Faits divers

Une femme jugée pour violences sur conjoint

Une femme jugée pour violences sur conjoint

« Comme le tribunal l’estime, cette relation est toxique. » Sanglots vifs. « Si vous respectez bien toutes les obligations, ces 6 mois de prison seront non avenus dans 2 ans. » Entre deux sanglots : « Je m’en fous. »

A la barre, ce jeudi 4 mai, madame. Une femme tendue d’une quarantaine d’années.  Une audience tendue, également, du fait des propos de madame, souvent confuse, avec un débit de paroles élevé, qui décrit une situation d’abord « toxique », du fait de monsieur comme de madame, mais qui glisse ensuite vers les mentions de comportements violents, abusifs, humiliants, de la part de monsieur. Il y a une chose sur laquelle elle ne peut pas mentir : c’est sur sa grande nervosité et tous ces mots qui se bousculent au portillon pour partir dans un sens puis dans un autre. 

Ils étaient ensemble depuis 3 ans mais sans logement commun. « On s’est rencontrés par le biais d’internet, alors on était totalement différents, on n’avait rien en commun. » La prévenue semble le regretter et pourtant : « Totalement différents », internet ou pas, ben oui, c’est forcément comme ça, et c’est toujours comme ça. 


Le débit mitraillette (elle fait mieux que la présidente qui pourtant excelle dans le haut débit, ndla) s’emballe parfois. Elle charge encore monsieur : « il me mentait », « il me prenait mon argent pour l’alcool », « j’avais honte devant mon fils de sortir avec un homme qui avait fait de la prison. Mais je l’aime. »

Elle s’est construit un récit 

Elle dit aussi qu’en 2020 « il est allé prison » pour des violences sur elle. La présidente Caporali la reprend : « C’était un rappel à la loi, il n’est pas allé en prison. » Madame Saenz-Cobo, représentante du ministère public, reviendra là-dessus : un rappel à la loi, c’est bien le signe qu’il s’est passé effectivement quelque chose, mais cela n’est pas équivalent à être incarcéré. 

Sa maladie et elle ne font qu’un

La prévenue se dit « malade », « bipolaire », « traumatisée par mon passé et ça sera toujours comme ça. » Mais quand son ex compagnon dit qu’elle a des troubles de la personnalité, rien ne va plus ! « Je ne sais pas pourquoi il dit ça. Ma maladie fait qu’on m’attaque facilement. C’est une maladie, c’est un handicap invisible. C’est aussi de la dépression. » Surprenants propos qui alertent tous les magistrats, siège et parquet confondus. 

« Après tout ce que j’ai fait pour lui »

Monsieur et elle ont fait une demande de mainlevée de l’interdiction de contact pendant le contrôle judiciaire… La présidente souligne l’ambiguïté de sa position. « Par rapport aux problèmes que cette relation vous a apportés (« Beaucoup-beaucoup-beaucoup », confirme la prévenue), vous êtes prête à y mettre fin ? » .... « Euh... je ne sais pas. » Elle ne tarde pas à éclater en sanglots. Puis ajoute « après tout ce que j’ai fait pour lui... C’est moi qui paie pour ses conneries à lui. » La présidente lui rappelle qu’en 2022, il y eut trois interventions des forces de l’ordre à son domicile, alors pourquoi ça changerait ?

« Il cherche à me provoquer »

Cette femme souffre, c’est incontestable. Elle souffre, mais elle semble enfermée dans un discours insensé dans lequel elle veut avoir la maîtrise des aides à apporter à monsieur, dans un souci si excessif qu’il en est déplacé mais elle ne le sait pas, visiblement. Une juge assesseur finit par intervenir pour lui signaler qu’elle n’a pas le sentiment qu’elle se remette en question, après 4 mois de contrôle judiciaire. La prévenue : « Je me suis vue vraiment un monstre. » Mais, tout de suite après cette belle parole sans proportion, elle dit : « Il cherche à me provoquer. » Au début de l’audience elle lisait ce qu’elle voulait dire au tribunal. 

« Trouble de la personnalité »

Bref, c’est l’histoire d’une femme qui est allée porter plainte contre son conjoint pour un coup au visage dans un contexte de dispute et de coups réciproques, qui voulait qu’il « la laisse tranquille », et qui après quelques éléments d’enquête se retrouve poursuivie pour violence sans incapacité sur conjoint, d’octobre 2021 à janvier 2023. Son casier est néant. Elle perçoit l’AAH, une pension d’invalidité et a retrouvé du travail à temps partiel, un CDD dans un foyer. « Je travaille dans les personnes handicapées, comme je suis moi-même handicapée ça me fait du bien. » L’expert psychiatre qui l’a rencontrée ne relève pas de trouble mental singulier mais parle d’un trouble de la personnalité, de type état limite ou borderline (labilité émotionnelle, immaturité, impulsivité sous-jacente). Elle est suivie par un psychiatre à Dracy.

« Se réfugier derrière sa maladie »

« La maladie, aujourd’hui, elle a bon dos », dit la vice-procureur qui relève elle aussi les ambiguïtés de la part de madame, « voire un peu de manipulation », « beaucoup de projections » aussi. La magistrate évoque l’audition du jeune fils de madame. « Il dit aimer sa mère, mais il dit aussi que c’est elle qui tape beaucoup. » Elle requiert une peine de 6 mois de prison assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, obligation de soin et interdiction de contact avec monsieur, termine sur un mot positif (une fois n’est pas coutume, ndla) qui remet en perspective l’avenir de madame et ses possibles, « mais sans violences, et surtout sans se réfugier derrière sa maladie ». (Le fait est que la prévenue en a fait son identité, ndla.)

« Elle avait un hématome à la lèvre supérieure »

Maître Reynaud rappelle que c’est bien sa cliente qui a porté plainte contre monsieur, à l’origine, et qu’au minimum il aurait fallu que monsieur comparaisse pour violences réciproques. « Elle avait un hématome à la lèvre supérieure. » Cela étant, les faits qu’on reproche à madame, « sont reconnus ». « Elle a perdu son amour, son enfant (qu’elle voit tous les week-end), elle a bien assez payé. » La femme acquiesce.

Interdiction de contact : rien ne va plus

Mais voilà, le tribunal la dit coupable et la condamne à la peine de 6 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire, avec une obligation de soins « psychologiques et psychiatriques », et une interdiction de tout contact avec monsieur, ainsi que de paraître à son domicile. Ces mesures prennent effet immédiatement. Rien ne va plus. Courbée sur la barre, la condamnée sanglote avec force. « Comme le tribunal l’estime, cette relation est toxique. » Sanglots vifs. « Si vous respectez bien toutes les obligations, ces 6 mois de prison seront non avenus dans 2 ans. » Entre deux sanglots : « Je m’en fous. » Une pensée pour le juge de l’application des peines qui aura le dossier entre les mains.

FSA