Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Un détenu-prévenu se dit victime de mauvais traitements

Nous sommes à l’audience de comparutions immédiates de ce lundi 13 janvier 2020, et tous les avocats sont en grève, en grève totale. On a déjà vu ce prévenu à l’audience du 5 décembre dernier, son dossier fut renvoyé pour cause de grève, on va renvoyer à nouveau. On peut lire ici le récit de cette audience : https://www.info-chalon.com/articles/faits-divers/2019/12/05/41497/tribunal-de-chalon-34-ans-et-deja-21-mentions-au-casier-judiciaire-mais-c-est-pour-des-conneries/, qui raconte un peu qui il est et surtout ce qu’on lui reproche. On lui reproche des insultes, des menaces de mort à l’encontre d’une femme qui intervient au côté du SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation), et des insultes à un surveillant. Aujourd’hui c’est lui qui parle.

Le prévenu se sent en danger

Maître Marceau est à nouveau là, pour noter le renvoi pour les victimes qu’il représente, il insiste : « Les avocats sont en grève, c’est une situation à laquelle il faudra s’habituer car les jeunes avocats, ceux que vous voyez en comparution immédiate et qui interviennent pour 126 euros, ils ne seront plus là pour défendre les gens comme monsieur. Il n’y aura plus personne. » Le prévenu est « d’accord pour tout ça, mais ». Mais il se sent en danger, car il est resté incarcéré dans le même centre pénitentiaire, à Varennes-le-Grand, et ne cesse de demander au tribunal de voir « quelqu’un » qui entende ce qu’il dit vivre chaque jour « depuis les faits », il ne cesse d’implorer, et dit à chaque fois, « s’il vous plaît, s’il vous plaît ».

« Ils prennent mes courriers et les déchirent devant moi »

« Vous pouvez écrire, monsieur, faire des courriers, lui dit le président Grandel.
– Je le fais, mais ils prennent mes courriers et les déchirent devant moi, ‘ferme ta gueule, sale chien’. S’il vous plaît, ça va trop loin. Vous n’imaginez pas. S’il vous plaît ! S’il vous plaît ! Je ne voudrais pas prendre perpet’ pour un acte que je regretterais toute ma vie.
- Monsieur, j’entends, et tout est noté par madame la greffière, mais faites attention à ce que vous dites.
- Dans tous les cas ça va se retourner contre moi. Ils me font des misères tous les jours. »
C’est alors qu’Aline Saenz-Cobo, vice-procureur, se lève : « Je vais vous faire entendre, monsieur, j’enverrai les gendarmes, vous serez entendu. »

Il est devenu « une longue peine » aux effets immanquablement destructeurs

Le tribunal doit décider du maintien en détention du prévenu. « Fffff, j’ai passé que 2 ans dehors depuis ma majorité. » On entend « 31 condamnation » au lieu des 21 entendues début décembre, ça ne change rien sur le fond : cet homme, né en 1985, est devenu « une longue peine » en raison d’un cumul de beaucoup de condamnations, et les conséquences existent, on y songe en regardant le box, fissuré par une autre « longue peine » la semaine dernière. « Il faut régler ce problème en détention, s’il vous plaît, monsieur. Vraiment ! »
« La détention semble mal se passer mais je ne vois pas comment faire autrement que de requérir la détention provisoire », dit la vice-procureur.

« Ils vont vraiment loin, loin, trop loin »

Le tribunal renvoie au 27 janvier, « en espérant que d’ici-là, vous trouviez un avocat pour vous défendre ». Le tribunal ordonne son maintien en détention. « S’il vous plaît, monsieur le juge, il faut régler le problème car ils vont vraiment loin, loin, trop loin. Là, mes droits, ils sont bafoués de haut en bas. » La vice-procureur se lève à nouveau, et répète : « Monsieur, vous serez entendu. Je ne dis pas que ça sera demain, mais on fera au mieux. » Le prévenu, calme tout au long de l’audience, la remercie.

Florence Saint-Arroman