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Cadre dans une banque, il devient cordonnier place de Beaune

Cadre dans une banque, il devient cordonnier place de Beaune

À 48 ans, Jérôme Dubois poursuit sa trajectoire réussie d’autodidacte : après être devenu cadre dans la banque et les assurances, il reprend la cordonnerie de Michel Hardouin, place de Beaune. Un parcours de reconversions multiples.

Oui, Jérôme Dubois a poussé les portes de plusieurs mondes professionnels : les pompes funèbres, les assurances et la banque. Il faut croire que les parois sont assez poreuses pour un autodidacte qui ose les franchir. Apprendre sur le terrain est sa stratégie – il est intéressant de le souligner dans un pays où la formation diplômante est souvent présentée comme incontournable. Aujourd’hui, Jérôme apprend le métier de cordonnier à la meilleure école : auprès de Michel Hardouin, dans le métier depuis 30 ans. Et le 1er septembre 2021, il a racheté sa boutique.

 

Avant la cordonnerie

« À l’origine, je voulais travailler dans la mécanique de roues : j’aime le travail manuel. Mais à l’époque, quand on réussissait à l’école, on vous propulsait dans les études supérieures. »

Le voilà donc en biochimie à l’université. Mais les couacs de l’existence en décident autrement et Jérôme Dubois quitte la blouse de futur chercheur pour se fixer dans un tout autre univers dont son job d’étudiant lui a ouvert les portes : les pompes funèbres. Il y travaillera 5 ans, dirigera deux points de vente et une équipe de 14 personnes.

Puis c’est le monde des assurances qu’il investit et enfin celui de la banque dans lequel il a gravi les échelons : « Quand je m’occupais de filière viticole, au nord de la Côte-d’Or, j’aimais mon travail : j’allais à la rencontre des vignerons, sur leurs terres, je les conseillais en fonction de leurs intérêts. Je me sentais non pas vendeur, mais partenaire de leur entreprise. »

Dans les assurances, Jérôme avait un plan de carrière devant lui, puis la pandémie a sévi, révélant les failles d’un système dont il faisait partie. Les réunions en visioconférence – sans véritable teneur, comme un prétexte pour occuper le temps et justifier les salaires – l’hypocrisie réelle : « Quand j’ai entendu l’un de nos supérieurs parler non plus des contrats sur mesure, mais des « contrats rentables », là j’ai compris que je ne pouvais plus suivre cette voie. »  

Quand il fait un bilan sur sa vie, Jérôme réalise qu’il n’a plus de besoins matériels impérieux : « Ma maison est payée, les études de mes enfants assurées, j’avais la liberté de choisir un travail qui ait un sens. »

Déclic

C’est en entendant l’émission SOS Villages sur TF1 (une aide à la relance des commerces dans les villages en zone rurale), que Jérôme a l’idée de consulter les commerces à vendre sur la région. Nous sommes en décembre 2020, il tombe sur l’annonce de Michel Hardouin.

Mon cousin avait sauté le pas il y a 15 ans en rachetant une cordonnerie à Louhans. Je suis allé le voir, il m’a conseillé de foncer : « Tu es bosseur, sérieux, et la cordonnerie est bien placée. N’hésite pas. »
Jérôme découvre le métier en binôme avec M. Hardouin, qui lui transmet son savoir : « Je pense que Michel restera jusqu’au printemps 2022.»

Un potentiel à développer 

Jérôme Dubois a confiance dans l’avenir de son commerce. Le sens des affaires, il l’a développé depuis 25 ans.

Le métier ne se réduit pas à la réparation des chaussures : fabrication de clés, gravure sur plaques (boites aux lettres, immatriculation, etc.), vente de maroquinerie (pantoufles françaises, ceintures, porte-feuille…) et d’autres services verront le jour prochainement.

Parmi ses projets, certains seront effectifs en fin d’année : « Je fais développer une très bonne gamme de produits d’entretien pour véhicules. J’aimerais également investir dans une machine pour l’affutage des outils. Les coiffeurs ont déjà des demandes. Peut-être que je prendrai une personne avec moi. Il y a des tonnes de choses à développer. »

Dernière chose, Jérôme : qu’aimez-vous dans ce métier ?

« Il y a, dans ce secteur, un bel état d’esprit : on n’est pas rivaux, on est confrères. Entre cordonniers, on n’hésite pas à se dépanner, à se donner des coups de main. »

Et voilà comment l’ex-cadre bancaire et en assurance a réussi à se défaire de son costume-cravate. En préférant un lien plus vrai avec les gens.

Nathalie DUNAND
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