Opinion

"De la rustine appliquée à l’urbanisme ou l'urbanisme à Chalon sur Saône"

"De la rustine appliquée à l’urbanisme ou l'urbanisme à Chalon sur Saône"

L'analyse de Jean Jacques Fouché.

La rustine s’utilise pour obstruer provisoirement un trou survenu à une chambre à air. Son usage peut être métaphorique ; une rustine pourra alors dissimuler, sinon réparer, une défaillance de la pensée. En ce sens, les projets d’aménagement urbain proposés par la municipalité de Chalon-sur-Saône paraissent relever d’une politique de la rustine.

Le stationnement est une constante des récriminations tantôt des commerçants tantôt des automobilistes. Est-ce justifié ? Les places de stationnement ne manquent pas, elles sont plus ou moins 8000 dont 1367 sont soit incluses dans des parkings fermés soit font partie du stock de places payantes avec horodateurs. Les autorités locales envisageraient d’ajouter 1300 places « payantes » à ce stock. Et si on s’interrogeait à propos de la surface occupée par l’automobile immobile par rapport à la surface de la ville ? Comment envisager « en même temps » de la mobilité et du stationnement ? 

Le projet d’aménagement annoncé pour la place du Châtelet relève de la politique de la rustine. La propositon amalgame une circulation automobile maintenue, des places de stationnement, des jeux pour enfants et une liaison ( ?) entre le quartier ancien protégé et le quai des Messageries. Comment seront conçus cette liaison et son débouché ? Les quais sont actuellement dévolus à la circulation automobile et la vitesse des véhicules ne semble ni limitée, ni régulée, ni contrôlée.  L’aménagement de la place ne peut se faire sans celui du quai des Messageries, qui lui même est lié à tout un ensemble : maîtrise des différents modes de circulation, priorité aux véhicules collectifs, de service et de sécurité. Il y a nécessité à engager une réflexion avant travaux !  

Le projet dévoilé pour le port Villiers est aussi un exemple de la technique de la rustine. Ce projet pérennise la guinguette offerte par la municipalité quelques jours en juillet. Pour deux millions d’euros la statue de Niepce serait déplacée et la circulation automobile légèrement déviée. Serait établie une avancée plane en suppression des actuelles marches, ce qui revient à éliminer le rapport direct avec la rivière. Cet aménagement, navrant au vu du dessin, permet d’éviter d’aborder un plan global de valorisation des quais et berges de la Saône. Il apparaît nécessaire de rendre ces espaces à l’ensemble de la population et de ne plus les réserver à  l’usage prioritaire d’automobilistes souvent pressés et parfois dangereux. 

Le bâtiment commercial prévu par la municipalité pour accueillir les sociétés privées  H & M et FNAC constitue une rustine urbaine couteuse. Est-ce une méthode judicieuse pour « relancer le commerce local », celle qui privatise un espace public pour accueillir des enseignes aux actionnariats rapaces et donc peu fiables dans la durée ? En plus de la destruction d’un bien collectif, il est à craindre que cette politique municipale accroisse la précarisation du commerce local. 

 Les rustines urbaines sont à l’opposé d’une réflexion globale et novatrice sur l’aménagement urbain qu’il serait urgent d’engager. 

Dans cette perspective deux grands projets pourraient valoriser la Ville :

  • l’aménagement des bords de Saône, permettant d’envisager des liaisons piétonnes sur les deux rives entre le port nord, le lac des Prés saint Jean et le quai Bellevue ;
  • la création d’un musée de la Saône dans des locaux abandonnés de l’île Saint-Laurent.   

Jean-Jacques Fouché

Directeur de la Maison de la culture à Chalon de 1974 à 1983

Ancien Inspecteur Général au Ministère de la Culture 

Photo LG - Info-chalon.com