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TRIBUNAL DE CHALON - Agression sexuelle et corruption de mineur, la victime a 14 ans

TRIBUNAL DE CHALON -  Agression sexuelle et corruption de mineur, la victime a 14 ans

Le soir du 8 juillet dernier, la mère a vu que sa fille n’était pas bien. La fille a fini par lui dire. La mère est allée déposer plainte au commissariat de chalon pour agression sexuelle. L’auteur a tout reconnu, il est jugé de lundi 4 décembre selon la procédure de comparution à délai différé.

Le prévenu est né en 1983 en Turquie, il tient un restaurant du côté de Verdun sur le Doubs. Au printemps, la fille aînée de connaissances ou d’amis à lui, était venue lui donner un coup de main au restaurant. En juillet il sollicite son aide mais elle ne peut pas. La cadette se porte volontaire, dans l’espoir de pouvoir faire son stage de 3e dans le restaurant. Monsieur vient la chercher. Arrivés au restau il lui propose « un jeu » : il lui pose « des questions dégueulasses », comme dit la procureur, et à chaque réponse il lui donne 10 euros. Le parquet a donc ajouté à l’agression sexuelle sur mineur de 15 ans (= de moins de 15 ans) la prévention de corruption de mineur. 

Les réseaux sociaux, leurs cochonneries, leur complaisance, et les lois

Le gars s’était chauffé sur Tik-Tok, c’est ce qu’il dit, mais, comme le lui renvoie la présidente Noirot, on ne voit pas bien le rapport entre Tik-Tok et l’agression sexuelle d’une fille de 14 ans. Tik-Tok est réputé pour déverser quantité de cochonneries de toutes natures mais enfin Tik-Tok ne refait pas les lois, hein. C’est pas parce qu’on peut accéder facilement à tous les égouts de l’humanité avec son index et un écran tactile que pour autant on devient autorisé à... 

Être adulte, vis-à-vis d’un mineur

On n’a même pas envie de rapporter les détails dits à l’audience mais les juges forcément y reviennent : « Monsieur, dans le cadre de son travail, tout employeur ne se trouve pas en élection ni en situation de se frotter sur une jeune fille. Vous dites n’avoir pas eu de mauvaises intentions mais (se comporter comme il ‘a fait) ça n’est pas normal. » Le « normal » claque métalliquement dans la bouche de la juge assesseur. L’homme repart sur « l’absence de mauvaises intentions » mais ne sait rien dire sur ses intentions, ce qui fait que la juge s’interroge sur la conscience qu’il a des faits qu’on lui reproche. « Vous avez quel âge, monsieur ? - 40 ans. - Donc vous êtes adulte, et L. est mineure. »

« Je suis contre la violence. - Est ce que ce n’est pas violent de… ? »

« Est ce que vous pensez qu’elle a pu avoir peur ? - Si j’avais pensé qu’elle avait peur je n’aurais pas fait cela. Je suis contre la violence. - Est ce que ce n’est pas violent de se frotter contre elle, qui ne le veut pas ? C’est violent, c’est une forme de violence, monsieur, qui laisse des traces durables » lui dit la présidente. L’autre juge assesseur s’y met : « Vous avez profité de son statut de mineure. Puis la procureur : « Elle a tellement peur qu’elle revient avec sa petite sœur, le lendemain, mais ça ne vous arrête pas. Vous avez conscience que c’est tres grave, ce que vous avez fait ? On ne dirait pas. - Je suis prêt à tout faire, pour elle, pour sa famille... - Le mieux c’est de la laisser tranquille. »

« Discours flou et tortueux », « problématique d’immaturité, de déviance »

Le type s’enfonce. Il édulcore, il répond à côté. L’expert psychiatre l’écrit dans son rapport : « discours flou et tortueux », « problématique d’immaturité, de déviance, voire de toute puissance concernant les interdits et la sexualité ». C’est si vrai que le prévenu, pendant l’expertise, croit rationaliser quelque chose de ses passages à l’acte en expliquant qu’en Turquie c’est interdit aussi mais que si les familles sont d’accord, alors on peut mettre une fillette avec un homme adulte. Rationaliser, décidément, ça peut servir à tout.
« Le profil de monsieur m’inquiète, dit maître Mortier-Krasnicki pour la victime. Quand on est victime, à l’âge de L. d’agression sexuelle, ça laisse nécessairement des traces. »

« Bien sûr que c’est violent ! C’est de la violence psychologique et de la violence sexuelle »

Cyrielle Girard-Berthet, substitut du procureur, requiert d’un ton vif. Elle décrit les perturbations que l’agression a généré chez la victime, « comme on la comprend ! Elle ne savait pas se dépêtrer de cette situation ». La corruption de mineur est caractérisée. Quand on voit la victime, « on voit bien qu’il y a une déviance, qu’elle est un enfant ! Et bien sûr que c’est violent ! C’est de la violence psychologique et de la violence sexuelle. Le second jour elle emmène sa petite sœur dans l’espoir qu’il s’arrête, mais non, il l’attrape par la nuque pour qu’elle s’assoit sur ses genoux mais elle ne veut pas. Voilà. Et puis, il lui demande le silence, le secret. Elle n’y est pour rien, mais lui, qui n’a aucune remise en question de lui-même, quel travail psychologique peut se faire utilement dans ces conditions ? »

Le prévenu n’a pas de casier mais les faits sont graves. La magistrate requiert la peine de 3 ans de prison assortis d’un sursis probatoire renforcé pendant 2 ans, ainsi que l’interdiction d’exercer toute activité au contact de mineurs pendant 10 ans, soit le maximum.

« Il sait qu’il n’est pas là pour rien » 

Maître Ramazan Öztürk entreprend une plaidoirie digne. « Les faits sont graves et malsains. Mademoiselle est victime. Elle n’avait pas à subir ce qu’elle a subi. A aucun moment je ne mettrai en doute la parole de mademoiselle. » L’avocat dit que la mère de la jeune fille a giflé le prévenu quand avec son mari ils se sont rendus chez lui, « une gifle méritée, d’ailleurs il n’a pas bronché ». Sur le prévenu : « On dit que monsieur est flou, mais il a du mal à s’exprimer clairement. Il vit avec une boule au ventre depuis juillet, il sait qu’il n’est pas là pour rien. »

« Ce qui a eu lieu est grave mais c’est un fait isolé »

Sur les faits : « Oui c’est dégueulasse, il faut dire les choses comme elles sont. Il a tout reconnu. A l’époque il n’avait quasi aucune vie intime avec sa femme, il est allé se distraire sur les réseaux, jusqu’à en perdre tout discernement. Il a eu le courage d’en parler à son épouse. Il travaille, il est inséré. Ce qui a eu lieu est grave et inquiétant mais c’est un fait isolé. » Maître Öztürk remarque que l’audience est publique et accueille ce lundi une ou deux classes de collégiens (des troisièmes, justement, de Saint-Dominique, ndla) : épreuve supplémentaire pour le prévenu, et, il l’espère, effet pédagogique pour les élèves qui ont l’âge de la victime.

2 ans sous main de justice, 24 mois de prison en réserve, si jamais…

Le tribunal dit le prévenu coupable, le condamne à la peine de 2 ans de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Obligations de travail, de soins, d’indemniser la partie civile. Interdiction de tout contact avec la victime ainsi que de paraître à son domicile. Peine d’inéligibilité de 2 ans. Le tribunal constate son inscription au FIJAIS, selon un régime semestriel (tous les 6 mois il devra justifier de son adresse, soit auprès des gendarmes soit de la police). 
« Vous allez être suivi par un juge d’application des peines pendant 2 ans. »

FSA

L’application des peines est mal connue parce que ce qui s’y passe n’est pas public. Il n’en reste pas moins que c’est un pan entier des peines dites mixtes qui se joue là. On peut lire ces articles qui en donnent quelques illustrations :

https://www.creusot-infos.com/news/bourgogne-franche-comte/bourgogne-franche-comte/l-application-des-peines-1-dans-les-coulisses-des-sursis-probatoires-ou-des-detentions-a-domicile.html 

https://montceau-news.com/faits_divers/740373-justice-lapplication-des-peines-2.html 

https://www.autun-infos.com/news/bourgogne-franche-comte/bourgogne-franche-comte/l-application-des-peines-3-le-pari-reussi-d-un-sursis-probatoire-renforce.html