Saint-Rémy

Vol au Netto de Saint-Rémy, 14 bouteilles de pastis « pour revendre à des bars »

Vol au Netto de Saint-Rémy, 14 bouteilles de pastis « pour revendre à des bars »

« Je croyais que c’était pour nous qu’on prenait, et qu’on irait se poser quelque part ensuite. On zone toute la journée. » Dango, 34 ans, se défend ainsi de l’accusation de complicité de vol.

Vol d’alcool, menaces de mort, menace avec un couteau

Vendredi dernier en effet, en fin d’après-midi, 2 hommes vont au Netto de Saint-Rémy et y volent 14 bouteilles de pastis. Dango avait piqué une bière au passage. On les surprend, ils doivent fuir. Un des clients suit celui qui a le sac, Issam, 28 ans. Le client a pris sa voiture, et il aurait tenté de renverser le voleur à plusieurs reprises, celui-ci aurait alors sorti un couteau et l’a menacé de mort, il ne le conteste pas.

Issam fonce tout droit au bar auquel il espérait revendre 4 de ces bouteilles. Le client avait fini par lui faire vraiment peur, parce qu’il arrive en disant « un blanc veut me tuer, il veut me tuer », et le patron du bar le laisse filer à l’étage, où Issam a tout juste le temps de changer de tenue, alors que la BAC rentre dans le bar.

Le patron du café, débordé par le tour que prend la situation, et « paniqué », avait balancé le couteau d’Issam. Il comparaissait libre aujourd’hui, pour destruction de preuve, et complicité de vol. Dans le box, outre Dango et Issam placés en détention provisoire, un 4e homme, Sofiane, 29 ans, celui qui les avait conduits en voiture jusqu’au Netto.

Des parcours et des positions différentes, mais des casiers parfois conséquents

« On zone toute la journée », disait Dango. Lui, il est alcoolique, même si sa vie maritale l’aide à réduire la voilure. 14 mentions à son casier, essentiellement des violences. Du travail ? « Je n’en ai pas. » « Il travaille dans les vignes plusieurs mois par an, précise Maître Trajkovski, il a ce courage, alors que son problème d’alcool fait obstacle à toute situation pérenne. »

« J’avais besoin d’un peu d’argent dans mes poches », explique Issam. Lui, il a été placé en foyer PJJ dès ses 13 ans. Puis il a connu la détention. Violences, séquestration, agression sexuelle, recel... 11 condamnations. Mais depuis sa dernière sortie de prison en 2013, il dit se tenir tranquille. Il travaille au sein d’une association qui gère un bar à chicha, mais il y gagne très peu d’argent. Cette arrestation survient alors que sa dernière mise à l’épreuve s’était bien passée, et qu’il avait pleinement satisfait un contrat d’insertion.

Le chauffeur, Sofiane, a lui aussi un casier plutôt chargé, mais il semble qu’il se soit rangé. Il a une vie de famille, et un travail en CDI.

Enfin, le patron de bar, 37 ans, n’a jamais été condamné. Il a une femme et trois enfants. « Il travaille de 8 heures à 20 heures 6 jours par semaine, dit Maître Marceau, il travaille beaucoup pour des revenus modestes. Il a fait une faute morale en acceptant 4 bouteilles, mais il n’est pas complice du vol. » Son client sera relaxé de la prévention de complicité, et sa peine épargnera son casier et donc sa licence 4.

La comparution immédiate, une « procédure scélérate » pour la défense

Deux des prévenus avaient saisis Maître Nicolle, du barreau de Dijon. Ce dernier rentre tout juste de vacances, il le précise, et n’a vu ni ses clients, ni les dossiers. N’empêche il va biller contre cette « procédure scélérate », la comparution immédiate, qu’on appelait avant « les flagrants délits », glissement de langage euphémique semblable au cas de la femme de ménage qu’on appelle désormais « technicienne de surface ».
Le procureur avait requis pas moins de 3 maintiens en détention, avec des peines de prison allant de 6 mois (le chauffeur) à 3 ans pour l’auteur principal. L’avocat s’adresse aux juges : « Je reproche que ce vol soit poursuivi dans l’urgence, en plein week-end, pendant les vacances d’août, et qu’on vous demande de la prison, parce que la prison, ça parle au représentant de la société, ça parle comme la seule sanction qui serait véridique, et moi je viens parler contre ça. »

« La loi interdit de dire que sa parole vaut moins que celle d’un autre »


Maître Nicolle prolonge la plaidoirie de Maître Trajkovski qui rappelait que la position de son client ne devait pas disqualifier sa parole par pur principe : « On ne peut pas inscrire sur le visage de monsieur B. (Issam) toutes ses condamnations pour dire que sa parole vaut moins que celle d’un autre, vaut moins que celle du courageux client qui l’a suivi. La loi ne le permet pas. (…) La loi est la même pour tous, mais elle est plus durement ressentie par certaines catégories de la population, vous en conviendrez. Et on vous demande 3 ans de prison !? Mais quel est l’intérêt collectif à mettre en prison un homme qui a volé 14 bouteilles de pastis ? Avons-nous à craindre pour notre sécurité, pour nos enfants ? Non. Quel besoin a-t-on de retrouver cet homme là en prison ? »

Sur sa lancée l’avocat va écorner Netto, glissant que bon, ce n’est pas là qu’on trouve les meilleurs produits. Le patron du magasin s’en trouvera blessé : non seulement il n’a pas entendu le président demander si des victimes étaient présentes (difficilement audible), et n’a pas pu faire valoir sa position, mais en plus il se sent méprisé et ses clients avec. La caissière qui a crié le jour du vol n’a pas pu venir jusque dans la salle d’audience, tenaillée par la peur.

Les prévenus et leurs proches ont peur aussi aujourd’hui. Les traditionnels cabas d’effets pour le centre pénitentiaire sont prêts.

 

Décisions du tribunal :

Le patron du bar est condamné à une amende de 500 euros (et donc relaxé du chef de complicité).

Le chauffeur est condamné à 4 mois de prison ferme mais n’est pas maintenu en détention, même peine pour Dango qui manifeste son intense soulagement.

L’auteur principal, Issam, restera à Varennes pour purger 6 mois de prison, puis il restera sous main de justice pendant 2 ans, avec obligation de travailler, de se soigner. Il a interdiction de paraître au magasin Netto. 6 mois de prison avec sursis restent révocables au cas où il commettrait une autre infraction.

 F.Saint-Arroman