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Adopter en SPA : interview d'une spécialiste de la relation homme-animal (1/2)

Adopter en SPA : interview d'une spécialiste de la relation homme-animal (1/2)

Il arrive que les SPA opposent un refus à l’adoption. Pour quelles raisons ? Infochalon a sollicité l’avis d’une d’une comportementaliste.

Notre article relatant un refus d’adoption (ici) a suscité de très nombreuses réactions. En réponse à ces lecteurs qui nous ont envoyé leur témoignage, nous allons passer en revue diverses raisons qui peuvent motiver un refus des SPA, et les soumettre à l’avis d’un spécialiste.

Précisons d’emblée que tout refuge pour animaux (SPA et autres associations) se démène pour offrir à ses protégés la chance d’une seconde vie, que de bonnes âmes viennent bénévolement et régulièrement promener les chiens, pendant que d’autres (bonnes âmes) font des dons de couvertures, de croquettes ou de jouets. Alors, pourquoi refuser une adoption ? La seule raison, et elle est respectable, est que ces animaux – surtout les chiens – ont déjà vécu un abandon (voire plusieurs) ou des maltraitances, et que les responsables de refuges animaliers veulent s’assurer que leurs protégés ne revivront pas le même traumatisme.

Cela posé, il existe de bonnes et de mauvaises raisons. Et pour les distinguer, il faut se poser les deux seules questions, essentielles : quels sont les besoins du chien pour être “bien dans ses pattes” ? et qu’est-ce qu’un bon maitre ?

La spécialiste de la relation homme-animal

Diplômée en éthologie (étude des comportements des espèces animales dans leur milieu naturel) en 2007, Caroline Urbain est comportementaliste canin-félin, et formée à la thérapie manuelle (massage canin) à Saint-Oyen, entre Mâcon et Tournus.

Elle est également intervenante en prévention morsure, notamment à Chalon, à La Poste principale : « Depuis 2018, ma chienne Naïa et moi-même intervenons dans une quarantaine de centres de tri du groupe « La Poste » en Bourgogne Franche-Comté. Ces forums ont pour but la prévention des morsures dans un cadre professionnel. En connaissant les postures à adopter lors d’une rencontre canine, les risques d’agressions sont limités. »

Nous avons interrogé la spécialiste sur le premier motif de refus d’adoption.

Infochalon : Vivre en appartement est-il un obstacle pour adopter un chien ?

Caroline Urbain : Dans le principe, non. Mais tout est question de cas par cas : quelle race, quel est le profil du chien (son caractère, son passé et ses séquelles), quelle est la disponibilité du maitre ? Dans la théorie, je peux affirmer ceci : Je préfère mille fois un appartement avec des maitres cohérents, c’est-à-dire qui répondent aux besoins du chien plutôt qu’un jardin, aussi grand soit-il, dans lequel le chien est laissé seul en permanence et s’ennuie parce qu’il connait son territoire olfactivement par cœur. S’il n’est pas promené, il développe des rituels de somatisation (des tocs) et, vers 18 mois, une hypervigilance : il devient alors un “ultra gardien’” et c’est la 1re cause des agressions des facteurs.

Il subsiste une idée fausse en France, selon laquelle les chiens ont besoin de grands espaces pour être heureux. Ce n’est pas vrai. Au Canada par exemple, ils ont une nette avancée dans leur façon de voir l’éducation du chien.

Les besoins réels d’un chien, outre les soins (nourriture, brossage, vermifuge, antiparasitaire), sont la compagnie de son maitre, c’est-à-dire le temps passé avec lui. Plutôt que “maitre”, je préfère dire “référent” parce qu’il a un rôle essentiel, celui d’éduquer, de cadrer, donc de sécuriser le chien. Et on éduque son chien, quel que soit son âge, par le jeu.

Donc, avant d’adopter un chien, la 1re question à se poser, c’est : est-ce que j’ai du temps à lui consacrer ?

L’âge du chien rentre en compte aussi : adopter un chiot, en appartement, c’est 6 à 8 sorties par jour pour lui apprendre la propreté. Vous n’aurez pas cette contrainte en adoptant un chien adulte.

Un bon référent, c’est celui qui consacrera quotidiennement des temps d’activité avec son compagnon, en lui apportant des stimulations autant intellectuelles que physiques.

Infochalon : Pouvez-vous donner des exemples de ces deux types de stimulations ?

Caroline Urbain : 80 % du développement du cerveau du chien passe par l’odorat. Par conséquent, il faut multiplier les circonstances qui solliciteront ce besoin de flairage. D’où l’importance de la balade où il faut le laisser sentir les odeurs. Chez soi, on peut s’amuser par exemple au pistage : vous lui faites sentir un objet et vous le cachez (d’abord en visu, on procède étape par étape) et vous incitez votre chien à le chercher avec un mot, toujours le même. Une fois qu’il l’a trouvé, félicitez-le par la voix et une récompense. Évitez surtout de l’exciter, chuchotez au besoin. Avant et pendant l’activité, vous devez capter l’attention du chien pour le préparer à être réceptif : l’amener au calme, le faire asseoir et attendre. Ces jeux développent la concentration et la réflexion du chien. C’est ce que j’appelle les “sollicitations intellectuelles”, elles le dépensent mentalement. Elles peuvent ne durer que 5 min par jour, mais c’est lors de moments d’interaction avec vous que les liens se resserrent et que la relation devient sereine. Dans le même ordre d’idée, il existe le mantrailing (man = homme, trailing = suivre), une discipline utilisée par la gendarmerie ou la police, mais qui peut aussi s’exercer en loisir à l’extérieur.

Les activités physiques, elles, se passent à l’extérieur. Outre la balade canine, essentielle, il existe les sports canins qui développent l’endurance et la masse musculaire du chien. Il y a l’agility (qui lie la dépense intellectuelle et physique), le canicross ou le canivtt où on apprend au chien différentes allures (pas, trot, galop). Toutes les activités, aussi simples soient-elles, resserrent la complicité avec son référent. La balade doit être quotidienne, agrémentée d’activités ludiques et de quelques exercices d’obéissance pour resserrer le lien avec son référent. Mieux vaut encore raccourcir le temps de la balade et en faire plusieurs dans la journée, en variant les lieux.

Infochalon : Alors quelles sont les raisons de refus d’adoption lorsque vous vivez en appartement ?

Caroline Urbain : Un refus d’adoption si vous vivez en appartement peut être tout à fait motivé par le profil particulier du chien : s’il souffre d’une anxiété de séparation, ne supporte pas la solitude, se met à aboyer toute la journée et détruire quand son maitre est absent, on ne peut pas oublier le voisinage. Ça peut devenir invivable pour les voisins. Ça, c’est une vraie raison de refus d’adoption. C’est pour cela que, encore une fois, la décision se fait sur un cas précis, et les responsables du refuge connaissent leurs protégés. Ces chiens ont été abandonnés une fois, partir du refuge est un autre “abandon” du cadre familier, ils font donc très attention qu’il n’y ait pas un 3e abandon.

Mais, j’insiste sur ce point, appartement ou maison avec un grand jardin, l’adoption est responsable si et seulement si vous avez du temps à consacrer à votre chien et si vous en avez l’envie. Si vous vous absentez 8 h d’affilée quotidiennement pour le travail, que votre chien est seul (à l’intérieur ou dans le jardin), alors il développera des troubles de comportement et votre relation ne sera pas sereine.

Notre article se poursuit demain sur Infochalon, avec les autres motifs possibles de refus (âge des adoptants, jardins clos ou non…) :  L’adoption responsable (2/2).

Par Nathalie DUNAND
[email protected]

Caroline Urbain
Comportementaliste et Praticienne manuelle canin félin
Facebook : comportementaliste71
Site : Caroline Urbain Comportementaliste71
Pour approfondir :
La SPA lance un nouveau site pour responsabiliser les adoptions : https://www.la-spa.fr/adoption/