Faits divers
TRIBUNAL DE CHALON - Au nom de l’amour, harcèlement et violences : 12 mois ferme puis port d’un BAR
Par FSA
Publié le 25 Septembre 2023 à 20h47
Le président Marty expose les faits de harcèlement dont monsieur va devoir répondre. Il lit des mails puis les justifications que monsieur a avancées pendant sa garde à vue. Et on se dit... on se dit qu’il y a de grands malades, partout dans la société.
Des gens insérés qui ont réponse à tout et qui jamais ne font face à leurs actes, leurs paroles, leurs comportements. Jamais ne font face à eux-mêmes et sont violents, menaçants, insultants, dangereux pour les autres. Le harcèlement a épuisé et perturbé profondément l’ex-compagne de ce monsieur et père de ses enfants, elle a porté plainte le 6 septembre.
Déjà condamné deux fois pour des violences sur son ex-compagne
L’homme est né en 1982, il comparaît ce 25 septembre selon la procédure de comparution immédiats, alors qu’il a déjà été condamné en février 2021 à 10 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pour des menaces de mort contre madame ainsi que le non-respect de l’ordonnance de protection délivrée pour protéger madame, par le juge aux affaires familiales.
Furieux que cette femme et mère de ses trois enfants s’appuie sur un cadre judiciaire pour le contenir et de plus bloque ses appels, il n’a cessé de lui adresser des mails menaçants et insultants
Entre mauvaise fois et une pointe de perversité
Le prévenu tient des propos qui semblent se rattacher à une forme de normalité mais ça ne tient pas. « Elle m’a bloqué. » Le président, vif : « C’est son droit ! » Le prévenu : « Oui mais on a trois enfants. » Le président, très vif : « C’est son droit aussi, monsieur ! » Une pensée pour l’opinion actuelle qui veut que les parents qui se séparent doivent absolument « communiquer », ajoutant le détail qui va bien, « dans l’intérêt des enfants ». Or quand un ex verse dans les insultes, les menaces (et il faut voir le contenu des mails dans ce dossier !), salit et effraie son ex-conjointe, on peut légitimement s’interroger sur la qualité de la relation avec ses enfants, justement.
« Vous envoyez des insultes comme ‘pute, salope’, à une femme que vous aimez ? »
L’audience déroule les délits successifs – harcèlement par mails, de Nanton où il vit ; menaces de mort contre un homme, violence (deux coups de poing) sur un autre homme, collègues de madame, à Varennes-le-Grand - le prévenu ne cesse de décrire son état à lui, lui qui n’en revient pas de ce qu’on lui a fait (?), et de tâcher de justifier ses actes.
Le président ne manque aucun détail, aucune question. « C’est parce que je l’aime, dit le prévenu. - Vous envoyez des insultes comme ‘pute, salope’, à une femme que vous aimez ? C’est des déclarations d’amour ou c’est parce que vous ne supportez pas qu’elle ne vous aime plus ? » L’amour a bon dos, comme toujours.
Toute cette audience ne vient dire que cela : il y a danger
Au fil des minutes le prévenu semble se détendre, prend un ton presque badin, détendu et policé mais malgré ça ne donne pas le change. Le président revient sur le sursis probatoire : comment ça s’est passé avec le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) ? Si l’on écoute le prévenu : impeccable ! Il dit avoir fait une psychothérapie de son côté, il est sûr d’en avoir tiré un changement.
Ah bon ? s’étonne le président, pourtant le rapport du CPIP rapporte ceci : « Aucun investissement sincère », « sans mise en question de son attitude ». Voilà qui rejoint en tous points ce qui se dégage de l’instruction, ce lundi. Mais le prévenu a évidemment à dire, sur un ton détaché, à la cool : « Ah ! C’est parce que, en parallèle, je faisais une thérapie et je ne voyais pas l’intérêt de m’investir dans le suivi SPIP. » Il a eu porté un BAR, un bracelet anti-rapprochement, au début du sursis probatoire. Le BAR est attribué quand la justice estime qu’il y a danger.
Toute cette audience ne vient dire que cela : il y a danger. Les propos apparemment raisonnables et parfois émotionnels du prévenu font long feu : ils ne convainquent personne.
« Madame attend une décision qui la protège »
L’homme travaille dans un grand groupe industriel. A son casier 4 condamnations dont deux sont réhabilitées de plein droit, les deux autres sont relatives à des violences sur la même victime, la mère de ses enfants. Maître Rollet plaide pour elle : « Madame attend une décision qui la protège. Elle a une peur continuelle de croiser monsieur. Ça fait sept mois que vous terrifiez madame, et vous dites ‘je l’aime’ ? Madame veut la paix. Le suivi psychologique, si vous l’avez fait, n’a pas fonctionné. »
Maintien en détention est requis
Cyrielle Girard-Berthet, substitut du procureur, prend la suite. Elle prend le temps, elle va requérir une peine significative. « Apres tout ce qu’il lui a fait subir, elle a bien raison de ne plus vouloir entendre parler de lui. Elle vit dans un régime de peur. Elle a dû installer une vidéosurveillance devant chez elle : il vient sans cesse (sous prétexte d’apporter des animaux « pour les enfants » - poules, lapin, chien..., ndla). » Elle rappelle les antécédents de violences sur madame, ainsi que « les termes des messages », et qu’il est allé sur son lieu de travail...
La procureur requiert la peine de 30 mois de prison dont 12 mois seraient assortis d’un sursis probatoire pendant 3 ans, avec obligations de soins (addictologie et psychothérapie), de travail, d’indemniser les victimes, interdiction de tout contact avec elles, ainsi que de paraître à leurs domiciliés et sur leurs lieux de travail. Obligation également de porter un BAR, dans ce cadre, interdiction de paraître dans les communes du Grand Chalon. Maintien en détention pour les 18 mois ferme.
« Il ne s’est pas assez aidé lui-même, ni fait aider »
Maître Lopez plaide ce qu’il plaider, vu la position de son client, et conclut : « il ne s’est pas assez aidé lui-même, ni fait aider ». Sur la peine : « Sa situation se prête à tous les aménagements possibles. S’il est interdit du Grand Chalon, il ne pourra plus aller travailler. Cette peine requise, c’est un effacement social. »
Le prévenu ne veut dire qu’une chose : « J’aime mes enfants. » Evidemment, ce n’est pas cela qui l’a conduit en détention provisoire et en CI. Aucun rapport, mais il le revendique comme si ça pouvait justifier de telles violences et un tel comportement. L’amour a vraiment bon dos.
Maintien en détention puis 3 ans sous main de justice, port d’un BAR
Le tribunal déclare le prévenu coupable des trois délits dont il devait répondre, et le condamne à la peine de 30 mois de prison dont 18 sont assortis d’un sursis probatoire pendant 3 ans. Obligations de travailler, de suivre des soins, d’indemniser les victimes, de payer les sommes dues au Trésor Public (droit fixe de procédure de 127 euros et une amende de 750 euros pour les coups de poing sur un collègue de madame). Interdictions de contact avec les victimes et de paraître à leurs domiciles ou sur leurs lieux de travail. Port d’un bracelet anti-rapprochement (BAR).
Pour les 12 mois ferme : maintien en détention.
« Le moindre SMS à madame peut vous valoir 18 mois de prison, c’est compris ? »
Le président enfonce le clou : « A votre sortie de détention, le sursis probatoire commencera. Le moindre SMS à madame peut vous valoir 18 mois de prison, c’est compris ? » Le condamné hoche la tête, toute verve éteinte.
FSA
Il devra verser l’euro symbolique à madame, en reconnaissance des préjudices causés. Idem pour l’homme victime de menaces de mort. Renvoi sur intérêts civils pour le calcul des préjudices causés à celui qui a fini le visage en sang, mais le tribunal ordonne que le condamné lui verse une provision de 1500 euros, dans l’attente.
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