Cinéma

"La Vénus à la fourrure", un huis clos original à voir en ce moment aux 5 Nefs

"La Vénus à la fourrure", un huis clos original à voir en ce moment aux 5 Nefs

Après quelques années mouvementées, le réalisateur du Pianiste* revient avec un huis clos pour le moins original, à l’affiche aux 5 Nefs : La vénus à la fourrure**. Le sentiment d’Info-Chalon.

« Le Canada est un pays amusant, composé de caribous, d’érables, de chanteuses à voix et de militants de Greenpeace. Plus vaste que la Chine, il est moins peuplé que la Corée du Sud : on peut y passer une journée entière sans jamais croiser un humain, ce qui est une certaine définition du bonheur. » En manifestant de la sorte une certain aversion pour ses semblables, François-Xavier Ajavon*** trahissait il y a peu des tendances que Pierre Murat (Télérama) n’est pas sans prêter à Roman Polanski dans le papier qu’il a consacré à La vénus à la fourrure, le dernier long-métrage du réalisateur. Des tendances misanthropiques.

Misanthrope, Roman Polanski ? Une chose est sûre en tout cas : les humains se font plutôt rares dans son dernier film. En effet, ils n’y sont que…deux. Un homme et une femme. Qui se défient et se débattent. Dans une sorte de combat à huis clos, à l’issue duquel « un metteur en scène fat et misogyne se retrouver fardé et travesti (…), cloué à un poteau de torture par une femme qu’il croyait réduire, mais qui, soudain, se venge » (Pierre Murat).

Et si Polanski n’est peut-être pas encore mûr pour le meurtre de masse, on sent poindre chez lui une férocité qui a fait le succès du Céline de Mort à crédit, du Michel Houellebecq d’Extension du domaine de la lutte ou, plus proche de nous et trop tôt parti, de l’écrivain Philippe Muray.

Cela dit, ce n’est pas vraiment gênant. Et puis, comme disait l’autre, « sans la liberté de blâmer… » En outre, dans la mesure où l’on devine que, comme le confessa le Grand d’Espagne**** avant de caner, Polanski ressent chacun des coups qu’il porte (au metteur en scène de son film), on serait plutôt enclin à en redemander…

Ceci posé, faut-il absolument voir La vénus à la fourrure ? Pour votre humble serviteur, c’est évident. Cela étant, s’il faut se déplacer jusqu’aux 5 Nefs, c’est moins pour le scénario – l’adaptation pour le théâtre d’un roman de l’Autrichien Sacher-Masoch par une tête-à-claque – que pour découvrir, via une sensationnelle Emmanuelle Seigner et un prodigieux Mathieu Almaric, ce que le terme « jouer » veut dire. En effet, par-delà la mise à nu des rapports de domination entre femme et homme, La vénus à la fourrure rend surtout visible le travail du comédien. Ce qui, en soi, constitue une véritable performance.

 

S.P.A.B.

 

* 2002. Durée : 2 h 28.

Bande-annonce : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18672668&cfilm=28359.html

** 2013. durée : 1 h 33.

Bande-annonce : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19538157&cfilm=213080.html

*** Causeur, n°7, novembre 2013

****Nom que la figure de proue des Husards, Roger Nimier, adonné à Georges Bernanos, romancier et pamphlétaire redoutable.