Chalon sur Saône

Tapis rouge samedi 16 et dimanche 17 avril à Chalon pour un humour de résistance de derrière les fagots

Tapis rouge samedi 16 et dimanche 17 avril à Chalon pour un humour de résistance de derrière les fagots

L’humour de résistance part bille en tête à la conquête de la bonne ville de Chalon-sur-Saône ce week-end avec un festival, premier du nom, qui devrait fortifier les esprits ouverts. En créant un précédent, ajoutera-t-il une singularité notoire à la cité de Niépce ? Cela ne dépend que de votre application à lui attribuer d’emblée ses lettres de noblesse…En tout cas les petits plats ont été mis dans les grands : conférence-débat, projection de films avec leur réalisateur, séances de dédicaces par d’éminentes personnalités, spectacle…densité et intérêt majeur se tailleront la part du lion. Etienne Moulron, procréateur notamment du « P.H.A.R.E .» (Parti de l’Humour Attitude et d’en Rire Ensemble), en salive d’avance.

Pourquoi le choix s’est-il porté sur Chalon-sur-Saône ?

« C’est suite à une rencontre que j’ai eue avec Mme Jennifer Sartor (chef de cabinet du maire N.D.L.R.) qui avait entendu parler de moi et de ce que j’essaye de construire, en particulier le musée de l’Humour. Je lui ai un peu parlé de cela et des différents projets que j’avais, dont celui d’un festival de l’Humour de Résistance, qui est un thème qui nous tient tout particulièrement à cœur dans l’association que j’ai créée : la Maison du Rire et de l’Humour à Cluny. Cet humour de résistance qui d’ailleurs nous a fait créer ce prix de l’Humour de Résistance que l’on décerne chaque année maintenant depuis dix ans. Voilà un peu comment les choses se sont petit à petit mises en place, donc manifestement ça a intéressé la municipalité de Chalon-sur-Saône et son maire ; c’est comme ça que l’on a commencé à travailler en parfaite collaboration et en partenariat avec leurs services en particulier. »

A quelle hauteur avez-vous placé la barre, et en cas de succès le rendez-vous y sera-t-il reconduit ?

« On l’a située le plus haut que l’on pouvait, parce qu’il faut être ambitieux et surtout quand on est passionné par un tel thème qui, au-delà de la propre passion que l’on peut avoir, est une passion que l’on peut transmettre je pense, et qui mérite largement d’être transmise. On l’a située très haut quant à la qualité des films, assez variés et diversifiés pour vraiment offrir de l’humour de résistance le panel le plus large possible avec des facettes multiples. Et en essayant aussi de monter le niveau avec une conférence-débat que j’aurai le plaisir et l’honneur d’animer avec un certain nombre de participants qui, dans leur domaine pourront justement témoigner de ce qu’est, ce que représente et peut être l’humour de résistance. »    

L’humour de résistance a-t-il une identité propre reconnue, et quels sont ses tenants et aboutissants ?

« Pour l’instant, effectivement il y a ici et là diverses choses qui ont été faites dans ce domaine. J’en note particulièrement deux : la première, et non des moindres, c’est Jean-Michel Ribes, le directeur du Théâtre du Rond-Point des Champs-Elysées à Paris qui est à la fois à l’origine de la rédaction d’un livre en deux volumes qui porte le nom « Le rire de résistance », où il a au fond dressé un portrait d’un certain nombre de rieurs en faveur de l’humour de résistance justement. On y trouve autant Rabelais, Pierre Desproges, Pierre Etaix et bien d’autres. Il a d’ailleurs créé dans son théâtre une université sur le thème du rire de résistance, où il a invité également des personnalités de tous bords et de tous niveaux pour venir parler de ce rire de résistance qui est nécessaire par les temps qui courent. Je le dis avec une grande modestie, mais avec beaucoup de fierté pour autant, la Maison du Rire n’a pas pris le relais, mais le prix de l’Humour de Résistance a été attribué pour la première fois en 2008. En parfait accord avec Jean-Michel Ribes, il s’agit de travailler chacun de son côté, mais en presque communion si je puis dire. Voilà un peu les deux points, et je l’ai constaté pas plus tard qu’hier encore (l’interview a été réalisée le jeudi 14 avril N.D.L.R.), l’actualité au fond évoque de plus en plus cette importance de l’humour en général dans nos vies, dans nos relations, qu’elles soient personnelles ou professionnelles, et aussi même au sein des relations internationales dans ce Monde, je le redis, tellement abîmé. Pour vous citer un exemple, pas plus tard qu’il y a deux jours, Bono, le chef du groupe pop assez connu U2, est allé devant une commission du Sénat américain pour témoigner, mais de manière tout à fait sérieuse, parce que l’humour c’est beaucoup plus sérieux qu’il n’y paraît, de l’importance et peut-être de la seule, ou presque seule solution aux différents conflits, en particulier djihadistes. Il a  insisté sur le fait que l’humour était peut-être la seule arme de défense et de reconstruction face à ce cataclysme qui s’abat tous les jours sur nos sociétés et sur nos pays, en utilisant justement l’arme de la satire et de la caricature. C’est tout à fait de nature et c’est un fait avéré, l’Histoire l’a prouvé, à déstabiliser pour le moins tous ces petits diaboliques dictateurs et autres. Donc, de trois côtés différents il y a ces tentatives d’officialisation si je puis dire de l’humour de résistance. Je reviens à Jean-Michel Ribes, et la meilleure preuve de notre entente, c’est qu’on lui a remis le prix du livre d’humour de résistance pour son livre Le rire du résistant. Il nous avait fort aimablement accueillis en son Théâtre il y a quelques années pour recevoir ce prix. Il y en a certainement d’autres, des gens travaillent de leur côté également sur cette thématique bien entendu.  »   

L’humour en général pourrait-il être une matière enseignée à l’école comme les autres ?

« Oui, je le crois de plus en plus, d’ailleurs elle l’est déjà. Je connais des gens, et entre autres un monsieur qui s’appelle Le Thierry qui a écrit des livres à l’usage justement des enseignants pour enseigner le rire à l’école. Car effectivement c’est une valeur d’abord, et c’est aussi un moyen  relationnel important qui d’ailleurs déborde aussi l’école, puisque que maintenant l’humour est entré par les grandes portes dans l’entreprise. Je connais en particulier un groupe presque industriel maintenant, Humour Consulting Group, lequel essaie de montrer que l’humour a sa place chez elles, à des entreprises, et parmi ses clients figurent des clients de haut niveau comme l’Oréal, Total et Orange pour n’en citer que trois. Non pas qu’il faille rire toute la journée au bureau, mais dans les relations professionnelles l’humour a complètement sa place ; il peut rendre beaucoup plus souples et malléables les relations entre direction, cadres et employés, voire ouvriers aussi. Au niveau du stress, et Dieu sait si le stress est présent en entreprise, l’humour est tout à fait capable de dénouer bien des situations. Voilà deux exemples qui prouvent que l’humour effectivement est encore une fois plus important et plus sérieux qu’il n’y paraît, et qu’il aura de plus en plus sa place dans les différents domaines de nos sociétés. »

Doit-on prendre sur soi pour faire preuve de détachement vis-à-vis des récents attentats de Bruxelles ?

« Oui, je le pense de plus en plus, et je le dis pour l’anecdote ou presque, puisqu’il se fait que je suis Belge d’origine, c’est comme ça. J’ai pu constater, et ça a été objectivement constaté par la presse entre autres, y compris française, que suite aux attentats de Bruxelles il y a une quinzaine de jours, les Belges ont d’abord été abasourdis, écrasés par ce qui leur tombait dessus. Ils ont eu ensuite des réactions qui sont des réactions ultimes, d’humour de résistance justement, qui montrent que quand on n’a plus que l’humour pour prendre un air de respiration, et que l’on tente malgré tout de mettre un peu de bleu dans le ciel qui est gris, eh bien les Belges l’ont prouvé en particulier en s’exprimant par des dessins, des caricatures sur ce qui s’était déroulé, mais en les détournant de manière à vrai dire plutôt drôle. Alors c’est un humour au 3ème ou au 4ème degré, mais qui prouve que l’on peut rire de tout pour reprendre la phrase de Pierre Desproges. Ca n’engage que moi ce que je dis, je pense qu’effectivement on peut rire de tout, mais tout n’est pas drôle non plus. Un attentat en soi ce n’est pas drôle du tout, mais on peut aussi le prendre dans une sorte d’autodérision pour ne pas se sentir définitivement écrabouillé par ça. Pour prendre un peu de recul, je pense que l’humour peut être largement utilisé aussi. »    

 

Vous êtes le fondateur de la Maison du Rire et de l’Humour de Cluny, ainsi que le créateur du prix d’Humour de Résistance, où en est cette Maison, et vous sentez-vous soutenu dans votre démarche ?

« C’est une croisade, si je puis dire, entreprise il y a maintenant plus de dix ans. Je me rappelle quotidiennement lorsque je passe à l’ombre de l’abbaye de Cluny, ou du moins ce qu’il en reste, mais ce qu’il en reste est néanmoins très, très prestigieux, eh bien que celui qui a mis la première pierre de l’abbaye n’en a jamais vu la fin. Alors j’espère de tout mon cœur, bien entendu, voir la fin de ce que j’ai essayé de construire et que j’essaie de construire tous les jours. Cependant, pour moi ce qui est essentiel c’est ce musée de l’Humour, qui ne portera pas ce nom-là parce que l’humour n’aime pas du tout être enfermé, il s’appellera plutôt la Maison de l’Umour et des z’Arts z’Umoureux. Je pense, et j’en suis même convaincu, qu’un jour il y aura un lieu muséal de cette nature en France, en francophonie même, pour présenter au public le patrimoine prestigieux et si riche que l’humour représente, constitue dans ce pays en particulier, pour ne citer que Rabelais, Pierre Dac, Alphonse Allais, Pierre Desproges et tous les dessinateurs d’humour. Rien qu’avec ceux-là, il y a de quoi remplir des salles et des salles. Je me base sur le fait que de par le Monde il existe à ce jour une dizaine de musées de l’Humour, et dans des pays parfois un peu surprenants, tel que la Bulgarie où se trouve le musée le plus important d’humour au Monde, que j’ai eu l’occasion de voir et qui mérite franchement le détour. Tout ça me fait vraiment penser, et me convainc chaque jour, ça me soutient d’ailleurs, qu’effectivement la France aura un jour son musée de l’Humour. Elle le mérite largement, et d’autant plus encore une fois par le biais de l’humour de résistance qui pourra évidemment être exprimé dans ce musée. C’est mon vœu le plus cher, il est certain qu’un tel projet est un projet lourd et qu’il nécessite, faut-il le dire, des fonds. Ces fonds, on sait bien que de nos jours, les collectivités, municipalités, n’en ont plus beaucoup, sinon pas du tout. Donc j’ai imaginé un projet que j’ai appelé « L’humour en tous sens », qui est un projet de création d’entreprises diverses liées de près ou de loin à l’humour, que ce soit dans la communication, l’événementiel, l’édition, et j’en passe, car il y a là aussi largement de quoi faire. Ces entreprises font des profits, et ces profits pourraient permettre de financer ce musée de l’Humour auquel je pense. »     

Que faudrait-il faire pour que l’humour de résistance soit davantage démocratisé ?

« Plus on en parlera, et mieux ce sera. C’est ce que j’essaie de faire et peut-être parfois de trop, mais comme disait saint Augustin : « Il vaut mieux se perdre dans ses passions que de les perdre ». Donc, pour reprendre une référence une fois de plus un peu religieuse je suis entré en humour comme d’aucuns entrent en religion, et je consacre désormais tout ce qu’il reste de mon temps à ça. C’est en essayant de partager un maximum cette idée et cette conception de l’humour, cette idée,  pour reprendre la phrase emblématique de l’association, que «L’humour c’est comme les essuie-glaces, ça n’empêche pas la pluie, mais ça permet d’avancer. » Or, dans ce Monde il faut avancer, sinon on risque de tomber de son vélo. »

Que se passera-t-il après les réjouissances chalonnaises ?

« On va faire un debriefing d’abord à Chalon pour voir comment tout ça s’est passé. Puis, et ce que je souhaite évidemment de tous mes vœux, c’est que peut-être la mairie de Chalon, son maire et son équipe, souhaiteront récidiver pour l’année prochaine et les années suivantes. C’est un test que l’on fait. Alors, une première c’est toujours une première avec bien sûr les boulons à revisser ici, les choses à rectifier là, mais au moins ça aura eu le mérite d’être, avec toutes les chances de réussite. On verra pour les années suivantes, pour le reste, c’est évidemment ce musée de l’Humour, qui pour moi est la chose la plus essentielle. Dès le lendemain du festival je reprendrai mon dossier et mon bâton de pèlerin. »

 

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Sur www.chalon.fr, et sur la page Facebook « villedechalon » Renseignements au 03.85.90.50.90

                                                                                                      Michel Poiriault

                                                                                                      [email protected]