Cinéma

Hélène Harder, jeune réalisatrice à Chalon sur Saône

Hélène Harder, jeune réalisatrice à Chalon sur Saône

On garde en souvenir une petite femme emmitouflée dans une énorme écharpe d’un vert jade. Un air étudiant : à l’aise. Elle est venue au cinéma, comme l’eau coule à travers le paysage, faisant son chemin de soi-même sans suivre aucun plan, sans idées préconçues, sinon qu’elle est fille femme et féministe. Et avec la même nonchalance, elle entre en conversation, parlant du film, du monde, d’elle… enfin, de nous, les femmes. Info-Chalon vous raconte cette rencontre inattendue, au coin du petit canapé à l’entrée du cinéma Axel.

Ladie’s turn : voici les femmes

Son film Ladie’s turn a conquis le public et le jury l’an dernier. Hélène Harder est lauréate du festival L’ici et l’ailleurs 2013. Ce film raconte la vie d’une équipe de footballeuses au Sénégal, leur lutte pour se faire accepter comme équipe féminine dans un milieu africain musulman. Hélène est allée là-bas une première fois, pour voir le pays, rencontrer les filles. Elles ont sympathisé et Hélène a commencé à apprendre leur langue. Elle est revenue pour filmer. Cela a pris 3 ans de tournage, par périodes, avec les moyens du bord. Ce film a fait le tour du pays, puis il a beaucoup tourné dans les festivals ici.

L’héroïne du film a été capitaine de l’équipe nationale du Sénégal. Elle voulait développer ce sport dans le pays, par passion et aussi pour ce que cela donne comme opportunité aux femmes. "Il fallait s’apprivoiser mutuellement pour savoir quelle histoire on allait raconter ensemble, se laisser porter…"

Premier film réalisé sur place qui raconte un tournoi organisé en 2011, projet compliqué, ambitieux, sans soutien financier, et comme c’était au Sénégal, c’était difficile au début, à cause de l’histoire entre Français et Sénégalais, à cause du passé.
Le but de ce film était de raconter ici à là-bas et là-bas à ici. Même si en apparence, cela n’a rien à voir avec ce qu’on vit ici en France. Il y a  un jeu narratif qui fait que les deux publics se rencontrent.

Un nouveau projet terminé ou en cours ? Oui, répond Hélène, entre le Maroc et St Denis, dans un milieu ouvrier, avec des enfants. Chaque école prend des photos de la vie quotidienne, des élèves, de l’école. On envoie les photos à l’autre école et, à partir de celles-ci, les autres élèves racontent une histoire. "Quand les gens racontent des histoires, ils se rencontrent et il y a de belles rencontres quand les gens racontent leur histoire."

Ainsi l’héroïne du film Ladie’s turn, Seyni, est un vrai personnage. Elle avait quelque chose à raconter, une énergie de vie à partager avec d’autres, et elle avait désiré être filmée. Il fallait dépasser le rapport France-Afrique, désamorcer la question. Mais l’enjeu était différent. Il fallait aussi réfléchir aux images ensemble. Le rêve de Seyni était de venir étudier à Marseille, ce qu’elle a fait, à présent elle retourne au Sénégal avec l’ambition de prendre la tête de la fédération de football féminine pour l’ouvrir à toutes. Que le film ait eu tant de succès a permis de valoriser l’équipe de foot au Sénégal et facilité la reconnaissance, alors qu’elles luttaient depuis 10 ans. Les joueuses en Europe avaient eu les mêmes problèmes, subi le même mépris.

Immobile…

Hélène Harder est venue à l’image suite à un accident qui l’a forcée à demeurer immobile longtemps. Elle a découvert ces riens, ces traces du temps qui s’écoule, la lumière, le mouvement… un détail une odeur une forme qui capte l’attention… sans le savoir, sans le vouloir, entrer dans un univers. Elle avait perdu l’usage de sa main, ne pouvait plus écrire, alors la caméra prend la place du stylo. L’image remplace les mots. Elle a essayé d’écrire à la main gauche mais elle avait perdu ce plaisir d’écrire, alors il fallait gagner le regard, entrer dans le monde par le regard, capter les choses à travers les images. Il y a là un langage à faire vivre.

Mais comment est-elle arrivée à la réalisation de films ? Hélène Harder a suivi un cours de cinéma. Carole Roussopoulos, suissesse pionnière de la vidéo engagée, a joué un grand rôle dans la naissance du cinéma d’Hélène. L’apparition de la caméra vidéo a permis le développement d’un cinéma féminin. C’était pratique, léger, accessible sans grande formation.

Pour revenir à CasaMantes, Hélène a réalisé un teaser sur ces écoles. Premier pas pour le film. Elle part là-bas pour une semaine d’atelier photo avec les enfants. (Le projet CasaMantes : Casablanca et Mantes la Jolie, les deux lieux du film)

Et la conversation qui devait être courte, 5 minutes, se prolonge, se faufile dans nos mémoires, les émotions. C’est une confiance. Ni en soi ni en l’autre, en soi et en l’autre, mais surtout dans la vie. Alors, il faut voir les documentaires, comme des films à part entière, car cela parle de nous, de nos vies, de la vie.

 

S.B.