Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Il s'en était pris à un surveillant de prison

TRIBUNAL DE CHALON - Il s'en était pris à un surveillant de prison

« Moi j’aime pas la justice, je la déteste. J’en ai marre de me trouver à la barre pour des bêtises à la con. En 2013 j’ai fait une prise d’otages. Le procureur m’avait dit : la justice est contre toi, mais elle est pour toi aussi. La détention est un endroit épouvantable. On l’appelle l’ombre de la République : il s’y passe des trucs de ouf, et on ne peut pas en parler. » Hasim X (prénom modifié) passe en comparution immédiate ce jeudi 27 septembre pour des violences sur un surveillant au centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand, le 28 août dernier.

Il quitte ses lunettes de soleil quand l’escorte le fait entrer dans le box. Il souffle dans le micro pour vérifier qu’il marche, il sourit largement. Il remet ses solaires, les ôtera à nouveau pour répondre à la juge. Répondre… du moins attendre l’occasion d’une question pour raconter, raconter son enfer intérieur, enfer certainement articulé à des éléments de réalité, mais éléments recomposés ensuite, ça brouille la lecture. Le tribunal fera état de deux expertises psychiatriques dont ce grand détenu a fait l’objet, en 2009 et en 2017 : pas de pathologie mentale, mais un sentiment d’injustice qui nourrit la persécution dont il peut faire l’objet, ou dont il devient lui-même l’objet pour les besoins de sa démonstration, il est impossible de faire la part des choses.

« Certes, la prison est difficile » concède la présidente Chandet. « Ils ne supportent pas les procéduriers madame. J’ai même écrit au service juridique de l’Elysée, on me répond que le chef de l’Etat ne peut pas trancher, qu’on transmet au Garde des Sceaux. Je n’ai agressé personne, madame. A Roanne, j’avais craché sur des agents, et j’ai été condamné pour ça. A Varennes, je subis des trucs inhumains. » La présidente l’interrompt pour recentrer les débats : « Madame le Procureur enquête là-dessus, monsieur. » « J’ai alerté tout le monde : je ne peux pas rester là-bas. »

Il se pourrait bien que ce soit là l’enjeu de la scène du 28 août. Caroline Locks, substitut du procureur, le dit : « Il veut clairement obtenir son transfert, il sait que de tels incidents peuvent le favoriser. » Le 28 août un surveillant, monsieur Y., entre accompagné dans la cellule d’Hamza le matin et lui laisse un dossier à lire, en vue d’une commission disciplinaire. En fin de matinée il retourne seul le chercher, et dit qu’Hamza ne voulait pas lui rendre le dossier, lui a porté un coup à la gorge avec la pointe d’un stylo. Le surveillant serait alors tombé sur le lit, appelle au secours, un auxi se précipite pour l’aider à sortir de la cellule.

Hasim : « Madame la juge, l’histoire c’est que j’étais au CD2 en détention normale, et aucun incident. Le 27 août, à 7 heures, le gradé est venu avec des agents et m’a dit : fouille corporelle et de cellule. J’étais en caleçon il m’a dit de rester comme ça, et on va à la douche. Ils me fouillent et ne trouvent rien, ils retournent ma cellule, et là, ce gradé, il me dit : tu descends au zéro, tu es confiné. Pourquoi ? Je le revois le lendemain avec ‘une brigadière du BGD’, super sympa, et là je vois le motif : refus de fouille. Le gradé dit : lis les motifs et je repasse. »

« Madame la juge, soi-disant j’ai l’ouverture de ma cellule à 2 voire 3 agents, et là il revient seul. C’est bizarre. Il arrive tout seul et me dit : tu as lu le dossier ? J’ai dit oui, c’est quoi ces motifs ? Il me dit : c’est moi qui t’ai confiné, c’est pas la hiérarchie. Il me dit : j’ai pas peur de toi. De là, il m’a étranglé (le prévenu se saisit le cou). Je lui dis : enlève ta main. Lui il s’assoit sur le lit et me dit : vas-y, agresse-moi. Je lui réponds : prends ton dossier et bouge ! Personne n’a appelé au secours, c’est moi qui ai crié : qu’est-ce que tu fais ? Je suis un peu révolté parce que j’en ai marre, ça se passe très mal à Varennes. On joue avec ma vie, et là ça fait trop. »

Maître Marceau représente le surveillant en question, il rappelle les condamnations d’Hasim X pour condamnations calomnieuses.  « Un surveillant solliciterait un prévenu pour qu’il l’agresse ? ça ne tient pas debout. C’est une atteinte à l’intégrité de ce surveillant, il a dû prendre des anxiolytiques pour la première fois de sa carrière. » Dans le box, ça bout. Le prévenu chuchote à l’un des gendarmes : « Aaaaaah j’ai envie de bouger, là. » Mais il ne peut pas bouger comme il le souhaite, il est prisonnier, depuis 2012. Libérable en 2022. 22 condamnations (Assises pour viol en 2006, puis évasion, menaces de mort, de crimes, port d’arme, vols, violences sur conjoint, filouterie, enlèvement et séquestration, etc.) Libérable dans 10 ans. Il a développé des troubles anxieux en prison. « Personnalité immature » écrivit l’un des experts. « Je n’ai pas vu mon fils depuis 2011, et tout le monde s’en fiche. »

Maître Sarikan reprend les faits et les différents témoignages, relève les contradictions, les divergences : « Il n’y a rien qui colle vraiment, c’est léger, je ne peux que demander la relaxe. » Le parquet requiert 10 mois de prison ferme avec mandat de dépôt. « J’ai envie de partir, oui, mais dans le calme », dit encore le prévenu.

 Le tribunal condamne Hasim X, né en 1985 dans le Puy de Dôme et depuis, devenu le produit de son incarcération - on l’observe sur toutes les longues peines : l’existence tout entière est réduite au milieu dans lequel elle s’écoule, année après année - à 6 mois de prison ferme, ne décerne pas de mandat de dépôt. La victime recevra 400 euros de dommages et intérêts. « Je vais faire appel », annonce le prisonnier.

Florence Saint-Arroman