Culture

Étéâtrales de la Cour Basse : Théo et Clotilde n’ont pas laissé la marque du prix sur le cadeau qu’ils ont fait au public

Étéâtrales de la Cour Basse : Théo et Clotilde n’ont pas laissé la marque du prix sur le cadeau qu’ils ont fait au public

Ce jeudi, commençait le festival des étéâtrales de la Cour de Basse de Lux, avec une compagnie venue du Doubs : Oxfam Productions. Retour sur son spectacle intutilé « La boîte à musique (en)chantée ».

A s’en tenir à l’écume des choses, le spectacle d’Oxfam Productions, La boîte à musique (en)chantée, est un excellent récital théâtralisé de reprises talentueuses de grands standards de la chanson française (Brel, Brassens, Barbara, Ferré, Piaf, Moustaki et bien d’autres encore). D’autant plus talentueuses que celles-ci sont interprétés avec des instruments finalement peu habituels de nos jours – la harpe et le xylophone par exemple -, chantées par une femme à la voix d’or et dont la présence scénique ne peut que frapper les sensibilités, même les plus inhibées. Et, une fois cela dit, mon article pourrait s’arrêter là.

Sauf que, comme dans le « vitriol » au goût de pomme sur lequel se risquent Bernard Blier, Lino Ventura ou Francis Blanche dans Les Tontons Flingueurs de Georges Lautner, « y autre chose ». Ce qui n’est, en un sens, pas si surprenant que cela, un spectacle étant généralement quelque chose de construit, pour distiller de façon indirecte un discours auquel tiennent les artistes qui le conçoivent et, souvent, l’interprètent. Autrement dit : une façon subtile de délivrer un message sans que celui-ci n’apparaisse trop visiblement, étant entendu qu’un spectacle ou qu’« un livre où il y a des théories [sont] comme un objet sur lequel on laisse la marque du prix. » (Marcel Proust, Le temps retrouvé, dernier tome d’A la recherche du temps perdu, 1927, posthume). Et ceci, qui n’est en définitive rien moins qu’une sorte de stratégie, l’écrivain George Orwell, après l’avoir théorisé pour la littérature, l’aurait probablement présentée comme « un effort pour échapper à l’incommunicabilité par des moyens détournés », pour attaquer « de flanc contre des positions qui résistent aux offensives frontales » ("New Words", 1940).

Ceci considéré, qu’y a-t-il d’ « autre », dans ce spectacle en apparence purement musical ? C’est le thème commun à nombre des titres repris jeudi soir qui peut mettre sur la piste*, il y a comme une invitation  à méditer, en chanson, sur l’amour et les relations amoureuses, la difficulté de ne plus faire qu’une, ainsi que sur toute une cohorte de sujets connexes : rencontre, coup de foudre, adultère, trahison, sexualité (plus ou moins débridée), complicité, délitement du couple avec le temps, cécité (de l'amour qui rend aveugle, du moins un peu c... sur les bords) ou, encore, angoisse de se lier à quelqu’un pour, comme on dit, « faire un bout de chemin ensemble ». Une impression renforcée par la mise en scène, qui fait évoluer un couple (Théo et Clotilde) lui-même confronté à la difficulté de ne faire qu’un tout en étant constitué de deux individualités aux aspirations contradictoires, cherchant à imposer leur volonté au détriment de celle qui leur fait face.

Y at-il encore autre chose ? Probablement, le programme du concert étant susceptible de varier en fonction de votes « démocratiques » du public en cours de soirée - vous comprendrez en y assistant. Une virtualité laissant à penser qu’il n’y a pas un mais plusieurs spectacles en un, pouvant se déployer en fonction du public présent à un moment « t ».

Cela mérite-t-il d’être absolument vu ? Si les lignes qui précèdent sont une façon détournée de vous inciter à ne pas rater ce spectacle dès que l’opportunité vous sera offerte d’y assister, parlons net : oui, il faut le voir. Comme il faut sans doute découvrir les troublantes et magnifiques compositions de Clotilde Moulin, qu’info-chalon.com s’est procurées hier, en acquérant plusieurs disques : « Le mâle nécessaire » et « Happiness ».

 

Samuel Bon

(Texte et photos)

*Notamment : L’orage (Georges Brassens), La bohème (Charles Aznavour), Les bêtises (Sabine Paturel), Quelques mots d’amour (Michel Berger), Ma liberté (Georges Moustaki), La chanson des vieux amants (Jacques Brel), Tombé du ciel (Jacques Higelin), Avec le temps (Léo Ferré), Fais-moi mal, Johnny (Boris Vian), Fuir le bonheur (Serge Gainsbourg), La vie en rose (Edith Piaf).