Chalon sur Saône

Emmanuel Breton, nouveau commissaire de Chalon-sur-Saône - « Des choses vont changer »

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 20 Septembre 2021 à 10h10

Emmanuel Breton, nouveau commissaire de Chalon-sur-Saône  - « Des choses vont changer »

Le commissaire Breton succède à Bertrand Pic à la tête du commissariat de Chalon sur Saône, soit la plus grosse circonscription de sécurité publique du département de Saône-et-Loire.

Emmanuel Breton – qui est bourguignon - nous a reçu pour parler de son parcours, de sa prise de poste, de l’importance des lignes de partage bien posées.

« Le lycée où j’ai passé le bac est en train d’être détruit, c’est le lycée Jean Jaurès, au Creusot. Ensuite j’ai fait des études de droit à la faculté de Dijon. » Emmanuel Breton suit une filière droit public-sciences politiques. Arrivé en maîtrise (le M1 actuel), il passe et réussit le concours de l’école qui forme les officiers de police. Il débutera dans la police judiciaire parisienne, à la brigade financière (à l’époque encore logée rue du Château des Rentiers, dans le 13ème, d’où son surnom de « château des rentiers »), puis à la répression du banditisme, « le fameux ‘36’ ». Ensuite il part 5 ans à la Réunion, y travaille à la sécurité publique, revient en métropole, fait un passage syndical, et devient commissaire de police.

« Chacun son boulot, mais que chacun le fasse ! »

Premier poste à Vienne, second poste à Vénissieux-Saint-Fons-Feyzin, poste formateur s’il en est. Entre la densité de population au sud-ouest de Lyon, et la concentration de formes de délinquance où les trafics de stupéfiants sont plutôt costauds, il y applique des méthodes décidées, offensives. Le 2 août dernier il a pris ses fonctions à Chalon-sur-Saône, et depuis a rencontré tous les interlocuteurs avec lesquels il travaillera. La question du travail s’arrime chez ce commissaire à des bases simples et vives. D’abord « la ligne » : « J’ai travaillé à Vénissieux. Les pires voyous comprennent bien le binaire : c’est ‘oui’ ou c’est ‘non’. On reste toujours dans le cadre et on ne discute pas à l’infini, sinon tout devient ingérable. » Ensuite, on bouge : « La police se retrouve souvent à gérer les problèmes des autres. Il n’y a aucune raison à cela : chacun son boulot, mais que chacun le fasse ! C’est à cette condition qu’on se donne de vrais moyens de réussir. »

« Travailler dans le sens d’un décloisonnement institutionnel »

Emmanuel Breton dit avoir trouvé à Chalon un commissariat « investi, engagé ». Il estime que l’implication réelle de ses agents et de ses enquêteurs demande une organisation qui rende justice à leur sens du devoir, qui reste au service de la population chalonnaise. « On est mobilisé. Je suis venu pour assurer au mieux la sécurité du quotidien, et, pour ce faire, je vais travailler dans le sens d’un décloisonnement institutionnel, autour de ce qu’on appelle le secret partagé. Car la sécurité, c’est l’affaire de tous, chacun doit faire sa part : on doit sortir des carcans administratifs, faire tomber des murs, que le travail des uns et des autres aboutisse à améliorer la situation collective, on ne peut pas se contenter de rester dans son coin. » Efficacité, simplicité et respect pour la police nationale, qui n’est pas ce sur quoi chacun peut s’essuyer les pieds, s’il faut le répéter, le commissaire s’en chargera. 

Être attentif aux signaux faibles

« On veut ouvrir les murs. Mon travail me contraint à toujours trouver un équilibre entre le pan judiciaire et le pan sécurité publique. On doit anticiper. Par exemple, la prévention de la délinquance, ce n’est pas le travail de la police, mais évidemment on y contribue. Chaque intervention peut être l’occasion de relever ce qu’on appelle des signaux faibles. Par exemple, un petit de 4 ans qui est devant la télé au milieu de la nuit. Je veux que tout cela circule, qu’on mutualise les informations, cela permet un maillage plus serré. » Le commissaire est convaincu qu’un déficit d’instruction civique et d’éducation aux règles de sécurité collective aggrave les choses, et que la collectivité (dont la police nationale est partie prenante mais qui, pas davantage que la justice n’est responsable des problèmes sociétaux, ndla) doit mener sans relâche un travail pédagogique, dont la presse pourrait (devrait) s’emparer elle aussi.

« Toute cette éducation aux règles de sécurité collective n’est pas faite »

Echanger avec Emmanuel Breton c’est revenir aux fondamentaux qui structurent la vie en société. Or comme aucune autre vie n’est possible, sauf à en découdre toute sa vie avec les institutions qui veillent au respect des règles, alors éduquer est la seule réponse intelligente et digne possible. Pourquoi déclenche-t-on une sirène le premier mercredi de chaque mois ? Que signifie une écharpe tricolore ? A quoi servent des institutions ? Pourquoi est-il préférable de travailler que pas ? … Apprendre est nécessaire, car l’ignorance laisse dépendant et la dépendance ne permet pas à un individu de prendre une place à la fois pour son propre compte et en apportant du bon à la vie en commun. (Les réseaux de trafic de stups illustrent à merveille le piège qui attire tant de jeunes : de l’argent sans avoir à se former, mais une existence pieds et poings liés à l’arbitraire et à la violence de leurs chefs. Il faut assister à des audiences de jugement, c’est très instructif. Ndla) « Toute cette éducation aux règles de sécurité collective, et à ce qui fonde l’organisation de la vie publique, n’est pas faite », insiste le policier.

« C’est mon métier, de veiller à ce que la limite individuelle respecte celle du collectif »

Le ministre de l’Intérieur avait annoncé 16 effectifs supplémentaires pour le commissariat de Chalon, c’est chose faite. « J’ai ventilé le personnel pour renforcer à la fois l’unité de voie publique et le service investigation. Nous devons traiter les dossiers en souffrance pour nous rapprocher du temps réel. » Sa doctrine : « Je dis ce que je fais, je fais ce que je dis. » Vu qu’il prend en main une structure qui tient la route, il estime n’avoir plus que « des problèmes de riche », pour « infléchir des modes de fonctionnement vers plus de souplesse et d’efficacité ». Pour le reste, la ligne de partage est simple : il y a ce qui est autorisé et ce qui est interdit, à l’extérieur du commissariat comme à l’intérieur. « C’est mon métier, de veiller à ce que la limite individuelle respecte celle du collectif. » Le commissaire Breton arrive avec l’énergie et la volonté de réveiller ce qui doit l’être. « Des choses vont changer. »

Propos recueillis par Florence Saint-Arroman