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"Les intellectuels, le peuple et le ballon rond", un ouvrage rafraîchissant

"Les intellectuels, le peuple et le ballon rond", un ouvrage rafraîchissant

Qu’il nous parle du libéralisme [1] ou de George Orwell [2], cet écrivain dont les œuvres complètes s’empilent probablement sur sa table de chevet, Jean-Claude Michéa, bien que féroce, est toujours un auteur d’une très agréable compagnie. Et ce n’est certainement pas la lecture de son ouvrage consacré au ballon rond, fraîchement réédité [3], qui nous fera changer d’avis. En effet, une fois le livre refermé, la réflexion qui nous vient naturellement est bien la même qu’à l’accoutumée : que n’a-t-on plus tôt les pages que nous venons tout juste de dévorer, presque d’une traite !

            De quoi est-il question dans ce qui, vraisemblablement, se veut plus une préface à un livre de référence d’Eduardo Galeano [4], suivie de délicieux extraits dudit ouvrage qu’un essai au sens strict du terme ? Pour l’essentiel, du mépris du « public qui s’estime cultivé », pour la « grande messe païenne » (Eduardo Galeano) que constitue le football. Bref, de « la haine des intellectuels dès lors qu’il est question de ce jeu ».

            Pourquoi ceux-ci le vouerait-il autant aux gémonies ? A lire Michéa, particulièrement convaincant au demeurant, parce ce dernier incarne « le sport populaire par excellence » (p 14), qui n’a pas eu « le bon goût de s’éloigner de ces origines compromettantes ». Parce qu’ils ne comprennent pas l’inutilité qui, aux origines, lui était consubstantielle. Parce qu’ils ne comprennent rien au peuple, qu’ils ne méprisent jamais mieux qu’en se gaussant de ces « beaufs » et de ces « Deschiens » et qu’ils prennent, à tort, pour sa quintessence.

            Est-ce « cette incapacité viscérale des intellectuels à comprendre de l’intérieur une passion populaire » qui interdit à ces mêmes intellectuels « de critiquer avec toute la radicalité requise les monstrueuses dérives du football contemporain » ? Sur ce point, comme sur les autres, la conviction de Michéa, on ne peut plus trempée, méthodiquement forgée, est formulée sans fioritures. Et si d’aventure certains de nos lecteurs désiraient la connaître, on ne saurait trop leur recommander, surtout en cette période estivale, la lecture proprement rafraîchissante de ce bel ouvrage.

LÉON DEGRAEVE

 

[1] Jean-Claude MICHÉA, Impasse Adam Smith. Brève remarques sur l’impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche, Castelnau-le-Lez, Climats, coll. « Sisyphe », 2002, 185 p ; Jean-Claude MICHÉA, L’empire du moindre mal. Essai sur la civilisation libérale, Paris, Flammarion, coll. « Champs essais », (2007 2010, 207 p ; Jean-Claude MICHÉA, La double pensée. Retour sur la question libérale, Paris, Flammarion, coll. « Champs essais », 2008, 277 p.

[2] Jean-Claude MICHÉA, La société décente, Castelnau-le-Lez, Climats, coll. « Sisyphe », 1999, 276 p ; Jean-Claude MICHÉA, Orwell, anarchiste tory, Castelnau-le-Lez, Climats, coll. « Sisyphe », 2000, 143 p ; Jean-Claude MICHÉA, Orwell éducateur, Castelnau-le-Lez, Climats, 2003, 169 p.

[3] Jean-Claude MICHÉA, Les intellectuels, le peuple et le ballon rond. A propos d’un livre d’Eduardo Galeano, Paris, Climats, (1998) 2010, 63 p.

[4] Eduardo Galeano, Football, ombre et lumière, Climats, 1997, 273 p.