suite aux 1342 démissions de maires depuis les dernières élections municipales de 2020*, le Gouvernement et les associations d’élus se sont engagés dans un travail de fond pour améliorer les conditions d’exercice des mandats électifs locaux. Je salue cette initiative, qui n’est malheureusement pas la première, et j’espère surtout qu’elle sera porteuse. Sur ce sujet, il revient souvent dans les articles ou les reportages journalistiques et dans les interventions de responsables politiques nationaux l’idée selon laquelle le désemparement des maires de France s’expliquerait - en partie - par l’insuffisance du montant des indemnités qu’ils perçoivent. L’amélioration des conditions d’exercice de leur mandat passerait par leur simple augmentation. A mon sens, cette approche est mauvaise et surtout elle est totalement biaisée.

Augmenter les indemnités des maires est une fiction !

D’une part, quand bien même les indemnités de fonction des maires seraient augmentées, en l’état actuel des choses cette augmentation serait une pure fiction. Elles ont d’ailleurs déjà été augmentées en théorie lors de la période 2014-2020. Cependant, la plupart des élus, notamment ceux des communes rurales, ne perçoivent pas en intégralité le montant auquel ils ont droit pour deux raisons. Financièrement, elles pèsent directement sur le budget de leur commune. Politiquement, elles doivent faire l’objet d’une délibération toujours délicate en Conseil municipal. Ainsi, toute augmentation des indemnités des maires ne sera que fictive, a fortiori dans un contexte d’inflation des dépenses communales.

Sur cette question, la vraie révolution, qui - pour le coup - aurait des effets tangibles, serait que l’État prenne directement en charge le paiement des indemnités des maires, lesquelles ne reposeraient plus sur le budget communal et ne supposeraient plus de débat sensible en conseil municipal. Cela serait un engagement réel et un soutien fort de la part des pouvoirs publics nationaux. Cette décision serait d’ailleurs logique et cohérente avec le principe selon lequel les maires sont les représentants de l’État dans les communes. Il n’y aurait donc rien d’anormal que celui-ci les rémunère pour l’exercice de leurs fonctions. C’est d’ailleurs une proposition que j’effectuerai officiellement lors des débats qui vont s’ouvrir durant l’automne au niveau national sur ce sujet.

Les maires sont abandonnés par l’État !

D’autre part et surtout, si de nombreux maires se trouvent aujourd’hui désemparés, ce n’est pas en raison du montant de leurs indemnités. Aborder cette problématique ainsi est profondément caricatural. Cette approche ne ressoudera nullement le profond malaise qui touche de nombreux édiles dans notre pays. Aujourd’hui, plus que jamais, l’immense majorité des maires et notamment ceux dans les communes rurales sont abandonnés par l’État. Si les déclarations d’amour se multiplient dans la bouche des membres de l’exécutif et de leurs représentants locaux, la réalité exprime souvent le contraire. Combien de maires reçoivent actuellement des courriers des services des préfectures pour leur indiquer que leur(s) projet(s) ne serai(en)t pas subventionnés, bien qu’on leur dise en permanence que l’État sera à leurs côtés et qu’ils peuvent compter sur son soutien ? A ce titre, depuis plusieurs années désormais, l’argent public national sert de plus en plus à financer des études et de moins en moins des investissements concrets pour les Français dans leur commune. Cette situation interroge... Par ailleurs, combien de maires n’ont pas reçu le soutien escompté de la Justice lorsqu’ils ont déposé une plainte pour constater une infraction dans leur commune ? Combien de maires se sentent abandonnés face à la complexité et à la lourdeur administrative qui les accablent pour le moindre projet ou chaque action, sans parler des changements juridiques incessants ou des injonctions administratives contradictoires ?

Le véritable chantier si l’on souhaite effectivement améliorer les conditions d’exercice du mandat des maires suppose de simplifier leur quotidien et la conduite de leurs projets ; de réduire les procédures et les normes qui pèsent sur leurs actions ; d’alléger les charges qui pèsent sur leur budget pour leur redonner des marges financières afin d’investir ; de les soutenir réellement lorsqu’ils font face à des infractions et souhaitent mettre de l’ordre dans leur commune… La triste réalité est malheureusement que les maires se trouvent confrontés aux mêmes maux qui touchent globalement l’ensemble de la société française : la présence d’une bureaucratie technocratique paralysante pour toutes les initiatives privées et publiques ; le manque d’autorité des pouvoirs publics et l’incapacité de l’État à garantir l’ordre indispensable à l’exercice des libertés ; l’urgence de réduire les dépenses et de purger les comptes publics afin de retrouver une capacité d’investissement pour l’avenir.


Ainsi, l’amélioration des conditions d’exercice du mandat de maire ne réside pas, du moins uniquement, dans leur statut. La question est complexe. La réponse à y apporter transversale et profonde. Elle demande surtout du courage, de l’abnégation, et des actes forts. Toute forme d’affichage ou d’action de communication supplémentaire ne ferait qu’accroitre le désarroi de ceux qui portent la République à bout de bras depuis tant d’années. La crise sanitaire et l’actualité récente l’ont encore démontré.

* en augmentation de 5,4 % de plus en comparaison avec la même période de la mandature précédente