Cinéma

« Chez Nous » : bienvenue chez l’extrême droite

« Chez Nous » : bienvenue chez l’extrême droite

Diffusé à l'Axel à Chalon sur Saône

Il y a une phrase marquante dans le film Chez Nous de Lucas Belvaux sorti mercredi dernier : « on change de stratégie, mais on ne change pas d’objectif. » Elle est prononcée par André Dussolier qui interprète un médecin également militant actif du Bloc Patriotique, un mouvement d’extrême droite qui tente de s’emparer de la mairie d’une petite ville du Nord pour en faire son laboratoire politique (en vue de s’écrire un destin national). Cette réplique sent le vécu : depuis plusieurs années, en France, on observe une extrême droite qui fait tout pour paraître assagie mais qui, au fond, conserve les mêmes idéaux (hostilité affichée à l’immigration, notamment).

C’est cette stratégie-là que le cinéaste belge analyse pendant près de 2h. Le mic-mac de tacticiens de l’ombre qui se cherchent des cautions propres à mettre sur le devant de l’affiche. Pendant ce temps, à l’arrière, ils manipulent afin que ça se passe comme ils l’ont toujours voulu (quitte à ne même pas présenter le programme à leur candidate).

Évidemment, ce film est inspiré de l’histoire du Front National. Tous les ingrédients sont là : un parti fondé par un patriarche qu’on ne voit pas une seule fois à l’écran, désormais dirigé par sa fille blonde qui essaie de s’affranchir de ses idées bien trop border line et de ses milices violentes. Et ce parti qui veut conquérir l’Élysée commence par faire une campagne active sur les terres du Nord sinistrées par le chômage…

Au centre de tout ça, une jeune infirmière qui, au départ, n’a rien demandé à personne. Elle est juste frustrée, déstabilisée et manipulable. Formidable Emilie Dequenne qui interprète cette mère de famille célibataire bombardée candidate aux municipales. Appréciée de tous à Hénart, elle découvre la haine autour d’elle en défendant des idées auxquelles elle ne croit pas au fond d’elle-même. Il est là le message de Lucas Belvaux : tout en finesse, sans caricature outrancière, sans faire dans le racoleur ou le sensationnel, il montre juste comment une frange de l’échiquier politique surfe sur le malaise ambiant dans la société pour imprimer dans l’actualité des thèses passéistes. Quitte à tricher avec la réalité pour faire monter la mayonnaise.

Chez Nous montre aussi que ce chemin dangereux n’est pas sans issue. Qu’il reste possible de faire demi-tour ou de prendre une autre route avant qu’il ne soit trop tard. Forcément, en sortant cette œuvre sur les écrans à deux mois d’une élection présidentielle, l’intention est de nourrir une réflexion auprès des spectateurs sur le climat de la campagne actuelle. Mais ceux qui iront voir ce long métrage sont sans doute déjà engagés dans cette démarche. Les autres en ont été dissuadés par les voix des frontistes qui ont dénoncé un procès d’intention sans même le voir. Sauf que l’idée n’est pas de juger un engagement politique ou de démolir des personnes. Juste de percer à jour une certaines idée que certains se font de la France.

O.C.