Agglomération chalonnaise

Décision du préfet de Saône-et-Loire : un déni de démocratie ?

Décision du préfet de Saône-et-Loire : un déni de démocratie ?

Invités à se prononcer pour ou contre un allongement de 4 mois pour la chasse aux blaireaux, ils sont 84 % à avoir dit non. Yves Séguy, préfet de Saône-et-Loire, vient pourtant de donner son feu vert. Que faut-il comprendre ?

La décision du préfet autorisant une période complémentaire (4 mois) de la chasse aux blaireaux vient de tomber. Ainsi, dans une semaine, du 15 juin au 14 septembre 2024, les équipages de vénerie sous terre, armés de pinces et de chiens, pourront tuer des blaireaux dans leurs terriers.

Rappel des faits

En février 2024, Info-chalon publiait un article sur la consultation publique – ouverte à tous les citoyens, quel que soit leur département de résidence – en détaillant les intérêts contradictoires. Le préfet de Saône-et-Loire sollicitait l’avis de tous : êtes-vous pour ou contre une période complémentaire de chasse des blaireaux par les équipages de la vénerie sous terre ?

Résultats : un refus écrasant

Sur un total de 1 352 réponses, 84 % ont dit non à la période complémentaire, en motivant leur avis (1 136 répondants), 16 % se sont dits favorables (216 répondants).

Plus précisément, sur les 1 136 avis défavorables, 14 le sont sur la date d’ouverture. Reste donc 68 % d’avis défavorables à la période complémentaire.

Incompréhension : un déni de démocratie ?

Dans un rapport de 9 pages, Synthèses des observations du public, émanant de la préfecture de Saône-et-Loire, les chiffres sont décortiqués : nombre de participants, de titulaires du permis de chasse, de résidents hors départements… S’ensuit une liste des motivations émises par les votants qui donne une photo fidèle de la consultation publique.

Mais le détail peut heurter :

Quand on parcourt les 6 motifs des “pour” et les 16 des “contre”, on reste songeur devant le flou des premières. Je vous cite un exemple : La vénerie sous terre est une chasse traditionnelle et un savoir-faire qu’il convient de préserver.

L’argument est en effet un peu léger, voire carrément contre-productif quand on voit à quoi ressemble une partie de vénerie sous terre.

La question reste en suspens : pourquoi la préfecture prend-elle le contrepied de l’avis majoritaire de ceux qu’elle a sollicités ?

Certains pointent l’influence du lobby de la chasse sur nos décideurs, une raison politique contre laquelle les arguments, même les plus solides émanant de spécialistes de la biologie de l’animal, ne font pas le poids.

Quels départements ont refusé la période complémentaire ?

AVES a réalisé une carte de France des départements français qui ont supprimé/réduit/ou autorisé la période complémentaire. « Sur notre région, il ne reste que le 71 et la Nièvre, commente Mickaël PAUL, bénévole au sein de la LPO. Mais notre département compte un nombre d’équipages de vénerie sous terre très supérieur à la moyenne nationale. C’est donc une véritable prise de guerre que les déterreurs veulent défendre à tout prix. »

Une lenteur calculée ?

Autre question : en mettant les dates en perspective, on remarque un délai curieusement long entre la connaissance des résultats et l’avis donné par le préfet, Yves Séguy.

Du 5 février au 27 février 2024 : consultation publique en ligne. 3 juin 2024 : décision de la préfecture, soit un peu plus de 3 mois après. Pourquoi ?

« Il était prévisible que le préfet attende début juin pour communiquer, coupant l’herbe sous le pied des associations de protection de l’environnement, commente Mickaël. Je pense qu’ils font traîner la chose parce qu’ils savent qu’on va les attaquer, cet arrêté allant à l’encontre de l’article L.424-10 du Code de l’environnement. À part un sentiment de dégoût, je n’ai rien d’autre à ajouter. Les massacres vont reprendre. »

Selon l’association AVES (Agir pour le Vivant et les Espèces Sauvages), c’est précisément pour décourager les gens qui ont pris le temps de voter :

« Vous êtes nombreux à nous écrire pour nous dire : À quoi bon perdre du temps à répondre aux consultations publiques, puisque les préfectures se moquent de notre avis ?

C’est ce qu’elles veulent nous faire croire pour nous décourager... mais depuis qu’on leur demande de justifier certains de leurs arrêtés, celles qui ne respectent pas le dialogue environnemental sont condamnées.

Il y a encore quelques années, les préfectures adoptaient leurs arrêtés chasse de manière systématique, à la demande des fédérations de chasse. Désormais, même si certaines se pensent encore au-dessus des lois, la majorité d’entre elles a compris qu’elles prennent le risque de se retrouver devant le tribunal administratif si elles ne respectent pas la législation.

En répondant aux consultations, nous leur envoyons un premier signal : nous avons pris connaissance de votre projet d’arrêté et en avons relevé les irrégularités. Si elles refusent de tenir compte de nos avis, alors elles s’exposent à un recours. » (Facebook-AVES)

Et Mickaël Paul d’ajouter : « Il faut savoir que les chasseurs ont demandé à l’État, fin juillet 2023, de stopper les consultations publiques, ce qui a été refusé. »

Par Nathalie DUNAND
[email protected]

Courte vidéo pour sourire, parce que c’est primordial pour garder le moral :

Ami des lobbies : une chaîne YouTube qui parle d’écologie à l’envers.