Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Fou au volant, il manque de shooter des policiers de la BAC en refusant d'obtempérer

TRIBUNAL DE CHALON - Fou au volant, il manque de  shooter des policiers de la BAC en refusant d'obtempérer

On dirait qu’un mineur entre dans le box, un poussin. Il a 19 ans, mais 19 ans timides et discrets, effacés. Pourtant, chargé de plus d’un gramme d’alcool et d’un peu de cannabis, il a manqué faucher des policiers de la BAC en pleine nuit, au volant d’une Citroën qu’il conduisait « à une allure démentielle ».

La présidente Verger rapporte les faits, à l’audience de comparution immédiate de ce lundi 17 mai, puis récapitule : « Vous êtes très jeune, vous n’avez pas de casier, vous êtes en détention provisoire depuis 3 jours, on est sur un niveau de procédure extrêmement répressif. On est dans un autre niveau de gravité que ‘Ça craint’. » Angélique Depetris, substitut du procureur, la rejoindra : « Il exprime des regrets que je crois sincère, mais son absence de réactivité me laisse craindre le pire pour l’avenir. »

Il était parti « faire un tour » pour se calmer…

Côté réactivité, chez ce garçon tout semble donc extrême : soit il ne réagit pas, soit, comme dans la nuit du 13 mai dernier, sous l’empire de toxiques et de ses nerfs électrisés (il avait abîmé l’ordinateur de sa mère et dit qu’il craignait les réactions de ses parents) il est comme un fou furieux. Vers 1h40 une patrouille de la BAC, à bord d’une voiture banalisée, se fixe sur un véhicule qui roule à tombeau ouvert rue de la Villeneuve à la sortie de Saint-Marcel. Le policier-chauffeur stoppe la voiture au milieu de la chaussée, face à celui qui déboule. Le gyrophare fonctionne. Ses collègues ont des stop sticks à la main, ils ont ouvert leurs portières et s’apprêtent à descendre mais la C3 ne ralentit pas.

Les policiers sont alors « en capacité d’ouvrir le feu, mais ne le font pas »

Le jeune conducteur « prend le ralentisseur comme un tremplin », la voiture décolle du sol sur plusieurs mètres et fonce sur les policiers. Alors que deux d’entre eux ont un bras et une jambe à l’extérieur de l’habitacle, le chauffeur doit dégager leur véhicule in extremis, pour éviter la collision. Maître Bibard, qui représente les policiers concernés, le répète : « Je peux dire que cette nuit-là, les fonctionnaires de police ont réellement risqué leurs vies. On est en pleine nuit, un véhicule leur fonce dessus : les policiers sont en capacité d’ouvrir le feu. Mais ils ne le font pas, et font tout pour neutraliser celui-ci sans trop de dégâts. »

La BAC se repère « aux étincelles que font les pneumatiques »

Les policiers font demi-tour et suivent la C3 qui va si vite qu’il n’est pas question de monter à la même allure. La BAC se repère « aux étincelles que font les pneumatiques ». La C3 creuse l’écart mais finit sa course dans un poteau, un autre équipage est sur les lieux, prévient la BAC et veut lui remettre le jeune homme. Las, celui-ci est « dans un état d’hystérie et de démence », il hurle, donne des coups de pieds, refuse de mettre un masque, arrose tout le monde d’insultes. Il saisit deux policiers à la gorge alors qu’on tente de le menotter. Au commissariat, il avalera la tige de prélèvement du test salivaire, la cassant entre ses dents.

Deux armes sur lui, parce qu’« on ne sait jamais »

On en oubliait des menaces de mort à l’encontre de l’équipage, « je vais vous faire la peau », etc. « Toujours dans un état second », « dans un état de nerfs peu commun » : on le menotte à la banquette de la cellule de garde à vue. À la palpation on avait trouvé sur lui un opinel et un Taser. Pourquoi des armes ? « On ne sait jamais. » ... Pourtant il vit chez ses parents, étudiant en formation professionnelle en alternance, dont son patron dit le plus grand bien : « méritant », « une belle personne », rapporte maître Ravat-Sandre. Mais les parents sont inquiets : d’un peu d’alcool et de cannabis, il a glissé petit à petit à « beaucoup ». 

« L’extrême gravité des faits »

L’instruction nous apprend que la consommation d’alcool, ça lui fait « ça », ça le rend « dément ». Le jeune prévenu dit que ça lui est déjà arrivé, « avec mes parents ». La procureur revient sur ce point, car c’est un problème, réel et sérieux. Elle requiert une peine de 18 mois de prison dont 8 mois seraient assortis d’un sursis probatoire de 2 ans, avec obligation de soins et d’indemniser les victimes, en peine complémentaire, l’annulation de son permis de conduire. Pour la partie ferme (10 mois), elle demande le maintien en détention du garçon, « vu l’extrême gravité des faits ».

Des adultes prêts à s’engager pour aider le prévenu 

« Il n’y a plus que vous, dit maître Ravat-Sandre en s’adressant aux juges, pour rappeler que l’usage de cannabis est interdit et dangereux. » L’avocate plaide évidemment le jeune âge du prévenu et l’absence de casier judiciaire, mais elle plaide également la banalisation générale de la consommation de drogue et d’alcool. Puis elle lit l’attestation qu’a rédigée le patron, dont la C3 qu’il lui prêtait à son apprenti est pourtant à l’état d’épave. Elle prend le temps, car si ce monsieur n’excuse en rien le comportement du garçon, il estime avoir compris que celui-ci a un problème et se déclare prêt à l’aider, avec le concours des parents. Ce n’est pas rien.

7 mois de prison ferme et 2 ans sous main de justice

Le tribunal déclare ce jeune homme coupable des faits qui lui sont reprochés, et le condamne à une peine de 15 mois de prison dont 8 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, ordonne l’exécution provisoire (ça veut dire que les obligations afférentes, suivre des soins et indemniser les victimes) sont effectives immédiatement.  Cinq policiers recevront des indemnités à la hauteur de ce que leur avocat avait demandé, histoire de marquer le coup. 

Le tribunal aménage ab initio la partie ferme, soit 7 mois, en détention à domicile sous surveillance électronique. Le permis de conduire du jeune homme est annulé. Interdiction de porter une arme pendant 5 ans.

FSA