Chalon dans la rue

A Chalon, une bête noire difficilement maîtrisable, pour un tandem malgré tout à l’unisson

 A Chalon, une bête noire difficilement maîtrisable, pour un tandem malgré tout à l’unisson

Sur l’Esplanade des anciennes Sucreries la plus noble conquête de l’homme, en l’occurrence War Zao, un splendide frison étalon noir de 15 ans et 650 kilos, traite d’égal à égal avec Thomas Chaussebourg, son complice et partenaire, pour des joutes autant physiques qu’intériorisées.

Dans le manège, un décor minimaliste –un canapé- ne veut surtout pas voler la vedette aux « deux comédiens », dont l’association symbiotique est accentué par un état brut : ici pas question de matérialisme circonstanciel synonyme de capitulation de l’animal, donc exit selle, mors, rênes, rapports étriqués dominant-dominé. Seuls comptent ces contacts renouvelés, ces approches fusionnelles, ces tentatives de capture de l’insoupçonnable, immortalisant par des courses folles, une virée aérienne, des phases de ralenti, ou de la non-vie apparente, la lutte avec ce qui nous assaille. « Je me sers du cheval comme d’une métaphore, c’est une bataille avec nos démons, la passion amoureuse. On essaie de la tuer, on n’y arrive pas, on fait la bagarre », confiait en aparté Thomas à l’issue de l’une des prestations de ce spectacle « Ma bête noire «, créé en 2011 et joué à Chalon dans la rue.

 

Façon de coller aux sabots de l’équidé ainsi qu’à l’opulente chevelure du danseur en grossissant le trait, l’album d’Alain Bashung « L’imprudence » sorti fin 2002, alourdit le climat ambiant par un désenchantement en adéquation avec la noirceur du chassé-croisé. Sans conteste de la belle ouvrage totalement dénuée d’asservissement ostensible, où  comportements furibonds, esquisse de fière sauvagerie, voisinent avec des instants de franche compréhension, d’une poésie infinie, d’une douceur et d’une tendresse rassérénantes. Ce qui constitue en somme, avec toute l’acuité qui préside à ce concert de sentiments, le sel de la vie. A consommer les yeux grands ouverts et l’esprit aux aguets.

                                                                           Michel Poiriault