Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - il est jugé pour violences, mais il devrait être protégé d’elle

TRIBUNAL DE CHALON -  il est jugé pour violences, mais il devrait être protégé d’elle

Elle le trompait. Il a beau ne pas être jaloux, dit-il, il a besoin d’un socle de confiance. La vie libérée de son épouse, soit, mais les mensonges, les dissimulations, non. Le 1er septembre, il s’est énervé. Il est jugé le 4, à l’audience des comparutions immédiates.

Il comparaît sous escorte, placé en détention provisoire* le dimanche 3. Son casier ? Deux condamnations anciennes réhabilitées de plein droit et sans le moindre rapport avec des faits de violence ou de délinquance habituelle. Il a près de 70 ans, il est retraité.

C’est un dossier cornélien : la scène du 1er septembre a été violente mais il ressort du tout que madame l’exploite, au fond. Elle fait ce qu’elle veut de son côté et mange au râtelier : il a quelques biens qui rendent la vie confortable. Du coup une proche a fait part de ses craintes aux enquêteurs. Résumons : c’est lui qui est jugé, mais c’est lui qu’il faudrait protéger d’elle.

Le couple s’est formé il y a 6 ans. Maison, mariage. Il se sont rencontrés alors qu’il était en cure de sevrage de l’alcool, dans un centre psychiatrique. Bon. Le 1er septembre, il avait bu du rosé, dès le matin. Interpellé en fin de journée, il avait une alcoolémie de 0.66 gramme à 21 heures. L’alcool a-t-il joué un rôle dans l’expression de sa colère ? Il dit que oui. A-t-il de nouveau un problème d’alcoolisme ? Il dit que non, depuis 3 jours il est coupé de l’alcool et ne présente aucun manque. Quand a-t-il repris ? « Pour fêter mes 900 jours sans alcool, elle a ouvert une bouteille de champagne, et j’en ai gouté… Y goûter, c’est rallumer le feu. » « Relation toxique » entend-on au cours de l’audience.

« Et puis quoi encore ? Mais non… ! »

Ah c’est pas simple ! A l’arrivée des gendarmes qu’elle avait appelés au secours, madame pleurait, elle était mal, elle a dit plein de choses : des coups aux visages, des morsures, les cheveux tirés et un coup de feu avec un pistolet de défense, dans le plafond de la salle à manger. A-t-il pointé son arme sur elle ? Non, non. Madame dit plein d’autres choses : qu’ils parlaient de suicide, qu’il lui aurait donné un sac de médicaments pour qu’elle prenne tout… Le prévenu est choqué : « Et puis quoi encore ? Mais non… ! » Il est convaincant. Son attitude, sa façon de parler, tout transpire une forme de droiture fichée sur un terrain fragile, incertain.

Il ne l’a pas mordue. Il ne l’a pas frappée non plus

L’homme reconnaît l’avoir attrapée par les cheveux, « pour lui prendre son téléphone ». « Moi j’ai même pas de code sur mon téléphone, et à son retour de vacances, elle en avait un. Quand une femme vous ment à propos d’un mec, vous voulez en savoir un peu plus. En tout cas, c’était mon cas. » Le coup de feu dans le plafond ? « C’était pour l’impressionner. » 
Le certificat médical ne relève pas de traces de morsure, il trouve ça évident puisqu’il ne l’a pas mordue. Il ne l’a pas frappée non plus (ça n’enlève rien à la violence qu’on peut imaginer de cette scène à huis-clos, ndla).

« Madame risque de mettre à mal l’interdiction de contact »

Il dit aussi qu’elle peut « tout faire », du moment qu’elle ne lui ment pas. Il semble très attaché à elle, et convaincu que de son côté elle doit être triste de l’avoir envoyé en prison. Le fait est que madame s’est présentée au palais le dimanche, s’est agrippée aux grilles d’accès des véhicules (pénitentiaire, forces de l’ordre), les secouant. Le fait est aussi que le lundi matin elle prenait attache avec l’avocat de son mari… « On peut entendre monsieur, mais pas excuser ses violences », dit la procureur qui poursuit : « Madame est en incapacité de se positionner. Elle risque de mettre à mal l’interdiction de contact (si le tribunal la prononce) et fasse courir à monsieur un risque judiciaire. » Bref, la procureur ne sent pas la situation mais comment faire ? Elle requiert 6 mois de prison assortis d’un sursis probatoire avec les interdictions qui sont de mise dans les dossiers de violence conjugale.

« Comparution immédiate avec placement en détention provisoire, c’est excessif ! »

Maître Maréchal est bien conscient lui aussi du contexte problématique mais il s’insurge : « L’orientation en comparution immédiate avec placement en détention provisoire, c’est excessif ! Je vous le dis franchement, je trouve cela excessif. Monsieur est une personne qui ne mérite pas d’aller en prison. Le risque, c’est cette dame et ses comportements. Lui, il a subi un méga-électrochoc. Il en a versé, des larmes ! D’ailleurs je remercie la gendarmerie qui l’a suivi, qui l’a soutenu. Les gendarmes ont dû comprendre que dans ce dossier, il y avait à boire et à manger, si je peux m’exprimer ainsi. Madame a sa vie personnelle avec d’autres hommes, et sa vie matérielle avec lui. »

L’homme blessé, « pas jaloux » mais blessé clôt l’audience par ces mots : « Quoi que vous décidiez, je suis sûr que ma femme ne voudrait pas un éloignement de moi. »

Et le tribunal fut grand

Après en avoir délibéré, dit monsieur coupable et le condamne à la peine de 6 mois de prison avec sursis, non sans le mettre en garde sur l’éventuelle commission de nouvelles infractions. « Je peux aller où je veux ? » Oui, il peut aller où il veut.

FSA

* La surpopulation carcérale : « Le taux d’occupation est de 144,6 % dans les maisons d’arrêt, où sont incarcérés les détenus en attente de jugement, et donc présumés innocents, et ceux qui sont condamnés à de courtes peines. Il atteint ou dépasse même les 200 % dans dix établissements (…) » https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/06/30/surpopulation-carcerale-un-niveau-sans-precedent-en-france_6180017_3224.html