Faits divers

TRIBUAL DE CHALON - Trois habitués de la justice condamnés pour incendie de voiture à Chalon

TRIBUAL DE CHALON - Trois habitués de la justice condamnés pour incendie de voiture à Chalon

« Il est avec son ami, ils boivent des bières, et ils vont se poser au quartier, comme disent les jeunes », explique maître Lépine. Le quartier, en l’occurrence, c’est la Fontaine au Loup, soit le stade, à Chalon-sur-Saône. On se demande à partir de quel âge on cesse désormais d’être « un jeune », car les prévenus ont de 28 à 31 ans, âges adultes en dépit de leurs habitudes à aller « se poser ». Du reste, même l’expression « se poser » interroge, si on l’examine à l’aune du cirque de cette nuit du 11 février 2017. 

Deux prévenus sont à la barre, Atef D., 31 ans, homme de taille moyenne, un peu plus épais que son copain Heidi Z., 28 ans. Le troisième comparaît sous escorte, détenu à Varennes pour autre chose, condamné le 16 octobre dernier à 1 an de prison, le tribunal avait décerné un mandat de dépôt. C’est au cours de cette audience que Tijani R. avait fait grief aux « gens d’ici » de n’être que « des faux culs » (lire ici http://www.info-chalon.com/articles/faits-divers/2017/10/17/33287/tribunal-de-chalon-sous-le-capot-le-cannabis/), le jugement correctionnel d’hier vendredi 12 janvier le conforte certainement dans cette vue des choses, car Tijani conteste absolument avoir mis le feu à la voiture de madame B., mais les deux autres hommes l’ont désigné en audition. A la barre, ils sont plus circonspects, on doit leur relire leurs déclarations, savoir si ce sont les policiers qui ont mal transcrit leurs propos, ou alors auraient-ils peur de Tijani R. ? Non, non, tout va bien, les policiers ont correctement établi les PV, ils n’ont pas peur du tout, mais ne sauraient plus, néanmoins, affirmer que celui-ci a mis le feu à la Seat de madame B. Qu’il ait fait du rodéo avec, sur les pelouses des immeubles, c’est sûr, il a même torpillé l’embrayage à forcer dessus comme un malade, et puis il a bien déposé un jerricane rouge qui sentait l’essence dans la voiture de l’un d’eux, juste avant que la Seat parte en flammes, mais bon, voilà, c’est tout. 

Les voitures semblent ne pas aimer Tijani R. : en octobre dernier il s’était déjà embrouillé à cause de ça (et des stups), aujourd’hui, il s’embrouille aussi à cause de ça (et de l’alcool, de la vodka précisément, 2 bouteilles au compteur ce soir-là). « Je sortais de prison, madame B. m’hébergeait et me prêtait sa voiture pour que je puisse chercher du travail. Jamais je n’aurais mis le feu à cette voiture que je voulais acheter ! » Madame B. est dans la salle, c’est une jeune femme placide, éteinte, vulnérable, sous curatelle renforcée, elle tient la main de son amoureux, sa curatrice est à sa gauche : celle-ci avait signalé ses craintes à la police la veille des faits. Madame B. s’apprêtait à vendre sa Seat, bien en-dessous de son prix estimé, elle voulait de l’argent, et Tijani voulait une voiture, alors… « Vous saviez que madame B. est une personne fragile ? – Oui, répond du box le prévenu. »

Ce soir de février 2017, Atef D. et Heidi Z. s’étaient donc « posés » avec d’autres, au pied d’un immeuble, autour d’une voiture. Tijani R. débarque, « défoncé », et entame son rodéo sur la pelouse, grille l’embrayage en sortant la voiture du dénivelé dans lequel il l’avait embourbée, et puis … il dépose un jerricane dans la voiture des autres, il est 4 heures du matin. La Seat brûle, la BAC débarque et un autre rodéo se joue, car les policiers veulent contrôler les hommes groupés autour d’une voiture grise dont le coffre est ouvert. Les hommes lancent des insultes, on appelle un équipage en renfort, et les policiers placent 5 gars le long du mur, les autres se sont carapatés. « T’as pas le droit de toucher à ma voiture », tente monsieur D. décidément pas au fait de qui a le droit de quoi. Un policier s’approche de lui qui a trop bu et qui tombe, en se relevant il frappe le policier à l’épaule lequel riposte. « Le touchez pas, fils de p… », intervient Tijani R. Coups. Heidi Z. y va aussi d’une rébellion, « c’était stupide de ma part, j’étais sous alcool ». Les policiers vont ensuite rouvrir le coffre de la voiture grise, y trouvent l’autoradio de la Seat de madame B., sa carte verte, la carte bleue de Tijani R., et le jerricane rouge ainsi qu’un bidon blanc, les deux sentent l’essence. Sous le siège avant droit des allume-barbecue. Personne ne conteste outrages et rébellions, seul Tijani R. maintient mordicus qu’il n’aurait pas abîmé « sa » voiture. La présidente remarque que celle-ci ne lui appartenait pas… oui c’est vrai mais c’était « sur le point de se faire » (avec quel argent ? on ne sait pas). 

Maître Guignard plaide dans l’intérêt de madame B., et c’est un véritable réquisitoire qu’il livre, il a examiné les photos du véhicule, donne tous les détails qui accablent Tijani R., et conclut « Madame B. a dû être hospitalisée à la suite, 82 jours à Sevrey, très éprouvée. » Le parquet laisse les magistrats apprécier la crédibilité du « trou noir » de monsieur R. qui ne se souvient de rien, « il faudrait qu’il arrête de se moquer de l’autorité judiciaire ». Maître Ronfard parle pour les policiers agressés et insultés, rappelle l’actualité, et ces attitudes qui « participent à épuiser une profession qui manifeste son ras le bol ». En face on l’écoute, calmement, sans plus. 

Au casier d’Atef D., 11 condamnations, pour recel, vols, vols en réunion, usage de stups, CEA, conduites sans permis, aide au séjour irrégulier, ouverture irrégulière d’un débit de boissons, « j’essaie, mais j’ai toujours des problèmes, c’est incroyable ça me tombe toujours dessus ». C’est son premier fait de rébellion, maître Lépine insistera. Au casier de Tijani R. 15 condamnations. Le parquet a requis contre lui 24 mois de prison avec un mandat de dépôt et depuis il garde la tête baissée, plongé sans doute dans des calculs de sortie, ou bien à ruminer qu’à lui aussi, ça lui tombe toujours dessus. Heidi Z. a deux condamnations, pour violences et usage de stups. 

Le tribunal condamne Heidi Z. à 3 mois de prison avec sursis, Atef D. à 6 mois de prison intégralement assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 18 mois, et Tijani R. à 18 mois de prison, mandat de dépôt, sa peine actuelle est donc prolongée d’un an et demi. Il voulait juste « se reposer au quartier » cette nuit-là, dit-il. Les mots n’ont décidément pas les mêmes sens pour tout le monde, et c’est un vrai problème, à la Fontaine au loup comme dans beaucoup d’endroits. 

FSA

Tijani R. devra indemniser madame B.  de 3500 euros pour son préjudice matériel, 800 euros au titre de son préjudice moral, et 900 euros pour ses frais d’avocat. Il doit en outre à l’OPAC, 6303 euros pour la dégradation du mur de l’immeuble contre lequel la Seat a flambé.
Les 3 prévenus sont condamnés à payer solidairement 500 euros à l’un des policiers, et 300 euros à chacun des deux autres, ainsi que 500 euros pour leurs frais de justice.