Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Elle s’est bouclée dans ses toilettes. De là elle a alerté un ami. L’ami a fait le 17.

TRIBUNAL DE CHALON - Elle s’est bouclée dans ses toilettes. De là elle a alerté un ami. L’ami a fait le 17.

La police a déboulé sur les chapeaux de roues. Sécurisée, elle est sortie des WC. Des traces de coups, apparentes. Elle pose plainte contre son compagnon. Il est placé en détention provisoire, il apparait en visio ce jeudi 23 avril à l’audience de comparutions immédiates.

La victime a une profession socialement équivalente à celle de magistrat, médecin, avocat, architecte, etc. Aucun milieu socio-culturel* n’est épargné par les violences intra-familiales. Aucun. Lui, il est né en 1950. Il est néerlandais, il est pianiste, il était professeur de musique. Il n’a pas de casier judiciaire en France. Le jour des faits, le 20 avril dernier, il avait presque 2 grammes d’alcool par litre de sang. « Pourtant je peux passer 300 jours dans l’année sans boire. » L’alcoolisme, qui n’épargne (en toute logique) aucun milieu socio-culturel non plus, a bien des visages. Il peut porter celui de la sobriété apparente et se révéler en quelques occasions, de préférence dans le huis-clos du domicile.

Dommage collatéral du confinement : la rupture de soins

On a retrouvé mention d’une première plainte, posée en décembre 2018. Elle l’avait retirée car il s’était engagé à suivre des soins, ce qu’il faisait effectivement, en Belgique, avec un médecin psychiatre. Mais « le confinement imposé en France entraîne des dommages collatéraux, il y a davantage de violences conjugales, et dans le cas de monsieur, il y a eu rupture des soins », plaide maître Bernard. Il est réconfortant, si l’on ose, dans ce contexte où la population, ballotée de consignes contradictoires en doctrines changeantes, a le sentiment qu’on marche sur la tête, de retrouver incidemment des logiques de bon sens. Confinement, huis-clos, rupture de soins (cf. l’homme jugé lundi dernier), passage à l’acte. Que l’on nous passe cette pointe d’ironie.

Il veut se faire hospitaliser mais dans un pays où l’on parle sa langue

La victime a 5 jours d’ITT, entend se constituer partie civile, mais ne demande pas de dommages et intérêts, elle ne veut qu’une chose : interdiction de tout contact et interdiction de paraître au domicile. Elle est propriétaire de sa maison, voilà au moins un problème de moins, car se retrouver sans logement, surtout en ce moment, c’est galère. Le prévenu, lui, demande un délai pour préparer sa défense. Il veut produire des pièces qui prouveront qu’il suivait bien son engagement thérapeutique, et qu’une structure médicale peut l’accueillir pour un séjour assez long, mais à l’étranger, en Belgique, dans sa partie flamande. « Que le traitement soit dans la langue néerlandaise, c’est trop compliqué sinon. »

Les impacts de la privation générale de la liberté d’aller et venir

L’autre effet du confinement c’est qu’il lui est impossible d’aller dormir dans un hôtel en attendant son jugement. L’autorité judiciaire française a pris attache avec la Belgique, savoir s’il pourrait passer la frontière et cela serait possible, sous réserve de documents en justifiant la nécessité. Mais monsieur n’a pas de voiture, et il voudrait que son ex-femme vienne le chercher. Comme le centre pénitentiaire ne fait pas pension pour commodités personnelles, le tribunal n’a guère d’autre option que de le maintenir en détention provisoire. Ce qu’il ordonne.

« L’abus d’alcool commence avec cette chose, de mes 16 ans à mes 18 ans »

Ce monsieur a reconnu être alcoolique. « Le lundi passé, il y avait beaucoup de tensions sur moi. Mon frère est décédé. J’étais très triste, j’ai perdu le contrôle sur moi-même. » Plus tard : « Je regrette beaucoup ma violence extrême envers ma chère partenaire. J’espère qu’elle récupérera vite, physiquement et émotionnellement. » Plus tôt : « C’est l’abus de l’alcool. Ça a commencé quand j’avais 16 ans. Mon professeur… J’étais en tension parce qu’il fait l’amour avec moi, et je me sens très mal avec ce sujet-là. L’abus d’alcool commence avec cette chose, de mes 16 ans à mes 18 ans. »

Jugement le 7 mai

« Vous dites, monsieur, que vous avez été victime d’agressions sexuelles pendant votre adolescence ? – Oui. – Est-ce que c’est ça qui explique que vous vous mettez autant en colère quand vous avez bu ? – Oui. »
Le tribunal informe la sémillante surveillante non masquée qui s’occupe des visio que monsieur reste incarcéré, et qu’il sera jugé avant le 11 mai.

Florence Saint-Arroman

* Sur toutes les questions relatives aux violences, on peut se rapporter aux travaux du docteur Muriel Salmona : https://www.memoiretraumatique.