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Info-chalon.com a lu pour vous "Imaginons…" de Pascal Canfin

Info-chalon.com a lu pour vous "Imaginons…" de Pascal Canfin

Pascal Canfin, le deuxième écologiste devenu ministre dans les gouvernements Ayrault a lui aussi écrit un livre. Cet ancien journaliste du mensuel Alternatives Economiques, plutôt qu’un témoignage plein d’affect, a choisi d’exposer ses idées à travers des dialogues, sans complaisance ni agressivité, avec six personnes aux parcours professionnels divers. L’exercice, qui privilégie l’échange sur le fond est plutôt réussi.

De l’ouvrière dans l’automobile syndiquée du Calvados au gestionnaire d’actifs dans un fonds d’investissements en pleine City de Londres, il n’y a qu’un pas. Si ! Leur point commun le plus direct, c’est Pascal Canfin, député européen écologiste élu en 2009 et ministre du Développement de juin 2012 à l’avènement de Manuel Valls comme premier Ministre. L’homme, malgré l’exercice de l’Etat,  reste discret mais plutôt bosseur, à défaut d’être très connu du grand public.  La petite histoire voudrait que Cécile Duflot l’ait présenté à François Hollande, soucieux des équilibres de courants internes dans la composition du gouvernement jusque chez ses partenaires, comme proche de Daniel Cohn-Bendit et membre de sa tendance. Il n‘en était rien. La confusion avec Yannick Jadot, lui aussi député européen écologiste et féru de développement était faite. Vraie ou fausse, l’anecdote se raconte toujours. 

 

Le dialogue avec un tiers fait partie des exercices traditionnels des livres politiques. Dans « Imaginons… », la succession de dialogues entre l’écologiste convaincu qui profite des échanges pour valoriser son propre bilan au Parlement Européen comme au gouvernement permet de balayer des secteurs aussi divers que la finance, l’industrie, la santé, les pme, l’emploi et le dynamisme associatif des quartiers populaires. La variété  et l’écoute partagée font le sel du livre. L’expérience d’élu et de ministre du fils de ch’tis se mêle à ces récits de vie. 

 

L’idée de faire appel à ces témoins du quotidien, à ces citoyens engagés (ou pas) est plaisante et intelligente. Les interlocuteurs de Pascal Canfin se posent des questions sur leurs pratiques professionnelles, l’avenir de leur secteur d’activité et leur rôle dans la société. Ils ne manquent ni d’idées ni de répartie. Ce sont des professionnels expérimentés, qui savent analyser leurs parcours et le cadre dans lequel ils évoluent. Au fil des échanges, Pascal Canfin distille bien évidemment des propositions pour une société écologiste idéale, compte les combats perdus ou pas encore gagnés, avance des chiffres, tape sur des lobbies, donne des exemples concrets. Ses interlocuteurs font part de leur fatigue, de leurs espoirs, de leurs attentes de leurs erreurs et des pistes d’évolution qui leur tiennent à cœur. 

 

Bien sûr, son livre se lit bien moins vite qu’une biographie de complaisance ou qu’un témoignage de circonstance livré dans un style bâclé pour la rentrée littéraire. On a même la surprise de se précipiter sur le dictionnaire quelquefois pour vérifier le sens exact de quelques mots. Son dialogue avec le gestionnaire d’actifs de la City est contradictoire, parfois nerveux. Le dialogue est possible. L’écoute mutuelle aussi. C’est aussi cet aspect-là, très humain,  qui rend ce livre pertinent. Un livre qui cherche à donner du sens à l’action citoyenne et politique et à l’optimisme, au-delà de la simple promotion de l’auteur. 

 

Florence Genestier

 

Pascal Canfin, « Imaginons… Dialogues avec une ouvrière, un patron de PME, une infirmière, un financier »,  Les Petits Matins, 10 euros.

 

EXTRAITS

 

« Je ne suis donc pas né dans les beaux quartiers de Paris et j’ai parfois touché du doigt le fait que je n’avais pas les codes de cette caste supérieure qui nous gouverne. A de nombreuses occasions, j’ai senti le subtil mépris d’un ambassadeur ou l’ironie à peine voilée d’un hiérarque du Quai d’Orsay »

 

« Mes équipes participent aux réunions interministérielles sur le sujet [soutien à Barack Obama pour interdire le financement public à l’export de la construction de centrales à charbon ne respectant pas les meilleurs standards environnementaux] et constatent que les conseillers de Bercy ont comme seul argumentaire… les notes signées par Alstom. Aucune analyse propre, pas de vision stratégique. »

 

« Cet ouvrage n’est pas un échange entre écologistes convaincus. Cela n’aurait aucun intérêt. »