Saint-Rémy

Les boites à lire, une belle aventure du partage à Saint-Rémy

Les boites à lire, une belle aventure du partage à Saint-Rémy

Elles occupent le décor urbain avec intelligence et générosité : les boites à lire sont devenues des outils de partage incontournables. Seule condition : que les Villes soutiennent l’effort participatif de ses habitants. C’est le cas à Saint-Rémy où ces petites bibliothèques de rue fleurissent partout. Pour Info-chalon.com, Pascale Barbier, San-rémoise très investie, raconte cette aventure.

Aimez-vous partager vos lectures ? Et inversement, aimez-vous vous laisser surprendre par des lectures offertes ? Vos livres menacent la solidité de vos étagères et vous ne savez qu’en faire ? Une idée aussi simple que géniale : donnez-leur une seconde vie ! Simple, parce qu’il vous suffit de repérer une boîte à lire et d’y déposer vos dons : romans, ouvrages pratiques, magazines, BD, livres jeunesse, tout est matière à apprendre et s’élever. Remerciez-vous, vous ferez des heureux : voisins, lecteurs assidus ou curieux. Génial, parce que vous pouvez butiner, emprunter, garder ou remettre, le seul dénominateur étant commun est le partage, la gratuité et le respect de cette belle solidarité. Un geste hautement citoyen !

À Saint-Rémy, 1 boite à lire pour 1000 habitants

Ce chiffre — qui pourrait faire pâlir d’envie Chalon-sur-Saône — est le témoin de deux constats : la vitalité des habitants qui s’impliquent dans une action solidaire et le choix politique que fait la Ville de mettre le livre au cœur de la cité.

Comment est née l’idée ? L’initiative revient à Pascale Barbier qui, dès sa retraite en 2015, décide de faire du vide dans sa maison : « Mes livres, je ne pouvais me résoudre à les jeter : un livre, c’est précieux pour moi. » De là lui est venue l’idée d’installer une boite à livres près de sa maison. Une demande personnelle que Florence Plissonnier, maire de Saint-Rémy, n’hésite pas à transformer en projet municipal. C’est ainsi que sont nées, de 2016 à 2019, les 6 boîtes à lire de Saint-Rémy : 6 700 habitants pour 6 bibliothèques de rue. Un record méritoire/plein d’espoir.

Où trouver les boites à lire ? Il est regrettable que l’information ne figure pas sur le site de la mairie (ni pour Chalon), elle reste difficile à trouver, c’est pourquoi nous les répertorions en fin d’article, avec une page Facebook des actualités des boîtes à lire.

Fonction des boites à lire

À Saint-Rémy, leur aspect et leur dénomination diffèrent selon l’emplacement (Abri à lire, Cabane à lire…) mais le fonctionnement et les valeurs sont identiques. Orchestrées par Pascale Barbier — lectrice assidue depuis son plus jeune âge, passionnée par l’histoire et le patrimoine humain de sa commune — le projet des boites à lire affiche clairement son état d’esprit : «Prenez, lisez, emportez, déposez des livres, quand vous voulez, comme vous voulez. Ce système de gratuité et d’échange est fondé sur le civisme et le partage. Prenez-en soin… » Il se traduit par ce joli mot : liberté. Et finalement, c’est ce qui fait toute la beauté des bibliothèques de rue. Mais comme toute liberté est vulnérable, il est nécessaire d’en prendre soin, voire de les préserver. C’est le rôle du veilleur : à chaque boite à lire est attachée une bonne volonté, qui se charge de ranger et de trier son contenu. Ici, le prosélytisme n’a pas sa place. Les dépôts indésirables sont écartés. « Il arrive qu’on retrouve des brochures des témoins de Jéhovah, des publicités ou, pendant les attentats, des sortes de prières à Allah. Nous les enlevons bien sûr, ce n’est pas l’état d’esprit des boites à lire. »

Et ces valeurs, quelles sont-elles ? Pascale Barbier les résume en quelques mots : Partage, gratuité, réciprocité, lien social et intergénérationnel, civisme. « Le lien se crée vraiment. Quand la météo est clémente, les gens discutent autour des boites à lire. Ils échangent leurs coups de cœur. Je me souviens avoir rencontré un SDF à Chalon, vers la boite à lire du parking Lapray, qui cherchait des livres. Nous avons discuté, et je peux vous dire qu’il sélectionnait ses livres avec un vrai goût d’amateur. Quant au civisme, on demande aux gens de respecter le lieu, l’état d’esprit, les livres, comme le font ceux qui déposent leurs dons.

Pillage et vandalisme : qui veut tuer les boites à livres ?

Les pilleurs sont peu nombreux, mais végètent dans toutes les villes. “Je me sers (c’est gratis), je prends tout (je m’en fous des autres) et je revends : je suis le plus malin !” : tels sont, je suppose, les quelques mots qui fondent leurs actes. On tombera d’accord sur la mesquinerie du procédé, qui ne retiendra pas davantage notre attention.

Dans un monde idéal, où les habitants ne cèdent pas si facilement aux bassesses de la nature humaine, les livres — et plus largement la culture — s’offrent au plus grand nombre.

À Saint-Rémy, le vandalisme est rarissime, il est affaire de mômerie. Mieux encore, Pascale Barbier raconte cette anecdote charmante : « Pour amorcer le projet conduit par la municipalité, je me suis rendue pendant 4 mois au marché, sur la place de la mairie. J’arrivais avec mes coffres de chantier remplis de mes livres. Les enfants du quartier s’étonnaient de leur gratuité ; je leur expliquais alors le projet à venir. Le jour de l’inauguration, les enfants ont été invités et m’ont dit : ‘Vous allez voir, madame, on va la surveiller votre boite, personne ne va l’abimer.’

Au Creusot, en revanche, une boite à lire a été brûlée récemment. Et dans d’autres villes. Faut-il chercher du sens cet autodafé moderne ? À quoi s’attaque-t-on ? À un espace de liberté, de partage, de culture. Est-ce bêtise ou volonté d’obscurantisme ? La question est posée.

Conjuguez implication des habitants et respect de l’environnement

L’une des valeurs chères à la commune, c’est le respect de l’environnement. Toutes ces boites à lire, hormis celle de la piscine, sont réalisées grâce à deux composantes : le recyclage (faire du neuf avec du vieux) et la participation des habitants. Pour exemple, la Cabane à lire est un ancien vestiaire industriel, repeint avec un pot de peinture restant… rose ! L’Arbre à lire — une armoire électrique recouverte d’écorce — est un projet du conseil municipal des jeunes. Le dernier né, les nichoirs à lire fixés aux arbres, ont été installés lors d’une rencontre des associations san-rémoises, une occasion aussi de réunir les bonnes volontés de 50 associations.

Une belle réussite

Quand les efforts participatifs sont couronnés d’un franc succès, ils poursuivent sur leur belle dynamique. ‘Ça marche tellement bien qu’une 7e boite à lire est en projet, confie Pascale Barbier, ensuite l’ensemble de la commune sera dotée de ces précieux espaces de partage.  Mais on manque de livres pour enfants.’

Autre projet en étude : rénover L’Abri à lire, dont la fresque colorée a été endommagée par les intempéries. Mme Plissonnier, vice-présidente de la culture au Grand Chalon, a retenu le projet de Gallane, étudiante en 5e année à l’EMA. Son concept : habiller l’Abri comme un salon des années 70, inspiré par des photos des intérieurs de San-Rémois.

Jostein Gaarder, écrivain et philosophe norvégien, a écrit une métaphore qui fait écho à cette idée de rénovation : ‘Lire, c’est meubler votre appartement intérieur.’

Une anecdote en rose. Parmi les dépôts indésirables, on trouve parfois des gestes de bonne intention. Témoin, cette femme qui entreposait jouets et vêtements pour enfant dans une boite à lire, dont l’espace manque pour accueillir des dons disparates. La municipalité s’est inspirée de ce geste louable pour construire l’Armoire à jouets (rose), qui est ouverte sur la place de la mairie pendant les festivités de Noël. Dans d’autres villes, la logique de partage solidaire s’étend à d’autres échanges, dont les produits alimentaires en conserve. Une fois n’est pas coutume, finissons par une phrase lue ici ou là, je ne sais où, mais qui pourrait figurer partout : ‘Un enfant qui lit sera un adulte qui pense’.

Nathalie DUNAND

  

Les 6 boîtes à lire de Saint-Rémy, dans leur ordre chronologique de création :

  1. Cabane à lire (avril 2016) : place Jean Jaurès (mairie)
  2. Cabine à lire (été 2016) : piscine, pendant ses dates d’ouverture
  3. Abri à lire (2017) : Pont Paron
  4. Nichoirs à lire (2017) : rue de la Bergerie, quartier Cortelin
  5. Arbre à lire (2018) : place du Carcan
  6. Nichoirs à lire suspendus (2019) : parc Comtesse Keller, rue Auguste Martin

 

Page FB tenue par pascale Barbier sur l’actualité des boites à lire :

https://www.facebook.com/Le-ptit-coffre-%C3%A0-livres-1682967278645624/