Faits divers

Jugé pour agression sexuelle au centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand sur une surveillante

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 19 Novembre 2021 à 07h16

Jugé pour agression sexuelle au centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand sur une surveillante

« Vous vous êtes collé à cette surveillante, et c’est un délit, compte-tenu de l’effet de surprise »

30 jours de mitard, retrait de 3 mois de réduction de peine, 14 mois de prison ferme, et 10 mois avec sursis

Un homme âgé de 27 ans, né au Rwanda, accusé d’agression sexuelle sur une surveillante du centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand a été condamné à 30 jours de quartier disciplinaire et à la perte de 3 mois de crédits de réduction de peine en commission disciplinaire, puis, ce jeudi 18 novembre, selon la procédure de comparution à délai différé, à une peine de 24 mois de prison dont 10 mois sont assortis d’un sursis probatoire de 2 ans. Pour les 14 mois ferme, le tribunal a ordonné son maintien en détention.

Transféré de Montbéliard « avec un bon dossier »

Quand il n’est pas incarcéré, il vit à Besançon, chez ses parents. Il a été condamné de nombreuses fois, d’abord par un tribunal pour enfant (des vols, une dégradation, deux outrages) puis par un tribunal correctionnel (des vols, un délit routier, trois outrages, quatre faits de violence). Actuellement il exécute plusieurs courtes peines, il était incarcéré à Montbéliard, mais il a été transféré à Varennes pour avoir plus de chances d’obtenir un aménagement de la fin de sa peine, explique maître Grenier-Guignard. Son avocate insiste sur le fait que sa détention se déroule bien au sens où il était devenu, à Montbéliard, auxiliaire d’étage ; qu’il « est inscrit dans un cursus de formation pour poursuivre des études à l’université ». « Il a été transféré avec un bon dossier. »

Il a grillé ses chances d’aménagement de peine, pourquoi ?

Dans ces conditions, « pourquoi, alors qu’il va passer devant la commission d’application des peines », pourquoi s’est-il comporté ainsi, le 16 septembre dernier ? Ce jour-là, il venait de quitter le parloir avocat et attendait pour aller à l’infirmerie (si on a bien compris). Il est entré dans la salle de visio où une surveillante installait le matériel et réglait la climatisation. Il lui demande à quelle heure a lieu le prochain mouvement. Puis il lui demande si elle est célibataire, la surveillante le recadre. On voit le prévenu s’avancer vers elle qui lui tourne le dos. Il s’est collé à elle (ce n’est pas flagrant sur la video, mais le tribunal dit qu’il a vérifié) alors que son sexe était en érection. Puis il repart.

Les victimes ne réagissent pas forcément dans l’instant

Dans un premier temps la surveillante fait un compte rendu d’incident, dans un deuxième temps elle parlera de cette scène à deux juges d’application des peines qui venaient travailler au centre pénitentiaire. Maître Marceau intervient pour elle à l’audience, demande des dommages et intérêts pour son préjudice moral. Le prévenu se défend mais se défend mal. Pour lui, ce n’était pas une agression. « Vous avez reconnu que vous étiez en érection » lui dit avec douceur le président Madignier. « J’ai 27 ans. J’ai déjà eu des relations sexuelles avec une femme. C’est normal d’être attiré par une femme. »

« Vous êtes détenu, elle est surveillante »

Une juge assesseur intervient. « Monsieur, vous lui demandez si elle est célibataire. Or, vous êtes détenu, elle est surveillante. Vous êtes en érection et vous dites que vous vous approchez à 30 cm d’elle ! Mais vous faites quoi ?! » Le garçon s’enfonce : « J’ai 27 ans. Si on ne s’approche pas, on ne fait jamais de rencontres. » La juge : « C’est une surveillante ! » Anne-Lise Peron, substitut du procureur, intervient à son tour : « Vous trouvez normal de lui parler dans son dos, sans vous placer sur le côté ? » Maître Grenier-Guignard demande à voir la suite de la scène. On y voit un autre prévenu qui échanges quelques mots avec la surveillante, qui sourit. L’avocate ne fait aucun commentaire. On remarque que l’ensemble est sans violence.

C’est crade

La violence est tout de même dans le fait de se coller par surprise à une femme pour qu’elle sente l’érection. Pour elle c’est quelque chose de pénible à vivre, parce que c’est subi, et que justement l’absence de violence ouverte rend le fait sournois, insidieux. C’est crade. Voilà, c’est crade, c’est salissant, c’est une agression. On songe au nombre de fois où on a subi ce genre de chose, dans un bus, dans un métro. Et des gestes déplacés de la part d’hommes aux positions sociales bien installées. Ah c’est pas la même histoire ! Ces hommes le savent très bien. Celui-ci qui du box répète son âge à tout de champ, certainement en proie à une frustration que seuls les méchants feraient semblant de ne pas comprendre, a passé les limites dans un lieu particulier, une prison. Il en est deux fois sanctionné.

Le ministère public requiert 24 mois de prison 

Les réquisitions montent à 24 mois de prison dont 20 mois ferme. De l’extérieur on en reste estomaqué. On se dit que des éléments nous échappent, qu’il y a au dossier des notes sur la dangerosité du prévenu, quelque chose de sérieux qui justifierait qu’on demande 20 mois de prison ferme contre un homme qui a déjà eu 30 jours de mitard et perdu 3 mois de réduction de peine, un homme jusqu’ici libérable en septembre 2022. Le prévenu n’a pas rencontré l’expert psychiatre pour l’expertise préalable au jugement quand les faits sont de nature sexuelle. Le médecin est venu au CP, mais le prévenu dit n’avoir pas compris, n’a pas voulu sortir de sa cellule. La procureur le regrette, « on n’a rien pour évaluer sa dangerosité potentielle ».

« Est-ce que sa volonté était d’agresser madame ? »

Maître Grenier-Guignard rappelle ce qu’il endure désormais en prison. « Je me doutais que la partie n’allait pas être simple. J’ai voulu qu’on regarde la vidéo. Et, je suis d’accord, monsieur s’approche trop près. Il ne respecte pas la distance de préséance. Alors la surveillante se retourne et voit qu’il est en érection. Mais, est-ce que sa volonté était d’agresser madame ? On est hors-sujet, dans ce dossier. Il lui demande si elle est célibataire, et on déduit qu’il fomentait quelque chose. Je n’irais pas déposer plainte pour ça, même si ça me dérange profondément. Pour lui, l’enjeu est énorme, et puis on le montre du doigt, après ça. »

« Pas de doute »

« Monsieur, dit le président au jeune homme après lui avoir expliqué à quoi il était condamné, le tribunal a visionné la scène de plus près, sur un ordinateur, et a considéré que, pas de doute, vous vous êtes collé à cette surveillante, et que c’est un délit, compte-tenu de l’effet de surprise. Vous aurez 10 mois au-dessus de votre tête, c’est suffisant pour réfléchir et vous projeter dans l’avenir sans renouveler ce comportement. »

Le tribunal constate son inscription au FIJAIS. Le condamné devra indemniser la partie civile.

https://www.nouvelobs.com/societe/20170616.AFP5378/les-auxiliaires-quelque-10-000-detenus-employes-par-l-administration-penitentiaire.html
https://www.senat.fr/rap/l99-449/l99-44925.html