Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Apéro sanglant à Louhans, « Reviens ! Je vais te finir »

TRIBUNAL DE CHALON - Apéro sanglant à Louhans, « Reviens ! Je vais te finir »

En voilà un qui ne mange pas ses cinq fruits et légumes par jour. Bruno Z est assis entre deux gendarmes, il traîne une mine grise et terne, cette peau poussiéreuse propre à ceux qui cumulent tabagisme, alcoolisme, et le mode de vie qui finit par aller avec.

Son casier judiciaire raconte des violences volontaires avec arme. A 50 ans, Bruno est à son apogée (on veut le croire) : vendredi dernier, le 6 juillet, au terme d’un long apéro bien alcoolisé chez lui à Louhans, il a frappé de cinq coups de couteau monsieur X, présent à l’audience de comparution immédiate ce jeudi 12, le bras droit couvert de pansements, le bras gauche couvert de bandages : la lame de 20 cm a méchamment taillé le biceps, pratiquement tranché, les photos* ressemblent à un étal de boucher.

Que s’est-il passé ? On n’en sait rien. Le prévenu ne raconte rien. De toute façon il avait tant bu qu’il a oublié bien des choses. Il reconnaît avoir « piqué » son hôte, mais avoir manqué le tuer, pas du tout. Pourtant un témoin l’a vu sortir de chez lui après 23 heures, un grand couteau à la main, criant : « Reviens, X, je vais te finir ! » On sait d’autant moins ce qui s’est passé que la victime ne raconte rien non plus. C’est un homme bien plus jeune que Bruno, au teint tout blanc, qui avait bien trop bu également. La sœur du dit-Bruno l’avait invité à l’apéro, il dit ne pas connaître le prévenu, lequel, lui, soutient qu’il lui avait demandé deux fois de quitter sa maison, « qu’il se taise et qu’il parte » … La sœur non seulement n’apporte aucun élément de compréhension, mais en plus a raconté des bobards, plaide maître Thomas : « Elle dit qu’elle s’est rendue chez la voisine quand les deux hommes ont commencé à se disputer, mais en fait elle y est allée après les coups de couteaux. » L’avocate table sur « le comportement provocateur de la victime », et pense que cela devra jouer au civil : il ne devra pas trop la ramener sur les dommages et intérêts, vu ce contexte.

« Elle disait ‘mon frère a tué monsieur X’ »

Nous ne pouvons pas parler de l’instruction menée à l’audience, nous n’y étions pas : le tribunal a décidé, par extraordinaire, de juger en avançant l’horaire très habituel des audiences de comparution immédiates, et nous n’en avons pas été prévenu. A notre arrivée dans la salle, le parquet requérait déjà et la représentante du ministère public mettait l’accent sur le peu d’éloquence du prévenu : « Cinq coups de couteau ! et pour lui ce n’est pas un problème… il n’a aucune conscience de la gravité des faits. Lorsque sa sœur a appelé les secours, choquée, apeurée et en pleurs, elle disait ‘mon frère a tué monsieur X’, c’est dire la gravité de la scène. » Le sang a coulé aussi généreusement que les apéros. Les gendarmes en ont retrouvé des traces (quelqu’un avait tenté de nettoyer) partout dans la maison, et dehors.

Un homme coulé dans l’alcool

Les réquisitions nous apprennent que la toute première condamnation pénale de Bruno Z répondait à des violences volontaires avec menaces de mort, et qu’il a trois condamnations pour conduites sous l’empire de l’alcool. Un grand alcoolique, ce Bruno tassé sur son banc, les orbites des yeux bien sombres. Un rapport du service pénitentiaire d’insertion et de probation dit qu’il a refusé tous les aménagements de peines possibles. On est sur du dur. Pas forcément « un dur » mais au minimum un homme coulé dans un alcoolisme qui le corsète et prend le pas sur toute velléité de vivre autrement. « Il n’est pas coopératif et ne comprend pas l’interdit pénal », conclut la procureur. Elle requiert 3 ans de prison dont 1 an assorti d’un sursis mis à l’épreuve, et bien sûr un mandat de dépôt.

« Sa première fille fut placée, car les deux parents étaient alcooliques »

De la vie du prévenu nous ne saurons que ce qu’en expose maître Thomas : « La problématique alcoolique est une difficulté qui n’est pas nouvelle, sa première fille fut placée, car les deux parents étaient alcooliques. C’est un problème ancien et important. Or il n’a pas eu de peine adaptée car le dernier sursis mis à l’épreuve date de 2004, sinon il n’a eu que de la prison ferme. Pourtant son isolement social transparaît au dossier. Il faut une sanction assortie d’un sursis mis à l’épreuve. » Bruno Z a la parole en dernier, on l’entend enfin. Son accent, traînant, ses mots, comme de convenance, et sa défaite, son fatalisme. Il est devenu le produit de son alcoolisme et de sa violence, les deux formant un continent noir duquel il extirpe une phrase : « Ben je reconnais les faits, et puis je souhaite à la victime qu’il s’en sorte. »

2 ans ferme

Cet apéro sanglant du 6 juillet mâtiné de son casier judiciaire, coûte à Bruno Z 3 ans de prison dont 1 an assorti d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans, avec des obligations de soins et d’indemniser la victime, interdiction de contact avec elle, interdiction de porter une arme pendant 5 ans. Le tribunal décerne mandat de dépôt, Bruno Z part au centre pénitentiaire pour 2 ans. Il avait jusqu’ici refusé tous les aménagements de peine, saura-t-il, voudra-t-il, pourra-t-il se saisir de soins pour sortir d’une addiction qui semble ne faire plus qu’un avec lui ?

FSA

*Au sortir de l’audience, la victime nous a montré deux clichés.