Agglomération chalonnaise

Retraite bien méritée mais néanmoins active pour Philippe Cheloudiakoff

Retraite bien méritée mais néanmoins active pour Philippe Cheloudiakoff

Portrait plein d’anecdotes d’un des acteurs incontournables du Conservatoire du Grand Chalon, arrivé à Chalon-sur-Saône en 1988, et qui a quitté ses fonctions de la Collectivité Territoriale fin août. 

Le Directeur adjoint Danse du Conservatoire à Rayonnement Régional du Grand Chalon, qui avait déjà repoussé l’heure de son départ à la retraite, a quitté ses fonctions, il y a quelques jours, à l’âge de 68 ans. Si « Danser et enseigner avec l‘intelligence du corps » a été le crédo de toutes ces années passées aux côtés de plusieurs générations de jeunes danseurs dont beaucoup ont brillamment réussi, l’agenda de ce nouveau retraité ne cesse de se remplir de par son statut de référent pédagogique, notamment en participant à la préparation des futurs professeurs. Jouissant d’une reconnaissance qui n’est plus à démontrer de la part de ses pairs, il est également beaucoup demandé en tant qu’intervenant extérieur ; que ce soit en tant que membre de jury ou invité à participer à des réflexions concernant le nouveau diplôme d’études chorégraphiques ou sur la problématique danse et son devenir. Il n’en oublie pas pour autant sa Compagnie Écarts, qu’il dirige avec Laura Buisson, qui fourmille de nouveaux projets, de nouvelles pièces.

« J’ai toujours recherché la liberté dans la danse »

Fin des années 80, Philippe Cheloudiakoff avait le choix entre rejoindre Limoges où il était attendu, entre autres, en tant que maître de ballet, ou bien s’installer à Chalon-sur-Saône. Cette ville dynamique à taille humaine et l’offre de lui laisser carte blanche l’ont séduit. Plus tard en 1996, il participe à la réflexion sur le projet des studios de danse. Lorsqu’on lui demande, curieux de son parcours, à quel âge il a commencé la danse, il nous répond : « Est-ce que commencer la danse, c’est en faire ? ». Immigrés russes, le père et le grand-père de Philippe Cheloudiakoff étaient professeurs de danse, en parallèle de leur statut d’ouvrier. En dépit de ses origines modestes, l’enfant grandit dans un décor à l’ambiance de velours, habité de couples évoluant sur un parquet en bois massif ; ses parents étant adeptes des danses de salon, petit, il les suivait partout. La danse était déjà inscrite dans son ADN, « à l’intérieur, la danse était là » précise-t-il, même s’il commence les cours de danse classique un peu sur le tard. Passionné, non formaté, et enrichi par diverses influences, le jeune danseur se fera très vite remarquer. 

« Plein de chorégraphes m’ont traversé »

En 1970, au Centre d’études chorégraphiques, il découvre émerveillé les prémices de la danse contemporaine. Il se forme et danse aux côtés de grands noms dont Wladimir Skouratoff, danseur étoile et grand artiste qui a beaucoup travaillé sur les sensations. « Je n’ai plus dansé pareil après » se remémore Philippe Cheloudiakoff. « Il y a eu également Rosella Hightower, une danseuse étoile extraordinaire qui m’a fait confiance et m’a accepté dans son école » ; celle-ci le prend alors au pair et devient son mentor, ce qui l’a beaucoup soutenu, « Tous ses conseils m’ont été extrêmement précieux. Bien entendu, il y en a eu beaucoup d’autres. Juan Giuliano, par exemple, dans les années 80, m’a appris une modernité de la danse classique qui est devenue, d’ailleurs, la danse classique d'aujourd'hui." 

« Il faut ressembler à soi-même »

« Ce que j’ai essayé de transmettre à mes élèves, c’est qu’ils soient eux-mêmes, ce qu’ils sont, avec leur propre expression, et non par rapport à une image. J’ai vu trop de personnes qui se sont sacrifiées pour ressembler à une image de la danse classique », nous explique Philippe Cheloudiakoff. Si celui-ci s’est toujours démarqué, c’est parce qu’il a su conserver sa spécificité, ce qu’il a essayé de transmettre à ses élèves tout au long de sa carrière, et même en tant que chorégraphe. Il a également toujours nourri un profond respect pour le ressenti des danseurs. Très vite, dans sa carrière, il propose des pièces avec des danseurs hip-hop, ou venus de la danse contemporaine : « Dans le geste, il y a la même intention, mais pas la même exécution, de par la formation qui est différente. C’est pourquoi, j’aime faire des ensembles, sans faire de collage. Cela amène des lectures très intéressantes. »

Info Chalon : De quoi êtes-vous le plus fier ?

« Evidemment, de mes enfants : Solange, qui est professeure de danse également ; Constance, dans le cinéma ; Cyprien, qui est musicien ; et Guenadi, trader. Je suis également très fier du Département Danse du Conservatoire du Grand Chalon, l’un des meilleurs en France, et naturellement, des élèves qui réussissent en devenant professionnels. »

Info Chalon : Y a-t-il un projet que vous ayez particulièrement aimé ?

« J’ai beaucoup aimé le projet réalisé au Conservatoire du Grand Chalon : ‘En regardant le Zeppelin’. ‘Les eaux rêveuses’, également, en partenariat avec des professeurs du CRR* : Jean-Marc Weber, Hélène Fouchères, Joël Lorcerie, Raphaël Plet. ‘Impromptu pour un envol’ avec Laura Buisson. J’ai aimé aussi m’investir dans les projets pédagogiques pour les élèves. »

Info Chalon : Une pièce vous a-t-elle donné des sueurs froides ?

« Lors de la pièce ‘Le spectre de la rose’, je dansais devant un public d’israéliens, lorsqu’il y eut une alerte à la bombe ! Les rumeurs couraient que celle-ci était placée sous la scène. C’était en lien avec les événements survenus, rue des Rosiers, en 1986 ou 1987. Nous avons été évacués et nous sommes revenus danser deux heures après, quand les vérifications d’usage ont été faites ». 

Info Chalon : L’une d’elles vous a-t-elle laissé un mauvais souvenir ?

« Oui, plusieurs. Pour l’une d’elles, j’avais oublié d’ôter mon alliance avant d’entrer sur scène et celle-ci s’accrochait dans le tutu de la danseuse, c’était un moment vraiment pénible. Une autre fois, lors de la pièce ‘Turandot’ de Puccini, nous dansions peints en or, certains montés sur des guérites, faisant les statues, mais la peinture nous empêchait de respirer, nous étouffait, et les danseurs tombaient les uns après les autres. Les ambulances les évacuaient et le public criait : « Fermez le rideau ! » ».

Info Chalon : Une belle surprise ?

« Lorsque je donne un cours et qu’un ancien élève revient pour me saluer, c’est toujours une agréable surprise et une belle reconnaissance. »

Info Chalon : Un fiasco total ?

« Une bacchanale dans Faust. Le public était venu avec des œufs et des tomates parce qu’ils savaient que la bacchanale était très osée. Evidemment, ça s’est mal terminé. Le public sifflait, c’était une pièce abominable. »

Info Chalon : Comment avez-vous abordé votre métier de professeur ?

« D’abord, je veux dire qu’à l’âge que j’ai, j’aime toujours la danse, sans une ride. Quand je donne un cours, il y a toujours un trac. On se remet en question à chaque fois. Il n’y a pas de lassitude, je suis toujours passionné, toujours dans le doute, la recherche… »

Info Chalon : Des remerciements à adresser ?

« A mon épouse Valérie Velard qui me soutient en permanence dans toutes mes démarches. Le soutien fort de la famille participe à la réussite. »

CRR* : Conservatoire à Rayonnement Régional du Grand Chalon