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Info-chalon.com a lu "Merci pour ce moment" de Valérie Trierweiler

Info-chalon.com a lu "Merci pour ce moment" de Valérie Trierweiler

Inutile de présenter les personnages de ce récit signé par l’ex-compagne de François Hollande. « Merci pour ce moment », imprimé en secret en Allemagne par les éditions Les Arènes est sorti jeudi en France et déjà tout a été vendu. Au-delà de la polémique, « Merci pour ce moment » est un récit de 330 pages plaisant à lire, écrit avec fluidité, sans concession sinon au mélange des genres. Le sentiment d'info-chalon.com

On passe un bon moment à lire ce livre. La journaliste de Paris Match a le sens de l’écriture efficace, celui de la formule choc parfois. Pas la peine d’imaginer les personnages, on les connaît, observe et suit à la trace depuis plusieurs années. Le compagnon infidèle, la femme trompée, la compagne nouvelle trompée à son tour. Bref une histoire d’amour presque normale avec un début qui s’éternise sur plusieurs années, un milieu et une fin de non recevoir.

François + Valérie, 2005-2014. Deux cycles semblent s’éteindre avec ce livre : une histoire d’amour passionnelle, débutée dans un double adultère puis la Ve République avec sa présidentialisation du pouvoir politique en France. Deux impasses qui, logiquement, pour peu que l’amour entre deux êtres ou la constitution de 1958 soient logiques, se terminent violemment.

Quoiqu’on pense ou perçoive de l’ex Première dame, son témoignage est éclairant sur la conception de la vie de l’homme politique professionnel en quête de destin exceptionnel. Menteur, tricheur, jongleur avec les non-dits, peu courageux à reconnaitre les choses en face de la femme qu’il aime. Cela n‘est pas réservé au président de la République française… Mais cette duplicité récurrente, systématique, épuisante pour la narratrice est constitutive de l’accès à la fonction présidentielle que ce livre, (présenté dans les médias comme un brûlot, alors qu’il ne l’est pas), est réputé « désacraliser ». Au fil des anecdotes, alternant scènes du passé et d’aujourd’hui, (les dernières pages sont datées du 31 juillett 2014) on n’échappe pas à l’intimité de feu le couple présidentiel.

Valérie Trierweiler raconte sa version d’une histoire passionnelle qui l’a conduite dans les appartements de l’Elysée et les coulisses du pouvoir éxecutif. Elle a tout mélangé (profession, histoire d’amour, pouvoir) et ne sait pas où elle en est. La caste mediatico politique, qui glousse des off et des secrets d’alcôve entre journalistes politiques complaisants et élus de la République ne lui pardonne pas. Ni d’avoir vécu ce qu’elle a vécu, ni d’avoir raconté.

 Cette complicité tacite entre politiciens et journalistes politiques à la française explose à la faveur d’une blessure narcissique. Elle a été trompée, « humiliée devant la terre entière » écrit-elle rappelant le communiqué froid de l’Elysée annonçant la rupture après le vaudeville Gayet.

 Il était urgent de taire. Elle parle. Car au-delà de la couverture de la presse à scandale, d’un président en casque intégral dans la rue de sa maîtresse, Trierweiler règle ses comptes avec son ancien compagnon. Un ex qui l’abreuve de SMS (29 par jour parfois) pour qu’elle lui pardonne. Et revienne vers lui.

On a souvent l’impression d’une écriture thérapeutique. Les passages les plus intéressants du livre restent ceux où elle se raconte, de la ZUP d’Angers à la rédaction de l’hebdo du poids des mots et du choc des photos. Sa mère caissière, son père grand invalide de guerre. Comment elle a résisté des années à Hollande, tombé petit à petit amoureux d’elle. Comment elle lui a cédé. Aucune scène porno ni érotique dans le livre. Elle aurait pu en écrire… Elle se contente d’évoquer son ressenti, son malaise, son désarroi,  face à son amoureux qui change, qui n’écoute plus que lui-même ou sa bande après mai 2012. Elle ne le ménage pas, ne se ménage pas non plus, reconnaît ses torts. Assume tout  ce qu’elle veut bien raconter. Dresse le portrait d’un homme qu’elle a aimé, évoque les bons moments et les mauvais. Dit ce qu’elle pense du comportement de Le Foll, Bartolone, Aquilino Morelle l’ « homme aux souliers cirés ».

La vengeance, à défaut d’avoir de la classe, est stylée. C’est l’histoire d’une femme qui sort avec fracas et dégâts d’un amour passionnel. C’est aussi l’histoire de promesses faites et non honorées, ce qui explique en partie son succès public à mi quinquennat du « héros » évoqué. C’est aussi l’histoire d’une professionnelle de la plume qui s’est perdue dans le mélange des genres, en troquant son esprit critique et la distance nécessaire pour un plongeon sans parachute dans un monde dont elle semble avoir mesestimé la violence, la médiocrité comportementale et l’hypocrisie. C’est aussi pour reprendre les termes qu’elle emploie au sujet de Bartolone, pris en flagrant délit de mauvaise foi et de retournement de veste « un échantillon du comportement humain dans le vivier vipérin de la politique ». La politique, telle que beaucoup ne l’acceptent plus…



Florence GENESTIER



EXTRAITS CHOISIS

« Je me sens coupable. Il y a neuf ans, j’ai sacrifié ma famille pour un homme qui s’est débarrassé de moi à la première occasion. Si j’avais su résister à cet amour, mes enfants auraient eu une jeunesse anonyme et protégée. J’étais folle amoureuse, me voici folle de rage. Personne ou presque n’imaginait François président de la République. Pas même moi. J’ai le sentiment qu’il m’a tout volé. Presque dix ans de ma vie. »

« Qu’ai-je ressenti en pénétrant dans le jardin de l’Elysée par la porte Marigny ? Je ne me suis jamais vraiment autorisée à entrer par la cour d’honneur. Comme si, au fond de moi, je m’étais toujours sentie illégitime. J’y ai pourtant vécu vingt mois avec le président, dont je partageais officiellement la vie. »

Dans l’avion présidentiel qui les emmène aux Etats-Unis : « En dehors de Laurent Fabius, il ne faut pas être expert pour comprendre que la plupart des nouveaux ministres n’ont pas le niveau. Je suis affligée de ce que j’entends. Je les observe en silence, en me demandant comment tel ou tel a pu être nommé ministre. Equilibre de courant, équilibre de sexe, équilibre régional ou de parti. Peu sont là pour leur compétence »

2011 : « Son cercle d’amis s’est arrêtée à la promotion Voltaire. Hors de la politique point de salut. Personne n’a plus de valeur qu’un journaliste politique. Lorsqu’on m’interroge pour savoir si les journalistes politiques peuvent être jaloux de moi, je réponds que non, c’est l’inverse. Que moi, je suis jalouse d’eux. De la complicité qu’il partage avec nombre d’entre eux, de la fascination qu’ils exercent sur lui. J’en croise certains à la maison, venus conseiller le candidat »

« J’essaie de le suivre , comme son caniche, sans savoir encore que je finirai bientôt par devenir l’ombre de son chien avec une laisse trop courte »

Début 2011, une réunion à huit personnes pour la primaire du PS du candidat : « Je pense qu’à partir de ce jour, ils m’ont regardé d’un mauvais œil (les 4 plus proches amis politiques de Hollande) : J’ai osé défier cette bande de coqs qui rêvaient du pouvoir sans y être préparés »