Agglomération chalonnaise
ASSISES DE SAONE ET LOIRE : procès pour tentative de meurtre sur la mère de ses enfants
Par Florence SAINT-ARROMAN
Publié le 09 Avril 2024 à 07h49
A 15h20, l’accusé - dont le procès se déroule de ce lundi 8 avril jusqu’à vendredi – contestait toujours, avoir étranglé E. son ex-conjointe, le 13 juin 2021. A 17h37, il a avoué.
Voilà un premier interrogatoire qui a mené son chemin d’un point à un autre, sans toutefois avoir de prise, ce premier jour, sur le micmac qui embrouille cette affaire, laquelle s’enracine longtemps en arrière.
« J’ai été débile », dit encore l’accusé. Le mot paraît champêtre quand on encourt une peine de réclusion criminelle à perpétuité, si toutefois il ressort des débats qu’il avait l’intention de tuer son ex-conjointe. Sur ce point l’homme est vif : « Jamais de la vie ! Je voulais lui faire peur, uniquement. » Les débats ne font que commencer, le procès est loin d’avoir tout déplié. On verra.
Voici une partie des faits tels que la présidente de la Cour les relate pour les jurés et les juges assesseurs. Cette présentation ne saurait préjuger de la culpabilité de l’accusé.
Le dimanche 13 juin 2021, les gendarmes de Givry puis de Chalon sont requis pour des violences intrafamiliales à Sevrey. Sur place, ils trouvent madame, en larmes dans la rue, des traces de strangulation sont visibles. Le père de madame est avec ses 4 petits-enfants, « en état de choc » : c’est chez lui, la porte de son garage a été forcée. Dans le jardin, les gendarmes ramassent 1,20 mètre de câble électrique et une clé à molette rattachée au câble.
La victime, après avoir été soignée à l’hôpital, est entendue : elle fut en couple avec monsieur pendant 17 ans. Il est le père de ses 4 enfants. Leur relation s’est dégradée depuis 2 ans. Elle dit que monsieur s’est convaincu qu’elle avait été victime d’une agression sexuelle pendant l’été 2019, et que son délire est aggravé par la prise de stupéfiants.
Elle dit aussi qu’en mai 2020, une ordonnance de protection venait interdire monsieur de tous contacts avec elle, mais que cette interdiction n’est pas respectée et que monsieur lui fait vivre l’enfer lorsqu’il n’est pas en détention. Et puis il a des armes. Et puis deux jours avant il était venu à son domicile aux Granges Forestier à Chalon, et l’a étranglée avec le fil du téléphone, l’a suivie toute la journée. Elle avait d’ailleurs déposé plainte le 12 juin, elle se sent insécurisée. Elle a demandé à son père de venir la chercher vers la gare pour l’emmener chez lui avec les enfants, mais monsieur était là.
C’est ainsi qu’avant 7 heures du matin, l’homme s’introduit par effraction chez son ex-beau-père. Il a enfilé une combinaison blanche, en papier, il porte des gants, il tient une arbalète et deux revolvers d’alarme reliés entre eux par une cordelette en nylon, passée derrière son cou, sont encore dans ses poches. Il réveille tout le monde, les braque avec l’arbalète pour les réunir dans le salon.
La femme a réussi à faire subrepticement le 17. Elle dit que monsieur tient des propos incohérents. Elle parvient à s’échapper pour appeler au secours chez les voisins, c’est alors qu’elle sent sa gorge serrée, puis des coups à la tempe. Elle s’évanouit. Le médecin relèvera les traces de coup, et la marque autour du cou.
Dès lors, l'homme qui a pris la fuite…en trottinette, est sous le coup d’un mandat d’arrêt. Il est interpellé 4 jours plus tard, le 17 juin, dans un gîte à Lux. Dans l’habitation : l’arbalète, un poing américain-taser, des téléphones.
L’accusé conteste la majeure partie des faits
Le récit de l’accusé diffère en bien des points. Celui-ci en réalité conteste la majeure partie des faits. Outre la tentative de meurtre, il est jugé pour 4 délits connexes : avoir volé, le 11 juin, le téléphone de madame, avoir commis sur elle des violences sans ITT le même jour, en état de récidive légale ; être entré par effraction chez le père de madame, le 13 juin, et avoir commis des violences sur lui en le visant avec une arbalète et arme au poing, en état de récidive légale.
L’homme est en détention provisoire depuis le 18 juin 2021. Il a purgé trois peines de 3 mois, 4 mois et 3 mois, temps décompté du temps de détention provisoire, ce qui fait qu’il est en prison depuis bientôt 3 ans mais n’a fait – si on peut dire – que 2 ans 4 mois et 28 jours de détention provisoire.
Relaxé en première instance, condamné en appel, « vérité judiciaire »
L’état de récidive légale est lié à un jugement en appel du 29 avril 2021 : ce jugement annule la décision (de relaxe*) rendue à Chalon le 20 mai 2020, « jugement qui ne porte pas la moindre ligne de motivation », dit la présidente et monsieur est alors condamné pour violences sur madame. « C’est une vérité judiciaire, monsieur » doit-elle insister.
Un flot de paroles, électrique, fatigant
L’accusé est volubile, doit souvent être recentré : il veut défendre la version qu’il défendait déjà en 2020, à quoi il ajoute la certitude aujourd’hui d’avoir été piégé par son ex-compagne. La présidente le confronte à ces déclarations, au cours de ce premier interrogatoire, et outre des aveux, obtient aussi celui-ci : la séparation qui semblait s’imposer en 2019, dont l’accusé parle très raisonnablement, « il le fallait », « on allait faire ça avec des médiations », n’était « pas si claire que ça ».
Des interdictions de contact, pas respectées
Des détails - qui n’en sont pas, en fait - dérangent, de chaque côté de la barre d’ailleurs puisqu’il n’est pas contesté que le couple en réalité n’a jamais cessé d’être en relation (madame enceinte en 2019, met au monde leur 4ème enfant en 2020 alors qu'entre temps elle a obtenu une ordonnance de protection, l’autorité parentale exclusive, et que le père ne peut les voir qu’en visite en lieu neutre), et n’a que trop peu cessé d’être en contact, du fait aussi de madame.
Depuis 2020, la même histoire
L’accusé arc-boute tout son discours sur cette prétendue agression sexuelle, dont il dit être certain, - avoir obtenu le témoignage d’un vigile de la piscine municipale -, là où madame a toujours affirmé qu’il s’est agi d’un simple malentendu sur un prêt de maillot de bain, que monsieur a interprété comme ça lui chante. Du reste il justifie son attitude – être revenu au domicile de madame, y avoir entreposé ses armes, l’arbalète et des pistolets d’alarme et des Gomm Cognes, avoir placé un tracker sous la poussette du dernier enfant – par cette agression et sa volonté de « protéger la mère de mes enfants ».
« Pour me défendre, pour que l’on sache »
En revanche il justifie tous les enregistrements de conversation, « j’ai screené » (il a fait des captures d’écran, ndla), toutes les vidéos qu’il a remises à la justice, et ses passages à l’acte du 13 juin par ceci : « on a menti à mon sujet, on m’a pris l’autorité parentale avec des mensonges, moi je voulais que ça s’arrête, je suis allé chez son père pour leur faire peur et pour dire qu’il fallait que tout ça s’arrête ».
Dans la foulée, il explique ses quatre jours de cavale avec la même raison : « je voulais sauver les téléphones, les enregistrements, pour me défendre, pour que l’on sache que j’ai été instrumentalisé, je voulais tout montrer ».
« Est-ce qu’à ce moment-là, vous l’étranglez ? - Oui, c’est là. »
Le 13 juin 2021, il a su que les gendarmes n’allaient pas tarder à arriver. Il prend sa trottinette pour repartir : « Je l’ai vue en face. Elle tapait sur tous les volets. J’ai dit ‘Arrête tout, s’il te plait, je m’en vais’. Je la rejoins chez le voisin.
- Est-ce qu’à ce moment-là, vous l’étranglez ?
- Oui, c’est là.
- Avec le câble ?
- Non, avec le lien qui était entre les deux révolvers. Elle était face à moi, je lui ai dit ‘Arrête tout, s’il te plait, dis toute la vérité’. Elle n’a rien dit, elle s’est retournée en voulant ameuter tout le quartier. J’ai passé la cordelette en nylon autour de son cou, je lui ai fait un croche-pied. Elle tombe par terre. Je lui parle, elle ne me répond pas, je me dis qu’elle le fait exprès et je pars. »
Un peu avant, la présidente lui avait dit : « Ce n’est pas simple de savoir quand vous dites la vérité et quand vous ne la dites pas. Vous évoluez tellement dans vos déclarations. » L’accusé avait répondu, sobrement, pour une fois : « Elle est maintenant, la vérité. »
Ce procès ne fait que commencer, les débats au cours des jours qui viennent apporteront d’autres éclairages.
FSA
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