Cinéma

Le dernier Bertrand Tavernier - Une visite guidée pour le moins originale du Quai d'Orsay

Le dernier Bertrand Tavernier - Une visite guidée pour le moins originale du Quai d'Orsay

Pour rire un peu ces temps-ci au cinéma, on pouvait aller voir Neuf mois ferme, d’Albert Dupontel. Depuis quelques jours, une autre comédie déride les habitués des salles obscures : Quai d’Orsay, du réalisateur Bertrand Tavernier.

Il n’y a pas qu’en librairie, où trônent depuis vendredi les confessions d’un diplomate*, que le ministère des Affaires étrangères est à l’honneur en ce moment. En effet, la sortie, dans les salles obscures, de Quai d’Orsay**, réalisé par Bertrand Tavernier, jette depuis quelques jours une lumière crue sur le siège symbolique de ce qui reste l’un des instruments d’ « une certaine idée de la France » - sa diplomatie – et, surtout, sur l’indigence intellectuelle pouvant frapper ceux qui se retrouvent à sa tête. Comme c’est par exemple le cas pour Alexandre Taillard de Worms, sorte de cerf-volant nécessitant d’être tenu en laisse par ses plus proches conseillers. Conseillers auxquels le spectateur sait très vite gré de préserver le pays des lubies de ce grand con obnubilé par ses stabilos qui « pluchent », passant le plus clair de son temps à décocher des sentences aussi définitives que grotesques, qu’est le personnage incarné par Thierry Lhermitte. Peut-être parce qu’il pressent d’emblée qu’Alexandre Taillard de Worms, héros d’une bande-dessinée à succès*** n’est pas si imaginaire qu’on pourrait le croire de prime abord et que derrière lui se cache celui qui, peu avant l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis, a prononcé, le 14 février 2003, devant le Conseil de sécurité de Nations Unies, un discours qui, manifestant l’opposition de la France à la logique de guerre de l’Administration Bush, est resté célèbre**** : Dominique Galouzeau de Villepin qui, dit-on, « n’a pas adoré le film de Tavernier » (Le Figaro, 6.11.2013).

 

Ceci posé, faut-il voir ce long-métrage ? Même si le choix de Thierry Lhermitte, à jamais marqué par ses rôles dans Le père Noël est une ordure ou Les bronzés, pour incarner Alexandre Taillard de Worms, n’est peut-être pas le plus judicieux, force est de constater que l’ensemble est plutôt bon, voire très bon. Le rythme, les dialogues, le jeu bluffant de Niels Arestrup (Claude Maupas, flegmatique directeur de cabinet du ministre)… tout concoure à faire de ce film un agréable moment. Bref, ce serait dommage de ne pas succomber à la tentation d’en savoir un peu plus sur ce drôle d’endroit que demeure le Quai, seule institution de la République à ne toujours pas avoir Internet…

 

S.P.A.B

 

* Moments privés au Quai d’Orsay. Confessions d’un diplomate, de Frédéric Vion, Gabriel Alphand, Editions Balland, 192 p, 15,90 euros.

** France, 2013. Durée : 1 h 53.

Bande-annonce : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19538117&cfilm=203464.html

*** Christophe Blain, Abel Lanzac, Quai d’Orsay – Intégrale, éditions Dargaud, 2013, 214 p, 29 euros

**** Les grands discours du XXème siècle, présentés par Christophe Boutin, Flammarion, coll. « Champs classiques », 2009.