Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - L'éternelle violence conjugale conjuguée au quotidien

TRIBUNAL DE CHALON - L'éternelle violence conjugale conjuguée au quotidien

Il n’a pas de casier et pourtant, à l’issue de l’audience de comparution immédiate de ce lundi 15 octobre, il est maintenu en détention, pour quelques mois : « Le tribunal estime qu’il est important pour la victime d’avoir un temps pendant lequel elle sera certaine de ne pas vous rencontrer », lui explique la présidente Grosjean. Il a 38 ans, et sa vie conjugale, déjà mise à mal par des violences plutôt insensées, prend fin ce jour.

 « L’histoire qui nous réunit aujourd’hui est une histoire à plusieurs rebondissements », commence la présidente : ils étaient ensemble depuis 7 ans et se sont mariés en 2016, mais tout a explosé définitivement pendant la semaine du 3 au 10 octobre. La victime n’est pas là, « terrorisée » dira son avocate, maître Pépin. Les violences ont commencé bien avant le 3 octobre, la prévention démarre en septembre 2017. Le prévenu ne nie pas, semble reconnaître à l’audience mais avec une formulation toutefois indirecte, « j’accepte ces accusations », que maître Pépin rectifie : « Mais monsieur, ce sont des faits. »

La présidente montre aux juges assesseurs les photos prise le 10 octobre : « On voit qu’elle présente un certain nombre de plaies, dont un pied qui saigne. » Des hématomes de plusieurs centimètres, sur les bras, dans le dos, des éraflures, une coupure, il était devenu fou ? Il ne sait pas, il dira seulement : « Je ne voulais pas reconnaître mes problèmes mais maintenant c’est évident. » Quels problèmes ? Il n’en dira rien, et pourtant l’audience fut longue, il avait le temps, mais il n’apporte rien de constructif aux débats.

C’est un couple qui était en fait sur le point de divorcer. Il fut infidèle, il est même parti quelques mois vivre avec sa maîtresse, mais il est revenu au domicile conjugal, et sa colère fut terrible… contre son épouse ! Coups, menaces, menaces de mort, insultes. Le 3 octobre les gendarmes la récupèrent dans sa voiture, elle avait pris alcool et médicaments puis avait prévenu une collègue de travail. Retour à la maison. Avant cela elle s’épanche un peu et les gendarmes notent les scènes qu’elle décrit, la violence, la peur, le petit garçon au milieu de tout ça. Elle pose plainte, le 9 octobre elle la retire, mais, Angélique Depétris, substitut du procureur le rappelle : « Elle n’est pas l’autorité de poursuite. » Le parquet demande à ce que monsieur soit entendu, il est convoqué le 10, le couple va ensemble à la gendarmerie, et revient de même.

De retour à la maison, ils s’apprêtaient, dit le prévenu, à boire un verre pour discuter. Un verre d’alcool ? Il n’a cessé de répéter à l’audience qu’il n’a pas le droit d’en boire, il prend des anxiolytiques et un anti-dépresseur. Il ne devrait pas conduire non plus, il le fait quand même. Bref, il n’a pas bu, de toute façon, puisque pendant sa crise il a jeté « le contenu des verres » sur sa femme. Ce soir-là il a « tout cassé », des chaises, des tables. Le petit n’était pas là, parti avec sa grand-mère. Il brisait les chaises, il a déchiré les photos de l’album de mariage, il a jeté son téléphone à elle, « tu n’en as plus besoin », il a crevé les pneus de sa voiture (à elle), il l’a saisie, traînée, il lui a renversé de l’alcool dessus, des bouteilles entières, l’a coincée dans la salle de bain, et, dit-elle, l’a forcée à s’agenouiller devant la baignoire, « tu pues tellement, je vais te laver ».

Tétanisée. Tétanisée par l’horreur et la peur, la peur de mourir certainement, si toutefois elle pouvait encore penser quelque chose. Puis il lui a ordonné de tout nettoyer, ce qu’elle fit, elle est sortie jeter les sacs poubelles. Il a fermé la porte. « Une autre était restée ouverte », dit-il, ne semblant pas conscient du sadisme dont il a fait preuve. Elle s’est sauvée chez un voisin qui a appelé les gendarmes. Il dit à l’audience, « je n’ai plus de larmes, je pleure depuis samedi. J’ai des regrets, je ne sais pas pourquoi je n’ai pas pu me contrôler ». Pas d’émotion perceptible pour autant. Il semble anesthésié. Maître Pépin demande une interdiction de contact immédiatement, demandera une mesure d’éloignement devant le juge aux affaires familiales, plus tard. Le parquet requiert une peine mixte (prison ferme, la mère du prévenu se met à pleurer, et un sursis mis à l’épreuve), ne demande pas le maintien en détention mais « c’est à monsieur de partir du domicile conjugal, pas à madame ».

Maître Trajkowsky se fait la voix de tous : « La scène du 10 octobre fait froid dans le dos. » L’avocate insiste sur le versant des auteurs de violences conjugales : le traitement des violences faites aux femmes doit passer selon moi par le traitement des hommes violents, « et je pense à l’enfant… ». Elle évoque sans les nommer vraiment, « les violences subies par cet homme lorsqu’il était enfant ». Lui, n’en a pas dit un mot. En revanche il clôt l’audience, penché vers le micro, pour dire aux juges : « Il faudrait que je travaille, ça m’aiderait. » Il a réussi en juillet un concours pour exercer un métier de soins. On reste un peu dans le malaise au terme de l’audience : sa femme a dit de lui que depuis son retour à la maison, depuis ce départ raté avec une autre femme, il était devenu « imprévisible ». A l’audience il donne le sentiment d’être coupé de lui-même, il paraît sans affect.

Le tribunal le condamne à 12 mois de prison dont 8 mois assortis d’un sursis mis à l’épreuve. Interdiction totale de contact, obligation de résider en dehors du domicile conjugal, obligation d’indemniser la victime, de suivre des soins psychologiques et/ou psychiatriques, obligation de travailler, de payer une amende de 150 euros. Pour les 4 mois ferme, il reste incarcéré (détention provisoire depuis deux jours). Sa mère n’en finit pas de sangloter, lui, non.

Florence Saint-Arroman