Bresse Chalonnaise

TRIBUNAL DE CHALON - Violences sur sa fille mineure, 10 jours d'ITT, 6 mois de prison aménageables malgré un casier fort de 19 mentions

TRIBUNAL DE CHALON - Violences sur sa fille mineure, 10 jours d'ITT, 6 mois de prison aménageables malgré un casier fort de 19 mentions

Quand il se met bleu et qu’il voit rouge, il est violent. Violent, il peut l’être sans s’être alcoolisé, mais il crie moins fort, toutefois. A la barre de l’audience des comparutions immédiates, ce 28 novembre, se tient un père âgé de 32 ans qui se dit « impulsif ».

 Pourtant son casier de 19 mentions, raconte 7 condamnations pour des faits de violence. Ne serait-il pas violent ? Il dit que non. La présidente souligne que c’est quand même « une constante de votre parcours, cette difficulté à maîtriser vos passages à l’acte ». Il en convient. Il en convient parce qu’il consulte un psychologue, depuis son placement sous contrôle judiciaire fin août dernier. Alors il en sait un peu plus sur la qualification de ses actes et offre au tribunal un visage plein de bonne volonté. 

Du moins c’est ainsi qu’on le perçoit au fil d’une instruction plutôt morne. La plaidoirie de maître Ravat-Sandre - qui intervient pour l’administrateur ad hoc lui-même en charge de veiller au respect des intérêts d’une des victimes, mineure -, ainsi que les réquisitions du procureur, vont réveiller les esprits. L’avocate du prévenu, venue du Jura, tempérera à nouveau le tableau. In fine la décision du tribunal reste la grosse surprise de cette audience.

Signalements et dénonciations se succèdent

Tempérer, tempérer, ... On est loin des habitudes de l’homme trapu, que ça soit en matière d’éducation ou de débordements personnels, alcoolisés ou non. 

Soit une famille recomposée installée d’abord dans le Jura puis à côté de Louhans. Monsieur a deux enfants dont une fille, madame en a trois dont au moins un garçon.
En novembre 2022, les services sociaux alertent sur la situation de cette famille qui semble ne pas savoir faire face à ses difficultés.
Le 11 décembre 2023, la mère de la fille de monsieur signale sur une plateforme dédiée, des faits d’agression d’un des fils de l’épouse du père de sa fille, sur la fille en question (procédure en cours).
Les gendarmes entendent la fille qui dénonce alors des actes bien violents de son père sur elle. 
En juin 2024, le procureur reçoit un signalement concernant des violences intra familiales, il diligente alors une enquête.

A-t-il peur de son beau-père ? « Ça dépend. Quand il a bu, oui »

Le beau-fils du prévenu, placé en garde à vue pour la procédure le concernant, parle aussi de la vie de famille, dit que lui aussi il est victime de violences, à l’occasion. A-t-il peur de son beau-père ? « Ça dépend. Quand il a bu, oui. Il a manqué me tuer deux fois. »
Le fils du prévenu raconte aussi des coups. Son père dit que vis-à-vis de lui, ce n’est pas pareil, c’est davantage des corrections à visée punitive dans le cadre de son éducation, puisqu’aussi bien lui aussi a pris quelques roustes enfant. Bon.

« C’est pas normal, ça »

L’épouse du prévenu parle des scènes, bien violentes elles aussi, survenues entre son homme et elle, en 2020 et en 2022. « J’avais trop bu les deux fois » dit le prévenu. Ça n’a pas été rédhibitoire, ils se sont mariés à l’été 2023.
C’est l’un de ses fils qui dit que son beau-père « se met bleu » parfois, et que sa mère vient alors dormir dans sa chambre car « elle a peur de lui ». « C’est pas normal, ça. »

Son épouse demande la levée de l’interdiction de contact

Le beau-père est alors placé en garde à vue. Il reconnaît. « X a foutu mon mariage en l’air » dit-il, rapport aux faits de nature sexuelle pour lesquels son beau-fils est aujourd’hui mis en examen. Il s’est affolé pour rien car son épouse a écrit au tribunal : elle a demandé la levée de l’interdiction de contact et entend reprendre la vie conjugale.

« Sa fille se met beaucoup en danger, elle a fait l’objet d’un placement volontaire »

Aujourd’hui il vit seul « et c’est très dur ». Sa femme et son fils lui manquent. Vis-à-vis de sa fille il est plus ambigu, il semble avoir été dépassé par une situation visiblement nocive entre la mère et lui, et des comportements à risque de sa fille, qui n’a toujours pas 15 ans. 
Maître Leplomb intervient pour la mère de cette ado encore enfants : « Sa fille se met beaucoup en danger, elle a fait l’objet d’un placement volontaire » et apparemment se stabilise un peu. L’administratrice ad-hoc est à l’audience.

Insultes humiliantes, dévalorisantes, outre « des tartes » si fortes que l’enfant en a saigné d’une oreille

« Monsieur vient dire qu’il faut que les enfants soient ‘droits’ mais il oublie que c’est aux parents de l’être, d’abord, plaide maître Ravat-Sandre. Or monsieur a des comportements répréhensibles pénalement. » On ajoute qu’outre les coups portés sur les enfants, il a un casier judiciaire fort de 19 mentions, c’est donc un père en effet problématique au moins sur la question de son rapport à la loi. « L’ex-belle mère de X a témoigné de scènes. Elle a dû protéger l’enfant. »

L’ITT, « les souffrances endurées » et les violences psychologiques

Enfant qui ne porte pas le nom de son père à l’état civil, ce que visiblement il lui met dans les dents à l’occasion. L’avocate évoque les insultes humiliantes, dévalorisantes, outre des « tartes » si fortes qu’elle en a saigné d’une oreille. « Il m’a fait un trou dans la tête » a-t-elle dit aux gendarmes. « Les regards que son père lui porte ne sont que négatifs, elle a 10 jours d’ITT, sous réserve de son évolution psychologique, dit le médecin. » Agnès Ravat-Sandre demande des dommages et intérêts pour l’ITT, « pour les souffrances endurées » et les violences psychologiques. Elle demande également au tribunal de « statuer sur les modalités de l’autorité parentale ».

19 mentions, dont 7 condamnations pour des faits de violences

« La lecture du casier de monsieur est instructive, enchaîne le procureur de la République. Il a 32 ans et 19 mentions, dont 7 condamnations pour des faits de violences, et aujourd’hui il doit répondre de violences conjugales et sur ses enfants. Aujourd’hui il y a 4 victimes (mais pour l’une, son beau-fils, les faits sont prescrits, ndla). Monsieur s’exprime avec une certaine assurance et une certaine aisance mais quand il se décrit comme ‘impulsif’, c’est inquiétant, et quand il se justifie, il est inquiétant aussi. Autant de violences sur ses proches, c’est inadmissible. Il y a des règles, il devra le comprendre. »

Le procureur explique que pour des violences avec ITT supérieure à 8 jours, par ascendant sur mineur de moins de 15 ans et en état de récidive légale, « il encourt 20 ans », puis il requiert une peine de 3 ans de prison dont 2 ans seraient assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Outre soins, etc., l’homme aurait une interdiction de contact et de paraître au domicile des 3 victimes.

« Il n’est pas parfait, mais… »

Maître Vialet installe des nuances au tableau ainsi dressé. D’abord les périodes de prévention courent sur 4 ans alors que pour chaque victime on a des scènes précises, deux à chaque fois, datées. Ensuite elle plaide que si le père a explosé, il a reconnu les faits et d’ailleurs « il s’excuse immédiatement auprès de sa fille ». L’avocate plaide un contexte qui démarre à la naissance de la fillette doublement victime dans cette famille. Plus précisément elle rappelle ce qui, à deux reprises, a conduit le père à se déchaîner (physiquement, parce que pour le reste, les insultes et dévalorisations ne manquaient pas, ndla). « Il n’est pas parfait, mais… » Elle demande au tribunal de ne pas prononcer d’interdictions de contact du prévenu avec les victimes, et d’« écarter la question de l’autorité parentale, ça se fera devant le juge aux affaires familiales ».

Violences graves sur une fillette, 19 mentions au casier : 6 mois ferme qui seront aménagés, pas d’interdiction de contact

A la grande surprise de tous ceux qui se tiennent au niveau du plancher de la salle (les magistrats et le greffier sont perchés sur une haute estrade, ndla), le tribunal dit le père et mari coupable et le condamne à la peine de 2 ans de prison dont 18 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Obligations de soins en addictologie et en psychologie, travailler et indemniser les victimes. La peine de 6 mois n’est pas aménagée à la barre, le condamné verra un juge de l’application des peines.
Inéligibilité pendant 5 ans. 
Dit qu’il n’y a pas lieu de le priver du droit de réversion d’une pension, « vu le contexte ».
Reçoit la mère de la fillette comme partie civile mais la déboute de ses demandes. 
Quant à l’enfant, lui octroie une somme dix fois inférieure à celle demandée pour ses souffrances endurées.

6 mois ferme parce qu’il n’est plus accessible au seul sursis probatoire ? On ne sait pas si on a bien compris

La présidente explique à l’homme : « Cette peine parce que vous avez déjà été condamné à plusieurs reprises à des sursis probatoires, c’est la raison pour laquelle cette peine est mixte. »  Elle ajoute qu’il n’y a pas d’interdiction de contact avec les victimes, que « cette question sera discutée devant le juge aux affaires familiales » (maître Leplomb a pourtant expliqué que cette saisine avait déjà été faite et une ordonnance rendue, pourquoi le père ressaisirait-il ? On ne comprend pas bien.)

Maître Ravat-Sandre se lève : « Le tribunal n’a pas statué sur l’autorité parentale, la loi vous impose de le faire. » Infime flottement puis : « L’autorité parentale est maintenue. »

FSA