Chalon sur Saône

Des magistrats européens en stage au tribunal de Chalon sur Saône

Des magistrats européens en stage au tribunal de Chalon sur Saône

En Belgique les juges sont au même niveau que les justiciables, ou alors sur une petite estrade, en Allemagne il n’existe pas de justice des mineurs spécialisée comme en France, mais cependant le traitement n’en diffère guère, etc. : ils sont magistrats, l’une en Belgique, l’autre en Allemagne, et passent la semaine au TGI de Chalon-sur-Saône, dans le cadre d’un programme d’échange européen.

Accueillis par Clara Verger, vice-présidente en charge de la 1ère chambre civile du tribunal, mais aussi directrice du centre de stages.

Nathalie De Rijck, conseiller à la Cour d’appel de Bruxelles, et Florian Von Bresinsky, juge (au civil) au tribunal de Berlin sont tous deux francophones. Ils ont passé la semaine dernière à l’Ecole Nationale de la Magistrature à Paris, y recevant les bases du système judiciaire français et des grands principes qui le gouvernent, ainsi que des visites de ses hautes institutions, le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation. 19 magistrats en tout (anglais, belge, allemand, roumains, italiens, tchèque, polonais) ont aussi prêté serment afin de pouvoir ensuite participer aux délibérés avec leurs homologues français.

En Belgique, on n’incarcère pas les mineurs

Ce mercredi 10 octobre ils ont visité le centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand. Nathalie De Rijck reste impressionnée par le quartier des mineurs : en Belgique on ne les incarcère pas, en France on peut le faire dès l’âge de 13 ans. Clara Verger observe que la formation des magistrats est différente, dans ces pays. En Belgique on ne peut pas être magistrat avant ses 30 ans, il faut au préalable 2 ans d’exercice professionnel et 3 ans de stage. En Allemagne il y a carrément un tronc commun pour les juristes à l’issue duquel on choisit de devenir juge, procureur, ou encore avocat. D’ailleurs ces deux juges ont tous deux exercé dans des barreaux avant de s’orienter autrement.

Ces échanges interrogent toujours les évidences

Un stage « très dense », mais aussi « très enrichissant ». « Voir que nos collègues ont ici des difficultés semblables aux nôtres, et observer comment ils les gèrent, ça me fait réfléchir à la façon dont je conduis mes audiences », dit Nathalie De Rijck. Ces échanges interculturels autant qu’interprofessionnels interrogent toujours les évidences. Clara Verger pointe la question des médiations, trouve que l’Allemagne est très en avance sur cette façon de résoudre des litiges, des conflits. L’esprit français semble encore très accroché aux procédures et aux jugements qui viennent dire qui a tort, qui a raison, alors qu’en matière familiale, par exemple, on pourrait se débrouiller autrement. « En Allemagne, c’est dans le code, explique le juge berlinois. Au civil, le juge doit essayer de trouver un accord, il doit commencer par là. »

Pas de box vitrés dans ces pays, « on a estimé que c’était dégradant »

Florian Von Bresinsky est frappé par la façon dont la France a intégré la question « sécuritaire », comme on dit, d’une manière qui lui est vraiment propre, puisqu’on ne trouve pas de box vitrés et grillagés, ni en Allemagne ni en Belgique, à l’exception des cours d’Assises. « En Belgique, on les a démontés, témoigne la magistrate de Bruxelles. Il y a eu une grosse polémique, et finalement on a estimé qu’il était dégradant de comparaître dans ces conditions. Il n’y en a donc plus en correctionnelle. » De la même façon, les juges sont au même niveau que les prévenus et leurs avocats, ou alors surélevés par une estrade pas plus haute que celle d’une salle de classe.

Où que ce soit, le même constat : les citoyens méconnaissent la justice

Parmi les points communs, celui-ci : la méconnaissance du public, des citoyens, du droit et de l’institution. Des efforts partout pour faire connaître ce qui régit les vies de tous, mais des efforts toujours au compte-goutte, et la « bunkérisation » des palais n’arrangera pas les choses.
Cet échange existe grâce aux « programme d’échanges des autorités judiciaires », lancé en 2005 à l’initiative du parlement européen, via le Réseau européen de formation judiciaire (REFJ), il organise également des séminaires, dans tous les pays d’Europe. C’est une chance pour tous que de « lever le nez du guidon », comme dit Clara Verger, de nourrir sa pratique et ses représentations des différences, d’élargir le champ de son regard.

Florence Saint-Arroman