Cinéma

Un film fourmidable : Minuscule, la vallée des fourmis perdues

Un film fourmidable : Minuscule, la vallée des fourmis perdues

Les films d’animation sont à l’honneur en ce moment dans les salles obscures de Chalon-sur-Saône. Après l’excellent Le vent se lève*, l’équipe d’Info-Chalon, est allée voir Minuscule, la vallée des fourmis perdues**.

Projetant, pendant les dernières années de sa vie, de ramener les incroyants à la religion en humiliant la raison de l’Homme et en effrayant son imagination, Blaise Pascal,  mathématicien, physicien, inventeur et philosophe, s’était lancé dans la rédaction d’une sorte d’apologie de la religion chrétienne. Il n’eut néanmoins pas le temps de parvenir à ses fins, passant l’arme à gauche avant d’achever l’ouvrage. De cette ambitieuse entreprise, que reste-t-il ? En réalité une œuvre mondialement connue : ses Pensées***. Et parmi ces dernières, un texte : « Les deux infinis ».

Qu’y raconte-t-il ? D’abord, Pascal attire l’attention de son lecteur sur l’infiniment grand : « que l'homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté, qu'il éloigne sa vue des objets bas qui l'environnent. Qu'il regarde cette éclatante lumière, mise comme une lampe éternelle pour éclairer l'univers, que la terre lui paraisse comme un point au prix du vaste tour que cet astre décrit et qu'il s'étonne de ce que ce vaste tour lui-même n'est qu'une pointe très délicate à l'égard de celui que les astres qui roulent dans le firmament embrassent. » Puis il le conduit à se concentrer sur l’infiniment petit : « qu'il y voie une infinité d'univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible; dans cette terre, des animaux, et enfin des cirons, dans lesquels il retrouvera ce que les premiers ont donné; et trouvant encore dans les autres la même chose sans fin et sans repos, qu'il se perde dans ses merveilles, aussi étonnantes dans leur petitesse que les autres par leur étendue ». Dans quel but ? Pour « lui faire voir là-dedans un abyme nouveau ». Le troubler. Lui faire comprendre qu’il n’est qu’ « un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout. Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe ». Lui faire ressentir que lui échappe des secrets impénétrables. Bref, le conduire ou le ramener à Dieu. De préférence celui des chrétiens.

Les auteurs de Minuscule ont-ils lu ce texte de Pascal ? Ont-ils fait leur son projet de ramener les incroyants à la religion ? Une chose est sûre : le va-et-vient entre de magnifiques plans sur de féériques montagnes, souvent filmées au crépuscule ou dans la brume de l’aube, et une focalisation sur les protagonistes de ce film d’animation – une coccinelle et des fourmis – n’est pas sans rappeler l’ambiance des « deux infinis ». De là à dire qu’ils ont voulu conduire les spectateurs du film – des enfants accompagnés de leurs parents et l’équipe d’Info-Chalon – au Dieu des chrétiens…

Ceci posé, faut-il aller voir Minuscule ?  Bien que dénué de dialogues, et portant sur un sujet qui n’inspire pas spontanément une immense curiosité, il faut reconnaître que l’on se plonge assez facilement dans cette histoire de fourmis découvrant, non pas la poudre, mais… le sucre, contenu dans une boîte abandonnée par des pique-niqueurs. C’est, en vérité, un beau travail. Par ailleurs, commençant d’une façon qui n’est pas sans rappeler le Shining de Stanley Kubrick, mais avec la coccinelle de Stephen King cette fois-ci – rouge -, il ravira sans doute les cinéphiles.

S.P.A.B.

* A l’affiche à l’Axel. Voir l’article d’Info-Chalon : http://www.info-chalon.com/articles/cinema/2014/02/01/4565-un-drole-de-vent-souffle-a-l-axel.html

** 2014. Durée : 1 h 29

Bande-annonce :

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19540621&cfilm=197310.html

*** http://www.ub.uni-freiburg.de/fileadmin/ub/referate/04/pascal/pensees.pdf