Chalon sur Saône

TRIBUNAL DE CHALON - Une haie de protestations muettes à l'audience de rentrée

TRIBUNAL DE CHALON - Une haie de protestations muettes à l'audience de rentrée

Dans un contexte de crise, l'audience de rentrée du Tribunal de Chalon-sur-Saône a certes été marquée par le mouvement des avocats, mais elle a aussi mis en lumière le travail judiciaire pas forcément facile.

Dans leurs robes dépouillées de leurs rabats et épitoges, les avocats du barreau de Chalon-sur-Saône ont accueilli l’ensemble des invités à l’audience solennelle de rentrée du tribunal, disposés en une haie de protestation muette. Muette mais éloquente. Pour la deuxième année consécutive cette audience est marquée par des mouvements socio-professionnels, à l’image de ce qui se passe dans tout le pays.
Madame Pascale Dorion, présidente du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône, ouvre son discours par des mots qui marquent la reconnaissance de ce mouvement de protestation si fort qu’il a voté une grève illimitée, elle acte également que l’année 2020 s’annonce « marquée par des mouvements sociaux très importants », puis revient à ce rituel solennel par lequel l’institution se réaffirme, chaque année, en faisant le bilan de l’activité de l’année écoulée et en ouvrant sur celle qui commence.

2020, année de mise en œuvre des dispositions de la réforme de la justice


Or l’institution doit absorber une réforme gouvernementale (qui mit magistrats, greffiers, et avocats en grève plusieurs fois en 2019) dont l’application va s’échelonner sur l’année mais qui d’ores et déjà pose toutes les difficultés anticipées par les professionnels. Les décrets ont été publiés « trois semaines avant leur entrée en vigueur ». Le TGI est rebaptisé « tribunal judiciaire », le juge d’instance est rebaptisé « juge des contentieux de la protection », etc. Pascale Dorion rappelle ce que les juges ont répété à l’envi l’an dernier : les tribunaux d’instance fonctionnaient bien comme ils étaient, et avec l’intelligence de leurs territoires et de leurs dossiers. La présidente souligne également que certains changements sont toutefois positifs.

« La France compte 3 magistrats du parquet pour 100 000 habitants »?   (la moyenne européenne est de 12)


Le procureur de la République, Damien Savarzeix, revient, lui, sur la misère de moyens des parquets français. La situation n’est pas nouvelle, on peut se reporter au « Livre noir » sorti en 2017 sous l’impulsion de la Conférence nationale des procureurs de la République. Damien Savarzeix rappelle que « la France compte 3 magistrats du parquet pour 100 000 habitants contre 7 en Allemagne, la moyenne européenne étant à 12 » : « Nous en faisons le constat, l'expression de nos besoins, pourtant aussi légitime que mesurée, n'entre pas en résonnance avec les préoccupations de nos décideurs publics, et ce depuis des années et des années, et demeure pour l'essentiel perçue comme une revendication catégorielle parmi d'autres. »

Délits routiers : « La réponse pénale va se durcir »


La mortalité sur les routes de Saône-et-Loire est parmi les plus élevées. « Ce bilan inquiétant s'explique c'est vrai par l'étendue du département qui oblige nos concitoyens à davantage de déplacement sur nos routes, mais force est de constater que nous ne parvenons pas à provoquer chez les conducteurs ce surcroit de prudence indispensable pour faire diminuer ces chiffres alarmants. »
A cette fin, en collaboration avec les services préfectoraux et le parquet du tribunal judiciaire de Mâcon, « nous sommes parvenus à cette conclusion qu'il était nécessaire de renforcer les contrôles et de tirer toutes les conséquences des manquements graves à la sécurité routière que nous continuons d'observer : alcool au volant, conduite sous stupéfiant et vitesse excessive. »

Conjointement, le volet pédagogique est renforcé


« Mais pour que soit également renforcée la pédagogie dans l'explication des dangers de cette délinquance, nous avons décidé à Chalon-sur-Saône de redéfinir le contenu de nos stages de sensibilisation, en les confiant à un organisme unique en partenariat avec l'association AEM, je veux parler de l'association Acti-route, dont les approches très directes susciteront, je l'espère, une réelle prise de conscience dans l'esprit de nos délinquants routiers. »

Actions sur les points chauds au Creusot, à Montceau, à Chalon


« Au Creusot, dans le quartier du tennis, et à Torcy : d'importants moyens d'investigations, et je voudrais d'ailleurs saluer le travail effectué par la direction interrégionale de la police judiciaire et les services d'enquête du commissariat du Creusot, couplés à des actions municipales de sécurisation des territoires par la vidéoprotection et le réinvestissement socio-éducatif. »
« A Montceau-les-Mines, au Plessis : l'association d'une politique judiciaire déterminée d'éloignements de jeunes délinquants dans la toute-puissance, la fermeture par l'OPAC de bâtiments squattés, et en parallèle un travail de la municipalité pour revitaliser le maillage socio-éducatif et restaurer un dialogue au sein du quartier. »
« A Chalon-sur-Saône, au pré Saint-Jean : le réinvestissement massif de moyens de police municipale et nationale, le développement de la vidéoprotection, l'intensification des actions socio-éducatives et le traitement judiciaire affiné du public pénal évoluant dans le quartier. »

L’association enquête et médiation, qui porte le dispositif AIR, voit sa place confirmée


AIR pour « accompagnement individuel renforcé », dont Damien Savarzeix a piloté la création sur le ressort de la juridiction, en renforcement du travail accompli par le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation. Un bilan est à venir très prochainement, sur ce qui a été accompli au cours de l’année écoulée.

609 peines d’emprisonnement en 2019 - Réforme du droit de la peine


Enfin, dès fin mars 2020, s’appliquera la réforme du droit de la peine : « Son objectif est de conduire à une transformation de la sanction correctionnelle : ne faire désormais le choix de la privation de liberté que lorsque la juridiction aura estimé qu’il n’est pas possible de l’éviter, en recourant à chaque fois que la situation le permet aux mesures d’aménagement de peine. »
« A l'occasion de cette réforme, pour que les peines de prison puissent être aménagées dès l'audience, il va nous falloir en parallèle des convocations en justice, organiser de très nombreuses enquêtes préalables de faisabilité, pour s'assurer que le prévenu jouit d'un domicile qui permet l'accueil d'un dispositif de placement sous surveillance électronique. Pour vous donner un ordre de grandeur, la juridiction a prononcé en 2019, 609 peines d'emprisonnement, un niveau d'ailleurs très raisonnable au regard des statistiques nationales. Encore une charge que nous allons devoir assumer à moyen constant et, que nous allons partager, une fois encore, avec les services d'enquête et le service pénitentiaire d'insertion et de probation. »

FSA

 

Quelques chiffres pour l’année 2019 :

16 022 PV et plaintes – 5 637 affaires poursuivables – 4 827 réponses pénales
1813 jugement correctionnels (dont 452 CRPC)
 Tribunal pour enfants 773 affaires nouvelles reçues
1 847 assistances éducatives
Chambre civile : 326 affaires nouvelles, et 301 affaires terminées
Hospitalisation sous contrainte : 833
4 075 demandes d’aide juridictionnelle