portrait
Rencontre avec Yannick Perrin, artiste peintre
Par Nathalie DUNAND
Publié le 10 Mars 2024 à 12h45
Dans la famille Perrin, on connaissait la sœur, Valérie, romancière à succès, on découvre Yannick, artiste peintre.
Nous pénétrons dans l’antre de l’artiste. Un moment rare et précieux quand on découvre qui est Yannick Perrin. Un homme réservé et pudique. Son atelier est à l’image qu’on se fait de ces lieux de création : les odeurs fortes, le bric-à-brac des toiles superposées, la couleur sous toutes ses formes : palettes, pots, bombes… L’espace attenant est une vaste terrasse couverte qui diffuse sa lumière naturelle. Ici, un cendrier débordant, là, les plantes apportent le contrepoids d’une fraîcheur bienfaisante.
Le foot au niveau national, batteur dans un groupe de « musicos », l’événementiel à Gueugnon, les boulots à l’usine, l’école de cinéma de Claude Lelouch à Beaune, une étape à Chalon, Marseille… Yannick Perrin a cherché sa voie avant d’accepter sa véritable compagne de route depuis presque vingt ans : la peinture. Elle était moins sa muse que le garant de son équilibre.
Enfance
Avec une famille qui s’installe à Gueugnon et un père footballeur professionnel, c’est tout naturellement qu’il se lance dès son plus jeune âge dans ce sport familial autant que local. Car Gueugnon, dans les années 70 à 95, est la référence de la région en matière footballistique ! Le FC Gueugnon, comme on l’appelait, a dominé le football bourguignon, évoluant au sein de la Division nationale du championnat de France.
Dès 8-9 ans, donc, Yannick « entre dans la cage » : il devient goal. Rapidement repéré, il intègre l’équipe de France des moins de 15 ans, puis le club de 1re division de Sochaux.
Se chercher
En réalité, le milieu du foot n’est pas fait pour lui. Certes, il a les compétences, mais l’ambiance, les pressions, les ruses de management lui pèsent et déplaisent.
Son plaisir, il le trouve dans la musique, au milieu de son groupe. C’était l’époque de Nirvana, précise Yannick, qui s’amuse en évoquant cette époque : « Finalement, goal ou batteur, c’est toujours une place de l’arrière. On n’est pas sur le devant de la scène, sous le feu des projecteurs, mais on est un pilier, et on doit assurer. Une fausse note ou une erreur et tout bascule ».
Le sport à haut niveau est exigeant, il occupe tout l’espace. Un jour, il s’en ouvre à son père, et ce ne fut pas démarche facile que de lui dire : « j’arrête le foot, je veux faire de la musique.
– Mais comment tu vas vivre ?
– J’irai à l’usine. »
Un choix « pas dans les rails ». Mais Yannick s’y tient, enchaînant les boulots alimentaires.
Certains lui convenaient plutôt bien, comme au service culturel de la mairie de Gueugnon en 2000, pendant une quinzaine d’années. La programmation des spectacles avait du bon : Dany Brillant, Zelda, Amel Bent, Grégoire accueillis au stade de foot, c’était quelque chose.
C’est aussi à cette époque qu’il a commencé à peindre.
La peinture comme exutoire
Comment commence-t-on à peindre ? Qu’est-ce qui pousse certains d’entre nous vers une activité artistique ? Des questions qui n’ont de réponses qu’individuelles.
Celle de Yannick fuse, sincère : « Ça m’apaisait. La première toile que j’ai faite, je me suis rendu compte que je ne pensais à rien d’autre. Je n’ai pas fumé une seule cigarette pendant des heures. »
Exutoire ? Antidote ? Qu’importe l’origine d’un besoin, il reste que sa réalisation a été salvatrice pour l’artiste.
Cette première toile… il l’a faite sur un grand format. Lâcher son geste, oser, comme dans l’écriture automatique d’André Breton. Sans formation artistique, sans volonté de figuration ni d’imitation, juste ce geste qu’on libère. Et toutes ses pensées et son énergie avec.
Deux ans et une foule de tableaux après, Yannick retombe par hasard sur cette première toile. Il se souvient encore de l’effet de surprise : « Quand je l’ai peinte, je ne pensais à rien de précis. Mais j’ai nettement reconnu, dans ce tableau pourtant abstrait, un terrain de foot… »
Les années s’enchaînent, Yannick peint à un rythme parfois effréné, variant les matériaux, les outils. La spatule tacle la couleur, le ciment et les collages s’invitent sur ses toiles. Il travaille la perspective : tout se passe comme s’il autorisait finalement le spectateur à entrer dans son univers, guidant son regard.
Yannick est ce genre d’artiste qui a du mal à se vendre. Il a longtemps offert ses tableaux à ses proches. Valérie est sa première fan. Les retours de son entourage font leur chemin dans son esprit. Le bouche-à-oreille opère, les commandes apparaissent : « Je ne suis pas très à l’aise dans les commandes ». Sourire d’excuse.
Assumer la création
S’investir totalement dans ce qu’il aime faire, c’est-à-dire peindre, n’est-ce pas le sens de sa vie ? Sa compagne Nathalie le soutient dans son projet et bien sûr sa sœur, la romancière Valérie Perrin, qui sait mieux que quiconque dans la famille ce qu’un besoin de créer peut avoir d’impérieux.
Bientôt, le 30 mars, vous pourrez visiter le site de Yannick Perrin, peintre. « J’ai fait appel aux compétences de Margaux Martinez, graphiste écoresponsable. Pour l’anecdote, c’était notre petite voisine à Gueugnon. »
Le site proposera toute la palette des créations de l’artiste : ses tableaux, ses photos – dont certaines ont été prises à Chalon-sur-Saône – et ses « transpositions », des variations de ses toiles par différents filtres.
Ce sera alors un pas franchi pour ce peintre dont la sincérité et l’humilité sont les moindres de ses qualités.
Par Nathalie Dunand
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