Côte chalonnnaise

Carnets d’un voyage en « République autonome et éphémère des Festiculles »

Carnets d’un voyage en « République autonome et éphémère des Festiculles »

Cette année, c'était la 10ème édition des Festiculles, à Culles-les-Roches. Info-Chalon ne pouvait pas manquer l’événement. Carnets d'un voyage en "République autonome et éphémère des Festiculles" et retour en images.

Samedi 16 juillet. 20 h 14.

Arrivée au fin fond de presque nulle part, dans les entrailles de la côte chalonnaise, à Culles-les-Roche, pour un court séjour en « République autonome et éphémère des Festiculles ». Pas de réseau téléphonique, pas de chats, même pas de corbeaux. Je me gare dans un champ, entre deux meules de foin. Au loin, on entend un vacarme. Un vacarme étrangement mélodieux.

Samedi 16 juillet. 20 h 28.

Devant la caravane qui sert d’accueil, la file d’attente est déjà longue. Rasé de près, je détonne un peu avec ma chemise à manches longues bien repassée, mais on m’accueille les bras ouverts, le sourire aux lèvres. On m’explique qu’ici l’euro n’a pas court, qu’il faut changer ceux que j’ai en « culasses », la monnaie d’une sorte de République autonome et éphémère : celle des Festicules. Je passe au bureau de change, une autre caravane. « Pour un euro, tu as 1000 culasses », me dit le taulier. Quand je le quitte, j’ai l’impression d’être devenu riche tellement la liasse qu’il m’a remise est volumineuse.

Samedi 16 juillet. 20 h 39.

Autorisé à pénétrer en « République autonome et éphémère des Festiculles », le dépaysement n’est pas à proprement parler total, néanmoins tu te sens un peu comme l’Alice de Lewis Carroll, quand celle-ci passe de l’autre côté du miroir, pour se retrouver au pays des merveilles, même si tu ne rencontres pas le chat du Cheshire et qu’il n’y a aucun lapin blanc à suivre. De toute façon, le temps que tu te fasses la réflexion, tu es déjà happé. En effet, Les « Pom Pom Galli », des Bourguignons basés à Lyon et qui donnent leur tout premier concert ce soir, montent sur scène. Leur son est bon, puissant. Le déhanché de l’homme survolté qui se trouve derrière les claviers est une invitation à lâcher prise. Le public, qui s’étoffe à vue d’œil, ne s’y trompe d’ailleurs pas, qui rapplique et commence à se trémousser. C’est parti pour une bonne heure d’un rock comme on n’en entend pas assez sur les ondes.

(Pom Pom Galli)

Samedi 16 juillet. 21 h 45.

Les « Pom Pom Galli » ont cédé la place aux « Dumdum Sisters ». Les « Dumdum Sisters », ce sont deux sœurs, Roxanne, prénommée ainsi en référence à la célèbre chanson de The Police, et Carole, que ses parents ont appelée comme ça pour rendre hommage à un titre de Chuck Berry. Pour les « Dumdum Sisters », c’est aussi une première ce soir. Grâce aux Festiculles, elles réalisent un rêve, ainsi que celui de leur père, qui les a baignées dans la musique depuis leur plus jeune âge et observe de loin.

(Dumdum Sisters)

Samedi 16 juillet. 21 h 53.

J’ai la chance de tomber sur Benoît, l’ancien président de l’association qui organise ce Festival, remplacé depuis par Thibaut. Il me dit tout, ou presque, sur les 60 bénévoles qui, venus de toute la France, à l’instar de Julia, une Rennaise, permettent à la fête de battre son plein. Il n’est pas peu fier de rappeler que Les Festiculles ont maintenant dix ans. Il m’apprend qu’hier soir, vendredi, 600 personnes étaient là et que cet après-midi, pour les arts de la rue sur la place du village, entre 250 et 300 personnes se sont déplacée. Une fois obtenus ces renseignements de type policier, on cause sérieux. Benoît m’explique la philosophie du Festival :

- « Nous, ce qu’on veut, c’est faire découvrir de la musique qu’on n’entend pas ailleurs, à des gens qui, en milieu plutôt rural, n’ont pas l’occasion de l’écouter. Surtout de la musique indépendante. On cherche aussi à donner la possibilité à des groupes qui débutent, comme par exemple « Pom Pom Galli », de se faire connaître. Sinon, si tu regardes bien, c’est un festival assez familial. Les gens viennent en famille, avec leurs enfants. Ils viennent de toute la France, mais aussi d’à côté, de Culles-les-Roches. D’ailleurs, notre festivalier le plus fidèle, c’est René, l’agriculteur qui nous prête son champ, celui où on est. Tous ces mondes se mélangent bien. Y a pas de relous…

- Effectivement, ça m’a l’air convivial. Dis-moi, j’ai vu qu’il y avait un stand « prévention » un peu plus loin… Vous prévenez quels risques ?

- On prévient tous types de risques liés à la consommation de drogues dures et douces. On prévient aussi ceux liés aux MST, comme le SIDA. Les risques auditifs, aussi. On distribue des bouchons d’oreille. Les bénévoles qui tiennent ce stand ont été formés par Centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues - le CAARUD – de Chalon-sur-Saône. Grâce à eux, on peut distribuer des kits pour que tout soit clean."

(Benoît)

(à g. : Julia, de Rennes)

Samedi 16 juillet. 22 h 25.

Après une déambulation au milieu des festivaliers, je me plante devant « Ropoporose »*. Ils sont deux. Un gars, une fille. Mais rien à voir avec Chouchou et Loulou. Ils sont frère et soeur. Ils sont littéralement en transe, la fille surtout. Comme Tom Sawyer, elle n’est guère plus haute que trois pommes. Son corps paraît fragile. On dirait que la musique qu’elle produit la traverse de part en part. Je n’assiste pas à un concert de rock là, mais à une expérience mystique inoubliable. Pour moi, c’est la découverte musicale de la nuit. Je serais incapable de qualifier la nature de ce que ces deux-là jouent et je m’en fous. J’adore. Je voudrais qu’ils jouent encore des heures comme ça. « Malheureusement », il y a une programmation et ils doivent céder la place à « Bagarre », un groupe au son original lui aussi et scéniquement bien rôdé. La chanteuse, au look de Domina soft, est un phénomène à elle toute seule.

(Pauline, de Ropoporose)

(Bagarre)

 Dimanche 17 juillet. 0 h 02.

Les bénévoles ouvrent les portes de l’espace où va se produire une expérience musicale intense, qui va me laisser à moitié sourd pendant plus de trois heures : le concert en quadriphonie assuré par « Les colonies de vacances », quatre groupes de rock, situés sur quatre scènes distinctes et jouant en même temps. La foule est au milieu, cernée par des guitaristes et des batteurs qui pilonnent. Elle prend le son de tous les bouts, l’absorbe. Ton corps est mitraillé. Inoubliable mais je me retire avant la fin pour ne pas être obligé d’aller chez Audika plus tôt que prévu et, aussi, pour éviter de finir en descente de lit, piétiné par une masse qui se lâche complètement. J’ai lu la Psychologie des foules de Gustave Le Bon. Là, pour celui qui ne s’est pas entraîné avant, l’instant devient critique.

(L'un des quatres groupes de "Colonies de vancances")

Dimanche 17 juillet. 2 h 16.

Je quitte la « République autonome et éphémère des Festiculles » et rejoins ma voiture. Elle n’a pas bougé. Au loin, ce qui reste de mes tympans distingue toujours un vacarme. Un vacarme toujours aussi mélodieux.

S.P.A.B.

*Pour découvrir Ropoporose :

www.ropoporose.com