Livres
Info-chalon.com a lu pour vous « Et si on aimait la France » de Bernard Maris
Publié le 18 Mai 2015 à 11h07
Être ou ne pas être Charlie ? A l’heure où le tragique destin des collaborateurs historiques de Charlie Hebdo le 7 janvier dernier, agite encore sans fin et un peu lamentablement le landernau médiatico-politique sur les réseaux sociaux et les plateaux de télévision, on ne saurait trop vous recommander, nous, depuis les rives de la Saône de lire, au calme et loin du bruit, le dernier opus de Bernard Maris.
Cet économiste alter et attachant a envoyé d’un clic les pages de « Si on aimait la France » le 2 janvier 2015 à son éditeur. Le 7 janvier, comme 11 autres personnes, il a été assassiné par les frères Kouachi dans les locaux de l’hebdomadaire satirique.
Cent quarante pages, qui se lisent vite et bien. Comble pour un auteur qui nous a causé tant de chagrin collectif par sa disparition brutale, Bernard Maris nous envoie d’outre-tombe une joie et une vision du pays de bon aloi. Un peu nostalgique, qui fleure bon le souvenir d’enfance et la reconnaissance due aux aînés qui nous ont permis de devenir nous-mêmes. A l’instituteur de campagne qui lui donna envie de lire, à André Breton parce que c’est André Breton, aux historiens, même de droite, qui ont forgé sa culture et sa curiosité, à Michel Houellebecq, qui par une remarque avec laquelle Bernard Maris était en désaccord lui a donné l’idée de ce livre. A tout et son contraire, qui ont aiguisé son intelligence humaniste. « Charmant, rieur, incisif, convaincant », tel était l’économiste raconte son éditeur, au-delà du choc.
C’est une curiosité sans bornes, contradictoire, éclectique et pas dogmatique que nous lègue l’ancien amoureux de la fille de Maurice Genevoix. Car Bernard Maris était d’une culture tout azimut revigorante. Etrange impression, de lire le bien que Maris dit de l’ouvrage « Le mystère français » d’Emmanuel Todd, intellectuel et démographe associé à Hervé Le Bras. Emmanuel Todd a récemment défrayé la chronique en signant un essai contesté et contestable dénonçant ce vaste flou de l’esprit Charlie du 11 janvier. Loin - et pour cause- de ce tumulte noiseux, d’une façon savante et posée, Bernard Maris évoque la France urbaine et périurbaine, la République, la galanterie et nous apprend comme d’habitude, des choses loin des sentiers battus et pousse à réfléchir autrement. Bernard Maris aimait la France sans être ni réactionnaire, ni plaintif, ni égocentré. Avec un optimisme partagé et une joie qui pèsent bien plus lourd dans notre conscience collective que la dépressive méchanceté des déclinistes. Merci Bernard.
Florence Genestier
Bernard Maris, « Et si on aimait la France », Grasset, avril 2015. 15 euros.
EXTRAITS
« Voilà la raison de ce livre : depuis peu, le french bashing me ravit, m’exalte ; je me sens bien. Je relève la tête et je souris ; et mes traits se durcissent, comme ces prisonniers giflés avant l’exécution. Tremblez, ennemis ! »
« Que sera la France dans deux mille ans ? Eût-on demandé à Alexandre franchissant l’Hydapse, dans le Pakistan moderne : « Que sera ta Grèce dans deux mille ans ? », il eût répondu : « Le monde. » A tort ? La Grèce nous lègue la philosophie, les sciences, la médecine, la démocratie. Homère et Eschyle en prime. Pas mal. C’est un petit pays, méprisé par d’autres au nom de l’argent (par l’Allemagne, par exemple). Et pourtant… Nous avons tant de dettes vis-à-vis de la Grèce endettée »
« Guy Debord, grand lecteur de Retz, était attristé de voir le bon vin, frelaté par la chimie agro-alimentaire, disparaître avant les ivrognes- dont il était. »
« Superlativement intelligente, telle me semble la France, avec la sottise de son génie ou le génie de sa vanité candide ».
« S’il existe un « génie national », il est dans la résolution de cet oxymore : un pays anthropologiquement des plus divers, géographiquement divers, climatiquement divers (…) et tout entier tourné vers l’unité ».
« Habitant le centre du monde, dans ce cadeau des dieux entre le monde de la Méditerranée et celui des Barbares, comment les Français n‘auraient-ils pas été condamnés à l’exceptionnel et à l’universel ? Quelle autre dimension que celle de l’Univers pour accueillir leurs idées, leur rayonnement et tout simplement leur génie ? Chartres, Versailles, la Révolution, la République et les droits de l’homme ne se sont-ils pas inscrits il y a dix mille ans dans ce pays tempéré, équilibré, divers et serein ? »
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