Cinéma

La Vie d'Adèle était en avant-première à l'Axel

La Vie d'Adèle était en avant-première à l'Axel

Dans toutes les salles obscures le 9 octobre prochain, La vie d’Adèle, Palme d’or du festival de Cannes au printemps dernier, était projeté hier soir en avant-première à l’Axel, à l’occasion du Festival Arc-en-ciel, devant une salle bien remplie. Le sentiment d’Info-Chalon.

On s’en souvient, La vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, a reçu la Palme d’or du Festival de Cannes 2013 dans un contexte bien particulier : celui de l’adoption de la loi Taubira, dite du « mariage pour tous ». Et c’est ce qui a fait dire à certains que le jury avait posé un acte politique, jetant d’ailleurs le discrédit sur cette compétition cinématographique annuelle, plutôt que récompensé la qualité artistique d’un long-métrage que d’aucuns jugent médiocre.

Qu’en est-il au final ? La vie d’Adèle est-il une imposture cinématographique, de celle qu’il faut fuir comme la peste ? L’histoire de cette jeune fille de 17 ans – Adèle - qui, après avoir essayé de flirter avec un garçon, tombe dans les bras d’une jeune fille aux cheveux bleus, lesbienne assumée, ne mérite-t-elle que le mépris de ceux qui considèrent que tout ce qui est à base de palme est fortement déconseillé pour la santé ?

A Info-Chalon, en tout cas, on est assez loin de le penser. On vous recommande même d’aller le voir quand il sortira enfin dans les salles obscures. Quant à la polémique concernant la façon que le réalisateur aurait eue de diriger ses deux actrices principales, on ne saurait trop vous recommander de la laisser de côté. Si Kechiche a pu être critiqué – notamment par Léa Seydoux -, force est de constater que le résultat est là : Seydoux (Emma), contrairement à sa prestation dans Grand central*, est enfin convaincante. Elle est cette artiste issue d’une famille de ce que Jean-Pierre Garnier** appellerait la petite-bourgeoisie intellectuelle lilloise, ceci pour ne pas succomber à la facilité d’employer le vocable péjoratif et imprécis de « bobos ». Quant à Adèle Exarchopoulos (Adèle, fille d’un couple de la classe moyenne pour qui l’art c’est bien une fois qu’on a gagné de quoi payer sa croute), que dire, sinon qu’elle joue si bien que l’on ressent jusqu’au plus profond de sa chair la douleur qui la dévaste au moment de la rupture avec son égérie, comme les frissons qui parcourent son corps au moment de scènes d’amour d’un érotisme littéralement extatique ?

La vie d’Adèle, assurément, est un film qui sort du lot. Mais pas en raison de la manière de filmer en gros plan des visages incroyablement expressifs. Ni en raison de son sujet : la passion amoureuse. C’est un film qui sort du lot parce qu’il a sa façon bien à lui, sociologique, de rendre assez clairement visible ce qui va progressivement séparer ces deux volcans : la provenance de deux milieux sociaux différents, que l’amour et le plaisir ne suffiront pas à réconcilier durablement. Car c’est bien ce différentiel initial qui sonne le glas de la liaison entre Emma et Adèle qui, mal à l’aise avec les amis thésards ou hyper-cultivés de sa moitié, se sentant délaissée par cette compagne qui lui fait comprendre que le métier qu’elle exerce – institutrice - n’est pas valorisant, se retrouve finalement trop en décalage pour qu’un processus d’irrémédiable éloignement d’avec son amoureuse aux cheveux bleus ne s’amorce pas.

Ceci, Kechiche aurait pu le montrer au travers d’un couple « classique », composé d’un homme et d’une femme. Mais en le faisant au travers d’un couple de femmes, il réalise une radioscopie des ressorts du couple dont la portée, à vocation universelle, incitant à une salutaire réflexion, mérite assurément un coup de chapeau ému et reconnaissant.

Cela posé, le mieux est peut-être encore d’aller juger sur pièce si ce long-métrage valait le coup que l’on se déplace pour le voir.

S.P.A.B

* Voir la chronique d’Info-Chalon : http://www.info-chalon.com/articles/chalon-sur-saone/2013/09/08/2018-grand-central-un-grand-film-.html

** Jean-Pierre Garnier, Une violence éminemment contemporaine. Essais sur la ville, la petite bourgeoisie intellectuelle et l’effacement des classes populaires, Agone, coll. « Contre-feux », 2010, 256 p.